Réchauffement cli­ma­tique : la part des acti­vi­tés humaines « très sous-esti­mée » selon des cher­cheurs grenoblois

Réchauffement cli­ma­tique : la part des acti­vi­tés humaines « très sous-esti­mée » selon des cher­cheurs grenoblois

FOCUS – Grâce aux glaces du Groenland, des cher­cheurs de l’Institut des géos­ciences de l’environnement ont contri­bué à déter­mi­ner avec pré­ci­sion la part des acti­vi­tés humaines dans les émis­sions de méthane dans l’atmosphère. Un peu pas­sés inaper­çus à cause de la crise sani­taire, leurs résul­tats révèlent des émis­sions d’origine anthro­piques lar­ge­ment sous-esti­mées jusqu’ici. Des tra­vaux majeurs publiés dans la revue Nature en février 2020.

« L’impact des acti­vi­tés humaines sur le cli­mat par ses émis­sions de méthane vers l’atmosphère est plus impor­tant que ce que nous pen­sions », révèle une équipe inter­na­tio­nale1menée par B. Hmiel et V. Petrenko de l’Université de Rochester aux États-Unis. dont font par­tie des cher­cheurs gre­no­blois de l’Institut des géos­ciences de l’environnement (IGE).

Le méthane (CH4) est un puis­sant gaz à effet de serre. Il est, après le dioxyde de car­bone (CO2), le deuxième plus grand contri­bu­teur au réchauf­fe­ment en cours de la pla­nète. Ses émis­sions vers l’atmosphère ont aug­menté d’environ 150 % durant les trois der­niers siècles.

Climat : la part des activités humaines très sous-estimée. Terrasses de riz à Mù Cang Chải au Vietnam. DR

Le méthane atmo­sphé­rique de source bio­lo­gique peut être d’o­ri­gine anthro­pique : rizières, décharges ou éle­vage. Ici, ter­rasses de riz à Mù Cang Chải au Vietnam. DR

Alors que les scien­ti­fiques savent ainsi quan­ti­fier la quan­tité totale de méthane émise dans l’atmosphère, la par­ti­tion fine entre ori­gine natu­relle et anthro­pique (liée aux acti­vi­tés humaines) res­tait jusqu’ici méconnue.

C’est donc la pre­mière fois qu’une équipe par­vient à déter­mi­ner avec pré­ci­sion la part des déga­ge­ments de CH4 liée aux acti­vi­tés humaines et à suivre son évo­lu­tion sur les 300 der­nières années.

Des tra­vaux que la pres­ti­gieuse revue Nature a publiés en février der­nier mais un peu pas­sés sous silence à cause de la crise sanitaire.

Les mesures du méthane néces­sitent la col­lecte du gaz piégé dans une tonne de glace

Pour trou­ver trace des atmo­sphères anciennes, les scien­ti­fiques ont ana­lysé les bulles d’air pié­gées dans la glace qu’ils ont forée au Groenland. Creusant pro­fon­dé­ment le sol, ils ont ainsi actionné la machine à remon­ter le temps jusqu’à atteindre le début du XVIIIe siècle.

Forage d’une carotte de glace au Groenland. © X. Fain

Forage d’une carotte de glace au Groenland. © X. Fain

Pour dis­tin­guer les sources de méthane bio­lo­gique et fos­sile dans les échan­tillons de glace col­lec­tés, les cher­cheurs se sont inté­res­sés à sa signa­ture en car­bone 14 (14C). Cet iso­tope radio­ac­tif est en effet pré­sent dans le méthane bio­lo­gique lié aux plantes et à la faune. En revanche, parce qu’il se dés­in­tègre sur des temps longs, il a tota­le­ment dis­paru dans le méthane d’o­ri­gine fos­sile, séques­tré depuis des mil­lions d’années dans d’anciens dépôts d’hydrocarbures.

Climat : la part des activités humaines très sous-estimée. La quantité de carbone 14 du méthane est très faible. Une mesure demande de collecter le gaz piégé dans une tonne de glace. © X. Fain

La quan­tité de car­bone 14 du méthane étant très faible, une mesure demande de col­lec­ter le gaz piégé dans une tonne de glace. © X. Fain

Pour mesu­rer la quan­tité de 14C, iso­tope radio­ac­tif rare, les cher­cheurs ont dû pré­le­ver pas moins d’une tonne de glace sous forme de carottes de large diamètre.

Ensuite, ils ont dû dis­tin­guer la quan­tité de méthane libé­rée natu­rel­le­ment de celle issue des acti­vi­tés humaines. Une tâche ardue car le méthane émis natu­rel­le­ment peut être soit d’origine bio­lo­gique tel celui éma­nant des zones humides, soit d’origine anthro­pique, issu des décharges, des rizières ou du bétail.

Idem pour le méthane fos­sile, qui peut être émis par des sources géo­lo­giques natu­relles ou par l’extraction et l’utilisation humaine de com­bus­tibles fos­siles comme le pétrole, le gaz et le charbon.

Les émis­sions fos­siles anthro­piques jusque-là très sous-évaluées

Quoi qu’il en soit, les scien­ti­fiques sont par­ve­nus à faire le dis­tingo. Les résul­tats ? Avant 1870, la quasi-tota­lité du méthane atmo­sphé­rique était de nature bio­lo­gique, l’homme n’exploitant pas encore les éner­gies fos­siles. Les bulles d’air de cette époque ont éga­le­ment per­mis de quan­ti­fier la frac­tion émise par les sources géo­lo­giques natu­relles. Elle est faible et s’a­vère envi­ron dix fois infé­rieures aux esti­ma­tions précédentes.

Forages pour trouver du pétrole. DR

Le méthane atmo­sphé­rique de source fos­sile est prin­ci­pa­le­ment d’o­ri­gine anthro­pique, liée à l’ex­ploi­ta­tion des com­bus­tibles tels que pétrole, gaz et char­bon. Ici, plate-formes pétro­lières en Écosse, dans une baie de la mer du Nord. DR

Après 1870, la com­po­sante fos­sile s’est rapi­de­ment accrue sans qu’aucun phé­no­mène natu­rel iden­ti­fié ne puisse l’expliquer. En revanche, cette date coïn­cide avec le début de la révo­lu­tion indus­trielle et la forte aug­men­ta­tion de l’utilisation des com­bus­tibles fos­siles par les acti­vi­tés humaines. L’étude démontre que les émis­sions fos­siles anthro­piques de méthane sont en fait 25 % à 40 % plus éle­vées que ce que pen­sait la com­mu­nauté scien­ti­fique jusqu’à aujourd’hui.

La part de res­pon­sa­bi­lité des hommes dans le réchauf­fe­ment cli­ma­tique s’a­vère ainsi plus impor­tante, à cause des émis­sions de méthane liées à leurs acti­vi­tés. Notre capa­cité à agir pour frei­ner l’élévation moyenne des tem­pé­ra­tures sur la pla­nète est, de ce fait, renforcée.

Et il y a lieu d’être opti­miste. En effet, « le méthane a une durée de vie dans l’atmosphère d’environ neuf ans seule­ment », indiquent les cher­cheurs. Et d’en conclure qu’« une réduc­tion des émis­sions humaines de méthane pour­rait donc avoir un impact rapide sur les concen­tra­tions atmo­sphé­riques de ce puis­sant gaz à effet de serre ».

Véronique Magnin

1 Une équipe inter­na­tio­nale menée par B. Hmiel et V. Petrenko de l’uni­ver­sité de Rochester aux États-Unis.

Véronique Magnin

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