FOCUS – Voilà maintenant un mois que les cinémas ont rouvert leurs portes. Mais, sur fond de crise sanitaire, les spectateurs semblent toujours bouder les salles obscures. Et, si quelques exploitants de l’agglomération grenobloise espèrent un rebondissement d’ici la fin de l’été, ceux-ci ne se font pas de films pour autant.
Les Français et le cinéma, une vieille histoire d’amour qui repart ? Selon un sondage Médiamétrie publié le 10 juin dernier, 17,2 millions d’entre eux se disaient ainsi prêts à retourner dans les salles obscures lors des quatre premières semaines suivant leur réouverture.
Résultat ? Dans les dix jours qui ont suivi, un million de personnes se sont rendues dans les salles de cinéma. Un bilan plutôt maigre au niveau national qui explique que certains cinémas aient préféré de nouveau fermer.
À Grenoble, la situation n’est pas moins inquiétante. Car les cinémas, tout comme l’ensemble du monde de la culture, sont mis à mal depuis plusieurs mois. Si quelques salles arrivent à tirer leur épingle du jeu, la plupart souffrent de cette période exceptionnelle et de ses effets. Qu’elles soient petites ou grandes.
Des situations variables dans les petits cinémas
Dans les cinémas du centre-ville, certains relativisent, d’autres expriment leur désarroi. Pour Bruno Thivillier, directeur du cinéma Le Méliès, il est encore trop tôt pour dresser un bilan de ces trois semaines de réouverture. « Il faut laisser un peu plus de temps aux spectateurs pour revenir dans les salles de cinéma », tempère-t-il.
Au Méliès, « les résultats sont plutôt corrects », et ce grâce à une clientèle fidèle et friande de cinéma d’auteur et de chefs d’œuvre. « Ça va dans le bon sens. Même si le festival de Cannes a été annulé et que peu de films ont été mis en avant, le dernier film de François Ozon a quand même ramené des spectateurs. »
Un relativisme que ne partage pas Bernard Wolmer, directeur d’exploitation du cinéma Les 6 Rex. « En un mot : dramatique ». Pour lui, l’absence de films américains joue énormément. « J’aimerais rester optimiste, mais je pense que ça ne redécollera pas avant septembre », regrette-t-il.
Pour pallier cette absence de grosses affiches estivales, Les 6 Rex tentent de diffuser des classiques comme Taxi Driver. En vain. « Il n’y a pas de soif de découvrir ou de revoir au cinéma des grands films. On ne sait pas où on va. Tous les films sont décalés. »
Bernard Wolmer pointe du doigt une réouverture des cinémas qui s’est faite trop tôt, selon lui : « Rouvrir le 22 juin a été une folie ! Ce mois-ci, on a fait à peine 1/5e des entrées de l’année dernière à la même période », précise-t-il. Une situation que connaissent également les plus grands cinémas.
D′« énormes pertes » pour les grands cinémas
Comme les petites structures, les multiplexes ressentent en effet fortement les effets du Covid-19. Alain Weislo, directeur du cinéma Pathé Chavant, l’affirme lui aussi : l’absence de productions américaines à l’affiche nuit à la fréquentation des salles.
« La reprise a été très timide. La réouverture s’est faite sans les locomotives hollywoodiennes qui amènent le plus de monde. » Selon lui, la réouverture des cinémas américains est la clé de voûte du retour des spectateurs. « En France, même si on a des films importants comme Divorce Club en ce moment, c’est l’économie du cinéma américain qui fait tourner le nôtre. »
L’absence des “blockbusters” d’été semble donc expliquer cette désertion des salles. Mais le contexte post-covid et la concurrence des lieux d’été jouent aussi pour beaucoup selon Alain Weislo. « Je pense que la période fait aussi que nous sommes en concurrence avec les parcs et toutes les activités en plein air que les gens ont eu plaisir à retrouver », analyse-t-il.
Si Alain Weislo, comme d’autres responsables de cinémas, se montre plus ou moins confiant pour la suite de l’été, force est de constater que son activité peine à retrouver son rythme de croisière. Le Pathé s’est même résolu à afficher des horaires d’ouverture réduits. « Les pertes sont très importantes pour nous. Sans compter que l’on ne sait pas ce que fera la mairie concernant le loyer du Pathé, souligne-t-il. On va voir comment ça se passe… »
Corentin Bemol