FIL INFO – C’est une première. Une équipe internationale d’astronomes, dont des chercheurs de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble, ont réussi à capturer des images des bords intérieurs de disques formant des planètes situés à des centaines d’années-lumière. Des clichés qui apportent un éclairage nouveau sur la formation des systèmes planétaires.
« Je suis ravi que nous ayons maintenant pour la première fois quinze de ces images », se félicite le chercheur Jacques Kluska, auteur principal de l’étude réalisée par une équipe internationale d’astronomes1Fruit d’une collaboration entre l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Ipag) et l’institut d’astronomie de l’université KU Leuven à Louvain en Belgique. dont des chercheurs de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Ipag). Les images en question ? Celles de disques de poussières et de gaz, « de forme similaire à un disque vinyle » qui se forment autour de jeunes étoiles.
D’une précision inégalée, ces dernières apportent un éclairage nouveau sur la formation des systèmes planétaires, y compris le nôtre. Tout particulièrement durant cette phase très lointaine où des grains de poussière peuvent se transformer en corps plus gros pour former finalement des planètes. Une avancée importante publiée le 30 avril 2020 dans la revue Astronomy & Astrophysics.
Des images inédites obtenues grâce à la combinaison de techniques
Avant cette étude, les grands télescopes à miroir unique permettaient déjà d’obtenir des photographies de ces disques planétaires ou protoplanétaires. Mais, comme le souligne Jacques Kluska, « ces instruments ne peuvent pas capturer leurs moindres détails ».
Ainsi, « sur ces images, les régions proches de l’étoile, où se forment les planètes rocheuses, ne sont couvertes que par peu de pixels », explique le scientifique. Or justement, « nous avions besoin de visualiser ces détails pour pouvoir identifier les modèles qui pourraient trahir la formation des planètes et caractériser les propriétés des disques », précise-t-il encore.
Comment les astronomes sont-ils parvenus à leurs fins ? En combinant plusieurs techniques, comme le détaille l’astronome grenoblois Jean-Philippe Berger, membre du consortium et expert en charge des travaux d’interférométrie réalisés avec l’instrument Pionier de l’Observatoire européen austral (Eso).
« L’interférométrie infrarouge est couramment utilisée pour découvrir les moindres détails des objets astronomiques. La combinaison de cette technique avec des mathématiques avancées nous permet enfin de transformer les résultats de ces observations en images », se réjouit-il. Avant de préciser que « cette technique de reconstruction mathématique est similaire à la façon dont la première image d’un trou noir a été capturée ».
Des irrégularités intrigantes
Comment interpréter les tâches plus ou moins lumineuses sur ces clichés ? « Cela fait allusion aux processus qui peuvent conduire à la formation de la planète », explique Jean-Philippe Berger. Ainsi, « il pourrait y avoir des instabilités dans le disque qui peuvent conduire à des tourbillons où le disque accumule des grains de poussière spatiale qui peuvent se développer et évoluer vers une planète », cite-t-il en exemple.
Voilà pourquoi l’équipe va effectuer des recherches supplémentaires pour identifier ce qui pourrait être à l’origine de ces irrégularités.
Mais pas seulement. Les astronomes comptent aussi réaliser de nouvelles observations pour obtenir encore plus de détails. Voire même, espèrent-ils, assister directement à la formation de planètes dans les régions des disques proches de l’étoile.
Onze autres disques autour d’autres types d’étoiles plus anciennes sont également à l’étude. « Car on pense que ceux-ci pourraient également faire germer des planètes », justifient-ils.
Véronique Magnin
1 Fruit d’une collaboration entre l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Ipag) et l’institut d’astronomie de l’université KU Leuven à Louvain en Belgique.