FOCUS – Une rentrée aussi normale que possible ? C'est le souhait de la rectrice de l'académie de Grenoble. À l'occasion d'un premier bilan, Hélène Insel a réaffirmé la volonté d'axer la rentrée sur la pédagogie et de ne considérer les normes sanitaires que comme un préalable pour assurer l'accueil de tous les élèves. Peut-être un signe de “normalité” : comme pour chaque rentrée, des établissements contestent des suppressions de classe ou de postes, et le font savoir.
« Normale », la rentrée 2020 dans l'Académie de Grenoble ? C'est l'un des messages qu'a voulu faire passer sa rectrice à l'occasion d'un bilan dressé le mercredi 2 septembre. Après six semaines de confinement et une reprise au mois de mai dans un contexte bien particulier, Hélène Insel se réjouit que l'ensemble des élèves et des personnels soient de retour dans les établissements. Soit, tout de même, 625 454 enfants et adolescents, chapeautés par 44 078 enseignants.
Normale... mais pas tant que ça. La crise sanitaire est toujours bien présente, avec un protocole certes allégé mais toujours d'actualité. Dans les établissements, les masques sont ainsi de rigueur pour chaque adulte, ainsi que pour les collégiens ou les lycéens. De quoi déstabiliser les élèves... et les enseignants. Pas facile de faire classe en se privant de la communication non verbale, des sourires et des moues, confient des professeurs.
Lutter pour l'inclusion et contre le décrochage
Pourtant, tout comme lors de sa visite à l'école Les Frênes de Grenoble, la rectrice ne souhaite pas placer la rentrée sous le signe du Covid. Les mesures sanitaires ? Des « préalables » pour assurer le bon fonctionnement des établissements. Reste que la surveillance est de mise. « Je tiens à rassurer que nous ne transigerons jamais avec les conditions de sécurité sanitaire », lance Hélène Insel. Avec, sous le coude, plusieurs plans d'action en cas de reprise de l'épidémie.
La rectrice vante une nouvelle fois la force de l'innovation face à la crise. « Cette période inédite a permis d'ouvrir des perspectives nouvelles, d'accélérer la réflexion sur nos pratiques pédagogiques [et] éducatives », juge-t-elle. Et de citer des dispositifs comme les 2S2C ou les Vacances apprenantes. Objectif ? Remettre en selle les élèves les plus touchés par la période de confinement. Et ceci au travers d'évaluations et d'accompagnements, avec le déblocage d'heures supplémentaires à la clé.
Quelles priorités pour la rentrée 2020 ? L'école inclusive, souligne Hélène Insel. Avec une attention portée aux élèves en situation de handicap. « Chacun doit pouvoir retrouver toute sa place dans un environnement pédagogique serein », estime la rectrice. Qui veut « accueillir les accompagnants et les AESH comme des membres à part entière des équipes ». AESH qui, ces dernières années, n'ont cessé de dénoncer leurs conditions de travail devant le rectorat de Grenoble.
Un accroc pour les zones d'éducation prioritaire ?
La question des savoirs fondamentaux reste aussi sur la table. « Il faut lutter très tôt contre les déterminismes sociaux, culturels, économiques et géographiques qui font obstacle à la réussite et à l'ambition des élèves », revendique la rectrice. Les actions ? Le dédoublement de l'ensemble des classes de CP et de CE1 en zone d'éducation prioritaire. Et la limitation à 24 élèves pour la totalité des classes de grande section maternelle, CP et CE1 de l'académie.
Un objectif... avec quelques accrocs ? Jeudi 3 septembre, au lendemain de la conférence du rectorat, des parents d'élèves de l'école Les Trembles à Grenoble écrivaient aux services de l'académie. « Nous venons d'apprendre la suppression d'une classe en dispositif 100 % réussite. [...] Nous pensons que cette suppression mettra en difficulté nos enfants dans leur scolarité », alertent les parents.
Une école... pourtant classée en Réseau d'éducation supplémentaire renforcé (Rep +). Les « mamans en colère », comme elles se définissent elles-mêmes, se sont réunies vendredi 4 septembre au matin devant l'école pour faire valoir leur mécontentement. Leur message ? « Les enfants ont besoin d'être encadrés [...]. Or si vous supprimez du personnel enseignant, ça ne va pas les aider à retrouver un certain équilibre ! »
Le lycée Argouges déjà mobilisé
L'école Les Trembles n'est pas la seule à se mobiliser. Mercredi 2 septembre, c'est devant le lycée Argouges de Grenoble que professeurs et parents d'élèves distribuaient des tracts. En cause ? Des classes de seconde comptant 36 ou 37 élèves. Avec, en prime, le manque d'un poste d'infirmière, de CPE et de quelques professeurs. Une situation problématique pour un lycée qui compte plus de 12 000 élèves. Dont plusieurs centaines en internat.
« On avait très peur de cette rentrée... et on n'est pas étonnés », constate Laurence Fouilloux-Buttard. Pour la représentante syndicale FSU, la priorité était de se signaler sans attendre au rectorat via le rassemblement. « On a voulu réagir tout de suite parce que l'on sait que si on commence une année sans rien faire, le rectorat va nous dire que c'est bon et que nous pouvons continuer. »
La professeure explique, au demeurant, que les syndicats ont alerté l'académie dès le début de l'année 2020 en prévision des difficultés à venir. Et ajoute qu'une demande d'audience au rectorat a été déposée en juin, sans succès.
« S'il est nécessaire d'ouvrir une classe, nous ouvrirons une classe ».
« Non, nous n'avons pas été sollicités depuis des mois, c'est récemment que nous avons eu cette demande », affirme en retour Hélène Insel. Qui semblerait presque soulagée par le rassemblement devant le lycée Argouges. « J'ai envie de dire qu'on voit bien que la rentrée est normale quand on a ce genre de problématiques ! », s'amuse-t-elle.
Quelle réponse sur le fond ? « Nous allons vérifier les effectifs. Il y a des effets de seuil, cela peut être une erreur de deux élèves qui nécessite l'ouverture d'une classe », indique la rectrice. Celle-ci se veut rassurante : « S'il est nécessaire d'ouvrir une classe, nous ouvrirons une classe ». Tandis que la secrétaire générale d'académie promet de revenir très vite auprès des enseignants. « On suit de près la situation », assure-elle.
Florent Mathieu