EN BREF – L’État rechigne toujours à communiquer l’intégralité de ses échanges avec Pierre & Vacances sur le dossier du Center parcs de Roybon en Isère. Sommé par le tribunal administratif de Paris de transmettre ses courriers et courriels, il se pourvoit en cassation. Ravivant l’hypothèse de potentielles collusions entre les plus hautes sphères dirigeantes et l’auto-proclamé numéro un des résidences de loisirs.
Que cachent les échanges entre le ministère de l’Agriculture et le groupe Pierre & Vacances sur le dossier du Center parcs de Roybon en Isère ? L’État rechigne en tout cas à communiquer la totalité de ses courriers et courriels à la fédération nature environnement (FNE). Il a engagé, le 6 mai 2020, un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État contre la décision du tribunal administratif de Paris qui lui enjoignait d’être plus transparent.
Au cœur du dossier ? Des échanges entre Pierre & Vacances et les services de l’État. Mais aussi les correspondances avec le ministre de l’Agriculture de l’époque Stéphane Travert, entre décembre 2016 et juillet 2018. Des pièces sur lesquelles la fédération des associations de protection de l’environnement, très remontée contre le projet de Center parcs depuis 2015, aimerait bien mettre la main… pour révéler de potentielles collusions entre l’État et l’auto-proclamé numéro un des résidences de vacances en Europe ?
En question ? Un décret permettant de prolonger l’autorisation de défrichement
Le 2 juillet 2018, un décret signé du Premier ministre Édouard Philippe et de Stéphane Travert était pris. Un décret qui allait permettre de rallonger de deux ans l’autorisation de défrichement délivrée à Pierre & Vacances*. Un décret où, comme nous le révélions en avril 2019, on retrouve l’ombre si ce n’est la main de Gérard Brémond, le PDG de Pierre & Vacances.
Dans un courrier en date du 11 décembre 2017 adressé à Stéphane Travert, Gérard Brémond réclamait en effet la possibilité de modifier le code forestier afin de proroger la validité de l’autorisation de défrichement. Une possibilité que ne semblait pas écarter le ministre, dans sa réponse le 14 mai 2018 au PDG de Pierre & Vacances. D’autres échanges, toujours tenus secrets, confirment-ils des interférences au plus haut sommet de l’État ?
La Commission européenne met en demeure la France pour ses manquements
Alors que l’autorisation de défrichement arrive à nouveau à son terme – le 12 juillet 2020 –, l’État se refuse manifestement à complètement lever le voile. Il s’est pourtant à plusieurs reprises fait taper sur les doigts. Par le Conseil constitutionnel d’abord, qui a rappelé le droit d’accès aux documents administratifs dans une décision rendue suite à une question prioritaire de constitutionnalité datant du 3 avril 2020.
Par la Commission européenne ensuite. Le 14 mai, Bruxelles mettait en effet en demeure la France en raison de ses manquements en matière de communication d’informations environnementales. Ce trois jours après qu’Élisabeth Borne, la ministre de la Transition écologique et solidaire, ait rappelé dans une circulaire les règles en vigueur. Le 15 mai, l’État engageait son pourvoi en cassation sur le dossier du Center parcs de l’Isère…
Patricia Cerinsek
* L’autorisation de défrichement initiale, délivrée en juillet 2010, avait déjà été prorogée une première fois en 2015 par un décret signé du Premier ministre Manuel Valls.