FOCUS – Comme partout en France, les soldes ont débuté mercredi 15 juillet à Grenoble. Masque, gel hydroalcoolique, distanciation sociale… les contraintes sanitaires sont strictes pour ces soldes différents de tous les autres. Les commerçants espèrent ainsi réduire leurs pertes liées au confinement, tout en satisfaisant une clientèle au budget parfois réduit.
« Bonjour, je vais vous demander de vous mettre du gel, s’il vous plaît. » Dans la bouche des vendeurs, cette phrase revient sans arrêt, telle un mantra. Alors que la période des soldes d’été commence ce mercredi 15 juillet, les commerçants accueillent leurs clients dans un contexte difficile. Car la crise sanitaire les a touchés de plein fouet.
Chez André, magasin de chaussures en centre-ville de Grenoble, les échanges sont parfois tendus. Laurence, une pile d’affiches à la main indiquant – 50 %, recadre poliment une cliente distraite.
« Vous pourriez imiter la petite et vous passer du gel hydroalcoolique, s’il vous plaît ? demande-elle en désignant une enfant se frottant les mains. Je ne vous ai pas vu faire », se justifie-t-elle. « On se retrouve à faire la police ! », déplore la responsable du magasin. Un rôle pénible à tenir pour cette vendeuse.
« La relation client-vendeur s’est détérioré »
« Parfois, les gens se plaignent, on reçoit beaucoup de remarques », raconte Laurence. « La relation client-vendeur s’est détériorée à cause des précautions sanitaires », regrette-t-elle.
La responsable du magasin est inquiète : son enseigne est en redressement judiciaire depuis le début de la crise sanitaire. Les 450 salariés du groupe sont menacés de licenciement. Et si ces soldes devraient permettre aux commerçants de renflouer en partie leurs caisses, beaucoup s’accordent à dire qu’ils arrivent trop tard dans la saison.
Décalés de trois semaines suite au confinement, ces soldes doivent ainsi durer jusqu’au 11 août. Mais les commerçants ignorent encore quelles retombées financières ils vont générer à la fois en période de crise sanitaire et de vacances.
Des mesures drastiques… pas toujours appliquées
« C’est sûr que c’est différent des années précédentes », explique Claudiana, responsable de la boutique Jacqueline Riu. Pour elle, les clients « privilégient plutôt les vacances aux soldes, cette année. » Afin d’assurer à sa clientèle des courses en toute sécurité, elle a adopté, comme de nombreux autres commerçants, des mesures drastiques.
Certains ont ainsi fait le choix d’interdire les essayages : un choix dérangeant pour les clients « tactiles » comme Dominique.« Si je ne peux pas toucher ni essayer, je n’achète pas », reconnaît-elle. Difficile en effet de s’engager sans essayer. D’autant que le remboursement n’est pas systématique dans les boutiques, bon nombre d’entre elles privilégiant échanges et avoirs.
Pour limiter les injonctions à ne pas toucher les vêtements, l’usage des nettoyeurs vapeurs s’est largement popularisé. Ces appareils, diffusant une vapeur sèche à plus de 100 °C, sont utilisés plusieurs fois par jour pour éliminer le virus. Chez les chausseurs, on s’adapte également. Chez Geox, Samira désinfecte chaque chaussure après essayage. Ici, « impossible d’interdire aux clients d’essayer, ce serait une catastrophe ! Mais il faut d’abord enfiler un bas avant de tester une paire », explique-t-elle.
Incertitudes économiques
« Pour l’instant, on n’a encore rien vendu », observait Samira, encore en pleine installation matinale, ce mercredi matin. Elle, qui s’attendait à des « soldes calmes », a ouvert sa boutique un peu plus tard que d’habitude.
Si elle ne pense pas pouvoir rattraper le retard pris durant les deux mois de fermeture du confinement, il s’agit là, pendant quatre semaines, de « liquider les stocks ». Dès le premier jour en effet, les réductions descendent par endroits jusqu’à – 70 %.
Mais si les franchisés peuvent compter sur un soutien logistique important, ces soldes revêtent un intérêt stratégique pour les indépendants. Michelle, gérante de Clin d’œil coup de cœur, assure cette année « prendre des risques ». « Ma marchandise, j’ai dû l’acheter à mes frais », confie-t-elle, sans garanties de pouvoir l’écouler.
La commerçante se déclare toutefois « optimiste ». Après le confinement, sa boutique, comme beaucoup, a profité d’une affluence bienvenue qui, espère-t-elle, se poursuivra pendant ce mois de soldes.
Soldes et distanciation sociale, un mariage difficile
En ce premier jour de soldes, certaines boutiques ont cependant eu du mal à faire appliquer la distanciation physique entre leurs clients. Dans les vitrines, les magasins annonçaient un nombre maximum de personnes autorisées, parfois d’ailleurs revu à la hausse après quelques semaines d’accalmie, comme chez Promod. Mais ces limitations, qui vont d’une petite poignée de clients jusqu’à plusieurs dizaines pour les plus grosses structures, n’ont pas toujours été respectées.
« On essaye d’être souples. L’idée, c’est que les clients s’autodisciplinent », admet Laurence, vendeuse chez André, dont le nombre de clients en boutique était alors deux fois supérieur à la limite indiquée.
À Kanoé, quelques rues plus loin, les soldes ont démarré en trombe. Une vingtaine de clients se sont amassés dans la petite boutique, à la recherche de bonnes affaires. « On dépasse le nombre affiché en vitrine mais, au moins, les clients sont tous masqués et ils se désinfectent les mains », se défend une vendeuse.
Christine et sa fille, Aurélie, viennent y faire leurs achats « avec un budget réduit ». « On a appris à vivre avec moins pendant le confinement, alors aujourd’hui on va à l’essentiel », expliquent-elles. Elles assurent prendre leurs précautions vis-à-vis des autres clients : « On fait attention. Là, par exemple, il y a du monde, alors on va éviter d’aller dans le fond du magasin. On veut se faire plaisir, mais on reste raisonnables », promettent-elles.
Thomas Imbert
VENTE EN LIGNE : UN DÉBUT DE SOLDES DÉCEVANT POUR SPARTOO
Le groupe Grenoblois Spartoo, spécialisé dans la vente en ligne et propriétaire de la marque André, a annoncé une baisse notable de ses ventes dès la première heure des soldes par rapport à d’habitude.
Les résultats enregistrés sur le site « confirment la frilosité des consommateurs », annonce le groupe. 8 000 colis, avec un panier moyen de 78 euros par consommateur, ont en effet été expédiés aujourd’hui entre 8 et 9 heures. C’est 20 % de moins que l’an dernier.
Boris Saragaglia, PDG du groupe, reconnaît que « les consommateurs sont très exigeants sur les rabais et à la recherche des meilleures affaires dès le démarrage ».
Il annonce, par ailleurs, avoir doublé les effectifs de ses équipes de logistiques et SAV. Tout en promettant aux internautes « une livraison dès le lendemain avec retour offert dans les trente jours pour être hyper compétitifs. »