REPORTAGE VIDÉO – Tous les soirs depuis le début du confinement, Radio Covid-19 Berriat profite des applaudissements destinés aux soignants pour divertir le quartier peu après 20 heures. À l’approche du déconfinement, ils ont reçu un invité exceptionnel : Gérard Van Fouchett, chef d’orchestre de musique… d’assiettes.
« Mettez l’assiette sur votre épaule et avec le couteau vous allez venir gratter le bord, comme sur un violon ! », explique Gérard Van Fouchett. Ce personnage haut en couleur, cheveux hirsutes, veste et nœud papillon, est le fervent défenseur d’une discipline aussi étrange que sonore : la musique d’assiettes.
20 heures, le rendez-vous quotidien
Une à une, les têtes apparaissent aux fenêtres. Comme tous les soirs, les voisins sont au rendez-vous pour leur divertissement quotidien. Après les traditionnels applaudissements à 20 heures, c’est le moment pour Radio Covid-19 Berriat de prendre le relai.
« Ça coupe la monotonie des journées qui peuvent être très longues. Ça nous fait du bien. On attend vraiment ça tous les soirs », témoigne Mickey Stephenson, habitant du square des Fusillés. Mais ce soir, c’est un événement particulier.
Un concert d’assiettes cours Berriat
Gérard Van Fouchett ameute le voisinage dans un micro relié à deux enceintes donnant sur la rue et la cour intérieure. Le spectacle commence. Après une brève histoire loufoque de la musique d’assiettes, il invite les curieux à essayer, munis d’une assiette solide – ni en plastique, ni en carton – et d’un couteau cranté.
Les habitants tapent et grattent leurs instruments. Après quelques essais cacophoniques, tous arrivent à jouer à l’unisson. Sous les directives du chef d’orchestre, « We will rock you », la fameuse chanson de Queen, retentit du cours Berriat à la Belle électrique. Version assiettes symphoniques.
« Au restaurant, au bureau, jouez, jouez ! »
Après un quart d’heure de concert, Gérard Van Fouchett salue et encourage ses nouvelles recrues à diffuser cette musique au plus grand nombre.
« Au restaurant, au bureau, partout où il y a des assiettes, jouez, jouez ! » Après une dernière salve d’applaudissements et sous les regards curieux des passants, les fenêtres se referment.
Ici comme ailleurs, les habitants attendent avec impatience de retrouver une semi-liberté de mouvement. Mais au 159 cours Berriat, ces deux mois de confinement sont finalement assez vite passés.
Anissa Duport-Levanti
LA PETITE HISTOIRE DE RADIO COVID-19 BERRIAT
« Au début, on applaudissait à 20 heures, et puis un jour on a entendu de la musique juste après », se souvient Mickey Stephenson. Cette musique, elle venait de chez Sylvie Dumas.
Avec son ami Pascal Servet, comédien et auteur, ils avaient décidé de passer quelques chansons de Manu Dibango. Un hommage au célèbre saxophoniste et chanteur camerounais, décédé ce jour-là, le 24 mars 2020.
Un quart d’heure de musique quotidienne
« On s’est tout de suite dit : “mais oui, c’est évident, il faut faire ça tous les soirs” », se souvient Sylvie. Radio Covid-19 Berriat était née. Alors, depuis cette date, quinze minutes de musique suivent l’hommage aux soignants. « On ne voulait pas faire plus pour ne pas trop déranger », confie-t-elle.
Mais il n’en fallait pas plus pour fédérer. Très vite, les voisins veulent proposer des chansons. Les avions en papier volent jusqu’à la porte de Sylvie. Alors elle accroche une feuille pour que chacun puisse écrire ses souhaits. « En tout, on a dû passer plus de 250 chansons », estime-t-elle.
L’initiative ne s’arrête pas là. Sylvie et Pascal organisent des soirées spéciales. « Le samedi, c’est Saturday Night Fever : on pousse la musique jusqu’à 20 h 30. Et on a aussi organisé une soirée plage, avec parasols et serviettes dans la rue et la cour de l’immeuble », se réjouit Sylvie.
Redécouvrir ses voisins
« Cette initiative nous a permis de vraiment nous rencontrer, ça a rapproché tout le monde », affirme Solène, une voisine. « On a appris à connaître nos voisins. Il y a des colocations de jeunes étudiants dans tous les immeubles autour. On les a rencontrés. Maintenant, il y a un vrai lien et on discute tous ensemble », poursuit Mickey Stephenson, habitant du square des Fusillés.
Tous espèrent que le retour à la vie – presque – normale ne signifiera pas la fin de ces nouveaux rapports de voisinage. « On a prévu de monter un spectacle autour de notre expérience », confie Sylvie. Une chose est sûre, Radio Covid-19 Berriat ne s’éteindra pas le 11 mai.