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Covid-19 en Isère : après la para­ly­sie du sys­tème de dépis­tage, finis les tests généralisés

Covid-19 en Isère : après la para­ly­sie du sys­tème de dépis­tage, finis les tests généralisés

 

DÉCRYPTAGE - En Isère, la généralisation du dépistage du Covid-19 a conduit le système à la thrombose. Manque de produits et notamment de réactifs dans les laboratoires, CHU au bout de ses capacités… Huit mois après le début de la crise sanitaire, le coronavirus continue de révéler les failles de tout un système. Où les tâtonnements succèdent aux rétropédalages. Marche arrière toute ? Certaines personnes seront à nouveau "prioritaires" pour faire ces tests, vient d'annoncer le ministre de la Santé Olivier Véran.

 
 

Grenoble mardi 17 mars avant confinement masques coronavirus covid-19 © Florent Mathieu - Place Gre'net

A Grenoble, les mesures se durcissent autour du masque © Florent Mathieu - Place Gre'net


L'Isère classée en zone de circulation active du Covid-19, les mesures, notamment quant au port du masque, se durcissent. Reste à savoir qui est contaminé, ou pas. Et avec quelles conséquences.
 
En la matière, difficile d'y voir clair. Car la politique et les moyens de dépistage mis en œuvre jusque-là, notamment par le biais des tests rhino-pharyngés, dits PCR, patinent sérieusement.
 
Depuis l'arrêté ministériel du 24 juillet édicté par le ministre de la Santé Olivier Véran et la décision de généraliser le dépistage sans besoin d'une prescription médicale, les patients affluent dans les laboratoires. Résultat ? C'est la thrombose généralisée. De nombreux laboratoires ne répondent plus aux appels. En début de semaine, Voiron tout comme Moirans, Voreppe, Saint-Égrève ou Apprieu pour se limiter à ce territoire, étaient aux abonnés absents. Pour décrocher un rendez-vous, il fallait se rendre à Saint-Laurent du Pont.
 
 

Tests dépistage du Covid-19 : le parcours du combattant

 
À Grenoble, certains ont réussi à décrocher un rendez-vous à Vallier. Mais d'autres ont fini à ... La Mûre. Depuis début septembre, obtenir un créneau relève du parcours du combattant. Avec quelles conséquences sur la circulation et donc la propagation du virus, quand les délais peuvent facilement atteindre sept jours ?
 

Au vu de la contagiosité estimée du Covid-19 – cinq jours environ – et des délais pour obtenir le résultat – 48 à 72 heures en moyenne –, l'interêt de dépister est pour le moins limité. « Entre le déclenchement des symptômes et les résultats des tests, il se passe facilement quinze jours, fait remarquer un technicien de laboratoire. Et, là, on n'est plus contagieux. » Et exempt d'isolement depuis que la quatorzaine a été ramenée à une septaine*.
 

Test PCR à Saint-Laurent du Pont le 16 septembre 2020 © Patricia Cerinsek

Dans les laboratoires, les files d'attente s'allongent pour se faire dépister, 16 septembre 2020. © Patricia Cerinsek - Place Gre'net


 
Faute de pouvoir aller plus vite et dans l'affolement général alors que se manifestent toutes sortes de virus – Covid, rhumes et autres rhino-pharyngites de saison – les files d'attente s'allongent. Au point de scléroser tout le système. Au CHU de Grenoble, pour obtenir un créneau sur la plate-forme en ligne le 14 septembre, il fallait patienter jusqu'au... 22 septembre.
 
Avec une capacité de test réduite à trois lignes de prélèvement*, le site hospitalier est saturé depuis plusieurs jours. Et le personnel, à nouveau au bord du burn-out, fait face à un afflux de demandes avec des moyens toujours insuffisants. Contacté, le CHU dit être à bout de ses capacités pour mobiliser le personnel. Et n'envisage pas de lignes supplémentaires. « On essaie de renforcer les postes pour que les agents puissent se relayer », explique-t-on.
 
 

« Prendre un rendez-vous à six ou sept jours n'a pas de sens »

 
Dans quelques jours, la plate-forme devrait être re-configurée pour limiter la prise de rendez-vous à 48 heures. « L'objectif est de prioriser les personnes, donner la priorité aux personnes symptomatiques avec ordonnance, poursuivent les services du CHU. Prendre un rendez-vous à six ou sept jours n'a pas de sens. » Médicaliser et établir des priorités dans le dépistage, c'est ce que réclament aussi les patrons de laboratoire.
 

