FOCUS — Publié le 22 mars 2020 dans l’espace blog de Mediapart, un texte analyse en profondeur les résultats des élections municipales de Grenoble. Si les scores obtenus par le maire sortant sont traités avec une certaine objectivité, ceux de ses concurrents sont présentés avec un ton pour le moins sévère. Petit détail : l’auteur de l’analyse en question est Alan Confesson, conseiller municipal de la majorité grenobloise… et colistier du maire sortant Éric Piolle.
Publié dans l’espace blog de Mediapart le 22 mars 2020, le billet est quelque peu passé inaperçu en pleine crise sanitaire et en début de confinement. Il s’agit pourtant d’une analyse sociologique très aboutie des résultats du premier tour des élections de Grenoble, survenu une semaine plus tôt, le dimanche 15 mars. Y est décortiqué le (très) bon résultat du maire sortant Éric Piolle secteur par secteur, de même que les (beaucoup moins bons) résultats de ses concurrents.
L’auteur du billet ne manque pas de légitimité. Un docteur en sciences politiques, « spécialisé dans l’étude des partis politiques, l’analyse électorale et les modes de scrutin ». Il a déjà réalisé des études sur les élections européennes ou les présidentielles ukrainiennes de 2019. Son nom ? Alan Confesson… actuel conseiller municipal dans la majorité grenobloise et colistier du maire sortant de Grenoble. Ce qu’il ne précise à aucun moment à ses lecteurs.
Un champ lexical de la défaite
Le candidat de Grenoble en commun ne s’en pare pas moins d’un ton très objectif lorsqu’il s’agit d’analyser les poches de succès ou de faiblesse de son champion. S’il note « une dynamique qui irrigue généreusement les secteurs 4 et 5 », il observe également des résultats plus modérés sur le Village olympique ou le quartier Mistral. Bref, un secteur 3 « qui demeure le plus rétif », tout en enregistrant des résultats en hausse par rapport à 2014.
Le ton est bien différent lorsqu’il s’agit de parler de ses adversaires, pour lesquels Alan Confesson déploie un savoureux champ lexical de la défaite. « Alain Carignon a bien des raisons d’être déçu de son résultat », assène-t-il. Déception ? Le candidat a pourtant réalisé le score que lui promettaient tous les sondages depuis plusieurs mois. Aucun doute toutefois pour Alan Confesson : le retour d’Alain Carignon est « complètement raté ».
Les résultats d’Émilie Chalas ? Un « effondrement du vote macroniste à Grenoble », considère le docteur en Sciences politiques. Olivier Noblecourt ? Celui qui se pensait, selon le blogueur, « un meilleur candidat pour la macronie » obtient « une piteuse quatrième place ». La Commune est à nous est « surtout aux autres, finalement », se moque-t-il même. L’extrême-droite connaît quant à elle son « chant du cygne »… Et Lutte ouvrière ? « Comme d’habitude… », résume l’analyste.
Des explications de vote parfois nébuleuses
Les explications de vote pour les concurrents d’Éric Piolle peuvent par ailleurs parfois prendre un caractère légèrement nébuleux. Pourquoi Alain Carignon enregistre-t-il de bons scores dans les bureaux de vote de la Villeneuve ou d’Arlequin ? « Le phénomène […] pourrait correspondre à des réseaux de soutiens très localisés, dont le poids dans les urnes augmente lorsque la participation est faible », suggère au conditionnel l’analyste. Avant d’évoquer plus loin « l’équation personnelle » du candidat.
Olivier Noblecourt ? Là encore, tout est question de réseaux. « Le vote Noblecourt est […] plus élevé dans les quartiers les plus populaires, où les anciens réseaux du PS de l’ère Destot sont encore bien implantés », juge Alan Confesson. Des voix populaires qui, écrit-il encore, « correspondent sans doute à un vote socialiste résiduel ». Et les bureaux où le candidat socialiste devance Éric Piolle ? Des « exceptions qui confirment la règle ».
Le ton est plus catégorique lorsqu’il s’agit de juger les résultats des « dissidents du piollisme » que seraient les membres de la liste La Commune est à nous.
Appellation aventureuse alors que seuls les deux élus présents sur la liste, Guy Tucher et Bernadette Richard-Finot, peuvent effectivement se définir comme “dissidents”.
Une chose est sûre pour le doctorant candidat : le “bon” score de La commune est à nous sur Chorier-Berriat1C’est à dire supérieur à 5 %, alors que la liste a obtenu 3,24 % des suffrages exprimés. « n’est guère surprenant pour une liste conduite par le président de l’union de quartier locale ». Quant à ses résultats supérieurs à la moyenne dans les quartiers populaires, ils « restent décevants pour les membres de cette liste, au regard de l’implication de bon nombre d’entre eux dans des initiatives de rejet du projet de renouvellement urbain voté par la municipalité ». Et donc, notamment, par Alan Confesson.
Quand Alan Confesson prédisait l’absence de fusions entre listes
« Qu’attendre pour le second tour ? », s’interrogeait enfin l’analyste, le 22 mars dernier. Alan Confesson a eu le nez creux : à ses yeux, des fusions entre les listes étaient « plus qu’improbables ». L’avenir lui a donné raison. Mais l’universitaire en a profité au passage pour qualifier de « saugrenues » les propositions d’Émilie Chalas. Et juger qu’Olivier Noblecourt voulait « faire oublier sa proximité avec le gouvernement ».
Et pour le maire sortant ? Tout était visiblement écrit dès le soir du premier tour : « Éric Piolle a une telle avance sur ses concurrents qu’un accord lui serait peu utile. » L’auteur pariait même sur un résultat encore plus élevé au second tour. « L’expérience de la gauche rouge-verte au pouvoir est bien partie pour se poursuivre », concluait Alan Confesson. Sans préciser une nouvelle fois aux lecteurs en faire lui-même partie depuis six ans.
Florent Mathieu
1 C’est à dire supérieur à 5 %, alors que la liste a obtenu 3,24 % des suffrages exprimés.