EN BREF – Moins d’une semaine après le sauvetage miraculeux de deux enfants de la Villeneuve suite à un incendie, les six sauveteurs pansent leurs blessures liées à la violence du choc. Pour avoir ainsi réceptionné les enfants après une chute d’une quinzaine de mètres, la Ville de Grenoble et la préfecture de l’Isère s’apprêtent à les honorer. Dans le même temps, le parquet a ouvert deux enquêtes.
« Mon pouce est en miettes », témoigne Musumar Guelord, 29 ans. Il est l’un des six habitants qui a réceptionné à mains nues les deux enfants ayant miraculeusement réchappé à l’incendie de leur appartement à la Villeneuve.
Un incendie, qui a intoxiqué 16 personnes, s’est en effet déclaré lundi 20 juillet, au 54 galerie de l’Arlequin. Piégés dans leur appartement, deux frères de 3 et 10 ans ont alors été contraints de sauter depuis une quinzaine de mètres.
« Si les enfants n’avaient pas sautés, ils seraient morts »
Face aux deux frères paniqués sur le rebord de leur fenêtre, plusieurs habitants du quartier se sont rassemblés en bas de l’immeuble. Parmi eux, six hommes qui n’ont pas hésité à amortir la chute des deux enfants avec leurs corps.
« Les pompiers nous ont dit que si les enfants n’avaient pas sautés, ils seraient morts », raconte, émue, Christelle Alaoui, membre de l’association de locataires du 30 – 40 Galerie de l’Arlequin, qui se trouvait alors dans la foule.
Elle assure que parmi les six hommes, certains n’avaient pas de papiers. « L’un d’entre eux à même fui en entendant les gyrophares des pompiers », relate-t-elle. Tout en précisant que l’essentiel à ce moment-là n’était bien sûr pas les papiers mais les enfants.
Le choc a été si violent que Musumar raconte avoir perdu connaissance plusieurs minutes après avoir récupéré les enfants. « On a tous eu quelque chose de cassé », témoigne-t-il. Pour son pouce, une opération sera nécessaire. En attendant, il devra porter une attelle pendant un mois. Un autre voisin, Walid Athoumani, qui s’est aussi porté volontaire pour réceptionner les enfants, a eu le bras cassé au moment de l’impact. Un troisième homme, Bilal Chemdi, a pour sa part eu un doigt cassé et souffre depuis l’incident de fortes douleurs au dos.
« Je n’ai pas dormi depuis deux jours »
En plus du choc physique, la vision terrible de ces enfants tombant dans le vide les hante encore. « Bilal me dit qu’il pleure tous les jours en y repensant » confie Christelle.
« Je n’ai pas dormi depuis deux jours », avoue également Musumar, lui aussi encore sous le choc. « On leur a dit de sauter, mais je n’arrête pas de me demander ce qui se serait passé si on n’avait pas pu les intercepter », dit-il ému. Tout en faisant part de son souhait de rencontrer les deux garçons qui ont été hospitalisés après avoir été légèrement intoxiqués par les fumées. Les deux frères sont toutefois hors de danger.
Deux enquêtes ouvertes
Deux enquêtes ont été ouvertes pour déterminer les circonstances de l’incendie d’une part, et le degré de responsabilité des parents d’autre part. « Les investigations restent à effectuer », assure Eric Vaillant, procureur de la République de l’Isère. Qui tient également à mettre fin à la rumeur « selon laquelle les enfants auraient été placés à l’aide sociale à l’enfance ; c’est totalement faux », explique-t-il.
Le parquet précise ainsi que « la mère se serait absentée vers 11 heures pour aller faire des courses et [que] le père serait parti à son travail vers 11 h 30. A priori, la maman devait rentrer avant le départ du mari, mais a eu un peu de retard. Les enfants n’étaient donc pas censés rester seuls. », détaille Eric Vaillant. Qui assure avoir toutefois demandé une « évaluation sociale complémentaire concernant la famille ».
Plusieurs cérémonies d’honneur pour les sauveteurs
Ce samedi 25 juillet à 18 heures, les six hommes sont attendus à Villeneuve Plage. Profitant d’une scène ouverte sur place, les habitants du quartier comptent ainsi rendre hommage à leurs héros. Les six hommes devraient également recevoir des mains d’Eric Piolle, la médaille de la ville de Grenoble, vendredi 31 juillet à 18 heures.
La préfecture a par ailleurs confirmé qu’elle était « en contact » avec les six sauveteurs des deux enfants et que Lionel Beffre, préfet de l’Isère, leur avait adressé un courrier. Une rencontre est envisagée sans davantage de précision pour l’instant sur sa date et sa nature.
Thomas Imbert
Des pétitions pour réclamer les honneurs de la république
Plusieurs pétitions en ligne réclament une cérémonie officielle en l’honneur des sauveteurs. L’élu Stéphane Gemmani, par ailleurs fondateur du Samu Social de Grenoble, a ainsi lancé une pétition en ligne pour les « héroïnes et les héros de l’Arlequin ». « Celles et ceux qui se sont mis en danger pour les récupérer, sont devenus des héros », estime-t-il. « Ils doivent être reconnus et honorés à la hauteur de leur fait. »
Les qualifiant « d’exemple pour leur quartier » et la « ville de Grenoble », il s’adresse à Olivier Véran, ministre de la Santé et ancien député de l’Isère ainsi qu’à Emmanuel Macron, afin qu’ils se voient décerner « Les honneurs qui leur sont dus ».
Une autre pétition lancée par le rappeur Lyonnais Ousme Dia qualifie ce sauvetage « d’acte héroïque ». Il réclame qu’ils soient « décorés ou reçus à l’Elysée ». Environ 1600 signatures ont pour l’instant été recueillies.