Covid-19 : face à la saturation, finis les tests généralisés Le CHU Grenoble Alpes alerte sur les taux de positivité au Covid-19 en hausse sur le Sud-Isère

© Anissa Duport-Levanti - Place Gre'net


À l'instar du docteur Olivier Vidon, président du groupe Oriade-Noviale, leader en Rhône-Alpes. « Il faut mieux utiliser les tests pour donner un sens au dépistage. Avant la crise du Covid, on faisait 20 tests PCR par jour. Là, c'est 2 000 ou 3 000 ! On ne peut pas tenir ce rythme ! Nos standards téléphoniques sont saturés d’appels pour des renseignements sur le Covid. À ce titre, d'ailleurs, nous allons mettre en place une nouvelle organisation. »
 
Débordé, le personnel doit aussi gérer le manque de respect voire les agressions de patients mécontents. Résultat : Oriade a dû dépêcher des vigiles sur six de ses 43 laboratoires, à Grenoble mais aussi dans le nord Isère ou en Savoie.
 
Dans la profession, beaucoup ont dénoncé un arrêté de généralisation du dépistage « open-bar » pris sans réelle réflexion « et qui a tué la médicalisation ». Le 17 septembre, Olivier Véran a donc annoncé faire machine arrière. Et engager une « doctrine de priorisation avec une liste de personnes prioritaires" qui bénéficieront des tests réalisés plus rapidement. À savoir, les personnes disposant d’une prescription médicale, les personnes symptomatiques, les personnes-contact à risque et les professionnels de santé (soignants, aides à domicile).
 
 

Limiter les tests pour gérer la pénurie ?

 
Quid des personnes âgées, premières touchées par le virus ? Dans les Ehpad, les résidents sont pris en charge en priorité, avec un laboratoire attitré, souligne Carole Mignotte, à la tête d'un établissement grenoblois. Et les tests réalisés dans les 24 heures. Mais pour les personnes restées à domicile, rien n'a semble-t-il été encore prévu.
 
« Si elles ont des symptômes, elles font comme tout le monde, souligne Éric Perrichet, aide à domicile sur l'agglomération grenobloise. Il n'y a pas de stratégie plus ciblée ou plus massive. »
 

Covid-19 : face à la saturation, finis les tests généralisés © Anissa Duport-Levanti - Place Gre'net

Tests Covid-19 © Anissa Duport-Levanti - Place Gre'net


 
Comme au printemps dernier avec les masques, la nouvelle « doctrine » gouvernementale vise-t-elle à pallier la pénurie ? Car ce n'est, d'après les laboratoires, pas tant le personnel ou les capacités techniques qui font défaut que les produits. À Voiron, après les écouvillons, le laboratoire a dû faire face au manque de réactifs. Huit mois après le début de la crise sanitaire, la question revient comme un boomerang.
 
 

Tension sur les produits et notamment les réactifs

 
« Ce peut être un bout de pipette ! Il y a une telle tension sur les fournitures que le moindre détail peut perturber tout le système, poursuit Olivier Vidon. On ne peut pas faire un million de tests aussi rapidement. Nous nous battons avec nos fournisseurs actuels qui sont pourtant les leaders mondiaux du Div [diagnostics in vitro, ndlr]. Nous avons déjà cinq fournisseurs différents et nous allons acquérir trois nouvelles technologies. » 
 
Trop tard ? C'est ce que reproche une kinésithérapeute après la récente annonce du recours à sa profession pour procéder aux tests. « C'est une bonne chose d'associer plus de professionnels mais cela arrive un peu tard », regrette Gaëlle Briand.
 

Covid-19 : face à la saturation, finis les tests généralisés

En France, les tests de dépistage vont désormais être d'abord faits aux personnes prioritaires. © Samara Heisz/iStock


Et en pleine pagaille. Car c'est peu dire que le dispositif est peu lisible. La période d'isolement de sept jours désormais ? Plusieurs cas de figure co-existent. Ainsi, « l’isolement est de sept jours à partir de la date de début des symptômes et avec absence de fièvre au 7e jour, précise l'agence régionale de santé (ARS). Si la personne a toujours de la fièvre, son isolement doit être maintenu jusqu'à 48 heures après disparition de cette fièvre. »
 
Voilà pour les cas confirmés de Covid-19 ou les cas probables avec symptômes de Covid-19. Pour les cas confirmés sans symptômes, l’isolement de sept jours est là compté à partir du jour du résultat positif du test... Quant aux cas contacts, la durée d'isolement est de sept jours à partir du dernier contact avec la personne malade.
 
