ENTRETIEN – Arrivée troisième aux élections municipales de Grenoble avec sa liste Un nouveau regard sur Grenoble, Émilie Chalas, candidate notamment soutenue par La République en marche, s’exprime sans filtre sur ses opposants, son score… et ses propositions pour la Ville de Grenoble.
« Tout était surréaliste dans cette campagne à Grenoble ! » À l’orée du second tour des municipales grenobloises, la députée-candidate LREM Émilie Chalas revient sur ces élections pour le moins particulières. À commencer par le contexte dans lequel elles se situent, en pleine pandémie de Covid-19. Avec un premier tour présentant des taux d’abstention records… et un second tour reporté plus de trois mois après.
Ce n’est pas la seule particularité de ces élections, juge Émilie Chalas, qui cite également la réforme des retraites de septembre 2019. « Ça n’aide pas une campagne quand on est peu connu et que l’on subit de plein fouet son étiquette », juge-t-elle. La candidature concurrente d’Olivier Noblecourt n’allait rien arranger, poursuit-elle. Quant à celle d’Alain Carignon, elle semble lui apparaître aussi saugrenue qu’immorale.
Des municipales « violentes » selon Émilie Chalas
Pour Émilie Chalas, 2020 aura été sa « première vraie campagne ». Est-ce à dire qu’elle n’a pas fait campagne en 2017 pour devenir parlementaire ? « Les législatives, ce n’est pas comparable : c’est beaucoup moins incarné, c’est beaucoup moins long, c’est beaucoup moins dense… et l’on porte le programme de quelqu’un d’autre », explique-t-elle. Rien à voir avec des municipales qu’elle décrit comme « violentes ».
Violentes ? « À la fois politiquement, mais aussi par rapport à cette minorité de 70 personnes qui a décidé que je n’avais pas le droit de faire campagne. » Des militants, identifiés comme Gilets jaunes voire anarchistes, qui ont muré son local de campagne entre autres actions. Plus de nouvelles aujourd’hui : « Je me suis pris 13,7 %, ils sont contents et me laissent tranquille. Je n’ai jamais aussi bien fait campagne que maintenant ! », ironise-t-elle.
La violence, la candidate la voit aussi dans les opinions qui s’expriment. « On n’a plus de place pour la nuance dans le débat politique, et ça c’est dramatique. Être aux responsabilités, que cela soit à l’échelle nationale ou locale, c’est quand même être dans l’équilibre. Le radicalisme mène toujours au totalitarisme », considère la candidate. En ligne de mire ? Le positionnement « extrême gauche » du maire sortant de Grenoble, alors que « l’écologie n’appartient plus à un parti politique ».
La « macronie alimentaire » d’Olivier Noblecourt
La violence, elle s’est aussi exprimée… entre candidats. En particulier, pour ce qui concerne Émilie Chalas, dans les relations entre sa liste et celle d’Olivier Noblecourt. La candidate n’a eu de cesse de tendre la main à Grenoble nouvel air qui, de son côté, a tenté à de multiples reprises de négocier une alliance avec Grenoble en commun. Aujourd’hui, c’est sans filtre qu’elle parle de son adversaire. Et l’accuse de « macronie alimentaire ».
« Il a bossé pour En marche, candidaté contre moi, il a même fait un appel aux marcheurs, puis tend la main publiquement à Piolle : fin de non-recevoir. Et il se maintient et se met à taper sur Piolle ? C’est juste inacceptable politiquement. Même pour l’image du monde politique, je trouve ça honteux. Quelqu’un qui fait tapis au poker, s’il perd, il se retire… Là, non : il se maintient. Avec quelle offre politique ? », interroge Émilie Chalas.
La candidate réserve d’autres amabilités à Alain Carignon : « Que Carignon me dise que c’est bientôt la fin de ma vie politique… et alors ? Si cela doit s’arrêter, ce n’est pas un drame. Quand on parade et que les regards sont sur moi, je suis très mal à l’aise. Des Carignon, eux, vont rechercher ça : ce sont des gens qui n’ont pas de métier et sont dans la soif de pouvoir et de lumière. Ceux qui n’arrivent pas à partir, ça devient pathétique. »
Des scores du premier tour à relativiser selon Émilie Chalas
Le candidat Carignon n’en a pas moins fait 7 points de plus que la liste Un nouveau regard sur Grenoble. Sa tête de liste prend acte de son score et souligne d’elle-même une performance plus que modeste dans des quartiers pourtant inclus dans sa circonscription de députée. « J’ai pris une belle branlée, pas de doute… Dans un bureau de vote, on a deux voix. Pas 2 % : deux voix ! », dénombre la candidate.
Pour autant, le bon score d’Éric Piolle ne l’impressionne guère : « 47 % c’est énorme, mais en même temps c’est 17 000 voix. Ce n’est pas plus qu’en 2014. Il n’a pas gagné de nouvel électorat sur le premier tour. On va voir pour le second. » Le tout, ajoute-t-elle, en considérant que l’électorat plutôt jeune du maire sortant était plus à même d’aller voter en pleine épidémie de coronavirus.
