FIL INFO – En étudiant l’agent infectieux de la toxoplasmose, des chercheurs grenoblois de l’Institut pour l’avancée des biosciences ont découvert son mécanisme de propulsion dans les tissus « à la recherche » de cellules-hôtes à coloniser. Publiés fin mai dans ACS Nano, ces travaux ont été sélectionnés le 17 juin dernier par la Société américaine de chimie dans son focus hebdomadaire pour la presse.
Les chercheurs grenoblois de l’Institut pour l’avancée des biosciences (IAB)1IAB : CNRS / Inserm / UGA avaient déjà découvert que l’agent causal de la maladie de la toxoplasmose, Toxoplasma gondii, injectait dans la membrane des cellules-hôtes un complexe de protéines formant une porte par laquelle il s’engouffre en quelques secondes.
Mais comment le véloce parasite se déplace-t-il dans les tissus pour atteindre ces cellules-cibles où il produit sa descendance ? Tel est le mystère que les chercheurs de l’IAB viennent d’élucider, en partenariat avec le Laboratoire grenoblois pluridisciplinaire de physique (LIPhy)2CNRS / UGA.
Ces travaux, publiés le 20 mai dernier dans la revue ACS Nano, ont été sélectionnés le 17 juin par la Société américaine de chimie (ACS) dans son focus hebdomadaire pour la presse. Et ses conclusions ont de surcroît fait l’objet d’une vidéo de vulgarisation dédiée.
Le toxoplasme accumule de l’énergie dans un système ressort
D’après les chercheurs, le toxoplasme est tout aussi rapide à entrer dans les cellules-hôtes qu’à se déplacer « à leur recherche » dans les tissus. Ainsi le qualifient-ils de « microbe champion de course » dans la catégorie des « migrateurs glisseurs ».
Le parasite prend en effet périodiquement appui sur sa surface dans une zone de contact restée jusqu’ici inconnue, située dans la région antérieure de l’organisme unicellulaire. Un système de « ressort » interne permis par son cytosquelette (ou squelette interne de la cellule) spiralé formé de microtubules, permet d’accumuler l’énergie qui va ensuite assurer sa propulsion. La traction s’accompagne de la courbure à l’avant du parasite.
Pour parvenir à ces premières conclusions, les chercheurs ont mesuré en temps réel les forces exercées lors des déplacements du micro-organisme en utilisant les concepts et les approches des biophysiciens. « En particulier la microscopie de force résolue en temps pour décrypter à l’échelle de la seconde et sur des dimensions sub-micrométriques de potentielles zones de contact entre le parasite et une surface, et capturer le développement des forces sur ces zones », expliquent-ils.
Son moteur à propulsion, un modèle pour les nanomoteurs et nanorobots ?
Les scientifiques ont également étudié la décharge d’énergie responsable de la propulsion glissée du parasite. Là encore, en adaptant les techniques récentes de l’imagerie nano-résolutive par expansion, les chercheurs ont modélisé les microtubules lors du relâchement. C’est ce phénomène qui déclenche la propulsion caractéristique en hélice de Toxoplasma.
« Ces travaux éclairent un mécanisme singulier d’utilisation des microtubules au sein du cytosquelette de la cellule sélectionnée par ce parasite », indiquent les chercheurs. Et ouvrent des perspectives innovantes sur la fabrication de nanomoteurs et nanorobots (moteurs et robots de dimension nanométrique) à visée médicale ou industrielle.
Véronique Magnin
2 LIPhy : CNRS / UGA
Mode de transmission du toxoplasme et dangerosité
Le toxoplasme, l’agent responsable de la toxoplasmose, se transmet à l’homme par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés. « Près d’un tiers de la population humaine a contracté l’infection à Toxoplasma », rappellent les chercheurs. Cette infection fréquente est le plus souvent bénigne dans sa phase aiguë. Sauf au cours du développement fœtal ou en cas d’affaiblissement du système immunitaire.