 

« On attendait des consignes ministérielles, en fait c'est à la responsabilité des établissements »

 
Résultat ? La plus grande confusion règne également dans les établissements scolaires. « Dans l'école, il y a 14 classes et deux classes de l'école Diderot en travaux », témoigne une enseignante à l'école Anthoard à Grenoble. « Actuellement [mardi soir], il ne reste qu'une classe fermée jusqu'au jeudi 17 septembre. Mais deux enseignants qui étaient cas contact sont devenus avérés après un test positif. Certains collègues testés ont repris l'école sans connaître les résultats de leur test, compte tenu des délais et du raccourcissement de la quatorzaine. L'Éducation nationale et l'ARS connaissent ces faits mais ne cherchent plus à intervenir ! »
 
Et ce n'est guère mieux dans le secondaire. Si de nombreux établissements se basent sur le protocole national, qui veut qu'un élève se fasse tester dès lors qu'il déclare une fièvre supérieure à 38 °C, d'autres se basent sur des critères différents.
 
« Pour certains, c'est la fièvre, pour d'autres la toux. Pour d'autres encore, ce peut être un gamin qui éternue une fois ! », pointe Anne-Marie Guillaume, déléguée Snes-FSU en Isère.
 
« On attendait des consignes ministérielles ; en fait c'est à la responsabilité des établissements. Du coup, le curseur n'est pas toujours au bon endroit. »
 
Et à plus de 35 élèves par classe, le sujet peut vite devenir explosif. « Pour les CP-CE1, il y a des dédoublements. Mais pour les autres niveaux, les effectifs ne sont absolument pas pris en compte. On avait demandé au vu du contexte sanitaire des allègements d'effectifs, il n'y a pas eu de changement ».
 
Santé et éducation dans une même galère ? Le système, sclérosé et sans moyens, est bien en peine de s'adapter. « Le Covid, c'est le grain de sable qui vient gripper la machine », résume un médecin.
 
 

« Contrairement à la première vague, les patients ont une durée d'hospitalisation plus courte »

 
En attendant, le taux de positivité aux tests continue son ascension, autour de 6,4 % en Isère actuellement. Une tendance continue à la hausse qui ne doit pas masquer son corollaire : 93 % des personnes testées sont négatives. Au 15 septembre, 71 personnes étaient hospitalisées dans le département et 10 admises en réanimation. Sans que cette tendance à la hausse se traduise pour l'instant par un surcroît de décès.
 

Personnel soignant du CHU de Grenoble. © Léa Raymond - placegrenet.fr

Personnel soignant du CHU de Grenoble. © Léa Raymond - placegrenet.fr


 
« Nous avons beaucoup appris depuis la première vague de l'épidémie », souligne Pascal Jallon, le président de l'Ordre des médecins de l'Isère dans sa lettre mensuelle du 9 septembre. « Le nombre des hospitalisations augmente mais, contrairement à la première vague, les patients ont une durée d'hospitalisation plus courte en réanimation comme en hospitalisation conventionnelle. »
 
Si la situation appelle à la vigilance, la préoccupation des professionnels de santé est ailleurs. Notamment dans les dégâts collatéraux générés par la crise sanitaire. Le retard médical et chirurgical qui conduit parfois certaines pathologies lourdes, en particulier cardiaques ou cancéreuses, à des reports inquiétants. La crise du Covid-19 aura ainsi des conséquences en terme de surmortalité sur les patients atteints du cancer, selon une étude de l'Institut Gustave Roussy, centre de lutte contre le cancer. Du fait des retards de diagnostic ou de prise en charge notamment, le centre chiffre entre 2 et 5 % la surmortalité prévisible à cinq ans.
 
 

Covid-19 : des dégâts collatéraux pas encore comptabilisés

 
« Parallèlement à cette augmentation des patients Covid, et contrairement à la première vague, il faut continuer à prendre en charge les autres patients, souligne le Dr Jallon. Les pathologies courantes et surtout la traumatologie continuent à affluer dans les services d'urgence. La situation est d'autant plus complexe que les établissements de santé CHU comme cliniques doivent faire face à des problèmes de ressources en personnel soignant qui provoquent d'importantes difficultés. »
 
Une situation qui avait poussé le CHU à déclencher le 6 septembre dernier, pour 24 heures (sic), le plan blanc. Non pour cause de Covid mais par manque de lits et de personnels pour faire face à l'activité courante...
 
Patricia Cerinsek
 
 
* Trois lignes de prélèvement ont été mises en place sur le site de l'hôpital nord pour le grand public et le personnel hospitalier. Les deux lignes installées sur le campus à destination des étudiants et du personnel universitaire ne sont pas encore à saturation.
 

Simon Grange

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