Le score d’Alain Carignon, Émilie Chalas l’analyse aussi comme un échec. « Ce n’est pas toute la droite qui a voté pour lui. Il n’incarne pas la droite modérée, ni l’avenir de la droite à Grenoble. » Quant au score d’Olivier Noblecourt, il apparaît à ses yeux comme une sanction. « Il aurait pu siéger pendant six ans au conseil municipal [de 2014 à 2020, ndlr] : il se barre et revient comme le messie. Il m’a dit qu’il allait gagner, il en était convaincu », raille Émilie Chalas.
La candidate juge par ailleurs que maintenir le premier tour le 15 mars était une erreur : « Je suis tombée de ma chaise qu’Emmanuel Macron maintienne. Je comprends qu’il était coincé mais, pour la démocratie, pour la vitalité politique, ça n’avait pas de sens. » En revanche, elle approuve l’organisation du second tour le 28 juin. « Il fallait boucler tout ça. Finir la séquence, même si elle nous est défavorable », commente-t-elle.
La Fête des tuiles, une « kermesse à 500 000 euros »
Concernant son programme, Émilie Chalas, à l’image de ses concurrents, l’a distillé tout au long de la campagne. Restent néanmoins quelques points à préciser avec elle. Quel avenir pour la Fête des tuiles, créée par la municipalité Piolle ? Suppression, répond-elle sans hésitation. « Une kermesse à 500 000 euros. Et pour financer ça, [la municipalité a supprimé] des concerts à Mistral et la Villeneuve ! »
Le Street art festival ? La candidate LREM est pour… mais revient sur ses réserves vis-à-vis de la dernière création de Goin, le KKKops. « Je soutiens la liberté artistique, mais la responsabilité des artistes, quand un mouvement social crée la division et des violences exacerbées par une minorité, c’est ne pas mettre de l’huile sur le feu », juge-t-elle. Un festival filtré, dans ce cas ? « On aurait un débat avec les artistes. Libre à eux de prendre ce parti ou pas. »
Pour Émilie Chalas, c’est aussi l’occasion de ramener le débat sur la propreté. Un thème largement abordé par Alain Carignon au cours de la campagne et dont elle s’empare également. « La valorisation du street art passe par une ville impeccable, sinon ça se noie dans une atmosphère nauséabonde. Il faut qu’à côté il n’y ait pas de tags à la con, de poubelles qui s’amoncellent, de rats qui circulent… », tance la candidate. Un besoin de services publics auquel pourrait répondre la vidéosurveillance ?
Vidéosurveillance, « smart city » et 5G
Émilie Chalas plaide en effet pour un « centre de surveillance urbain » dont le rôle ne serait pas seulement sécuritaire. Certes, ce dispositif aurait un rôle « de prévention et de répression »… mais aussi de gestion des incidents, des bouchons, de repérage des encombrants. « Un outil de régulation et de gestion de la ville », avec une « réponse de service public immédiate ».
Souriez, vous êtes vidéo-surveillés ? Émilie Chalas se soucie peu des critiques. « Quand la police, la gendarmerie, les experts demandent la vidéoprotection, ils ne font pas ça pour le plaisir. Quel intérêt auraient-ils à la demander si ça ne servait à rien ? »
Et pour l’armement des policiers municipaux, proposé par Olivier Noblecourt ? Tout dépend des missions, répond la candidate. « C’est un niveau de sécurité qu’on leur donne. »
Si, pour Émilie Chalas, la vidéosurveillance répond au concept de « smart city », que pense-t-elle des expérimentations sur la 5G ? « Je suis pour », répond-elle sans ambages. Non sans moquer le principe de précaution, « un épouvantail pour ceux qui sont contre ». « Être aux responsabilités, c’est faire des choix. Et choisir, c’est prendre des risques », tranche la parlementaire.
Des conseils municipaux mouvementés en perspective ?
Autant de positions, parmi d’autres, qu’Émilie Chalas compte porter durant ses six ans de mandat de conseillère municipale d’opposition. Sauf si, par grande surprise arithmétique, elle sortait victorieuse des urnes au soir du 28 juin. La candidate rappelle à ce propos la défaite inattendue du maire historique Hubert Dubedout en 1983 dès le premier tour… contre un certain Alain Carignon.
Celle qui a reproché à Éric Piolle d’avoir transformé Grenoble en « bastion anti-gouvernemental » ne sera-t-elle pas, de son côté, la voix macroniste au sein du conseil municipal de Grenoble ? « Mon job, c’est de défendre ce que je pense être le mieux pour les Grenoblois. Et ça va être aussi de rétablir un certain nombre de vérités », rétorque Émilie Chalas. Pour qui l’équipe Piolle propage nombre de « bobards » sur le gouvernement.
Au vue de l’ambiance de la campagne, faut-il compter sur six années mouvementées au conseil municipal ? « On sait qu’être dans l’opposition, ce n’est pas une partie de plaisir. Mais je suis une guerrière, je n’ai pas peur de porter des messages et de les répéter ! », assure-t-elle, certaine que « le chemin d’Éric Piolle n’est pas le bon pour Grenoble ». Avant de conclure : « S’il en change… on finira peut-être par être d’accord ! »