FOCUS – Avec son humour grinçant et particulièrement cinglant, Pauline Rochette, chargée de communication numérique indépendante basée à Grenoble, s’attaque au patriarcat… Elle vient de créer Patriarchie Magazine, une série d’illustrations qui fait rimer féminisme avec ironie, en détournant les Unes des magazines féminins.
« Comment rester à votre place en tant que femme ? « Docilité, servilité, obéissance, ces tendres valeurs oubliées » ; « Crime passionnel : l’ultime preuve d’amour » « Rides, quel est le bon moment pour penser à l’euthanasie ? » Voilà le genre gros titres de Patriarchie Magazine, une œuvre artistique qui s’en prend aux couvertures de magazines féminins avec un humour noir, juste et fin. Une série d’illustrations créées par Pauline Rochette, illustratrice grenobloise de 28 ans, qui travaille en tant qu’indépendante dans la communication.
Confinement oblige, vous ne pourrez pas aller découvrir cette exposition d’illustrations initialement prévue ce mois de mars dans l’espace de coworking du Médiastère, mais nous vous proposons de la découvrir en ligne.
Patriachie Magazine, de fausses couvertures de magazines féminins
Le concept ? De fausses couvertures qui révèlent les injonctions sexistes, la violence de genre, l’appropriation culturelle ou encore la pédophilie, toujours présentes dans notre société. « Je dénonce un système oppresseur dont nous sommes tous et toutes les victimes », explique la créatrice.
Pauline a débuté le projet Patriachie Magazine fin 2019, mais était déjà sensible à la cause féministe depuis bien longtemps. « J’ai commencé à y réfléchir durant mes études de philo et ma première réaction a été de me remettre en question », confie la jeune femme.
Bientôt des tirages de Patriachie Magazine sur des t‑shirts ?
L’aventure a donc débuté par une critique des magazines féminins. Notamment leurs injonctions à perdre des kilos avant l’été, tout en glorifiant le fait d’être soi-même. Et ce qui pousse les femmes à modifier leur comportement pour entrer dans les normes sociales.
« En fait, on se remet souvent en cause nous-mêmes au début. On se dit qu’on abuse, que ça doit venir de nous », explique Pauline Rochette.
« Et puis, finalement, on se rend compte que non, ça ne touche pas qu’individuellement, et on arrête de s’excuser d’exister ».
« C’est aussi un exutoire à ma colère et ma frustration face à ce qu’il se passe dans la société », explique-t-elle.
« Je trouve mes idées dans l’actualité, en fonction de ce que je vois et qui me dérange. »
La créatrice compte poursuivre son travail autour de Patriarchie Magazine en collaborant avec des artistes. Comme avec l’artiste tatoueur Arthak, qui a réalisé le dessin de la dernière couverture.
Elle propose également des tirages de ses œuvres et aimerait les décliner dans d’autres formats. « J’ai aussi très envie d’en faire des t‑shirts ! Ils seraient imprimés localement sur des t‑shirts seconde main. Il y a déjà une petite boutique intéressée pour les revendre, mais avec cette épidémie je ne sais pas quand ce sera possible », confie Pauline.
Patriarchie magazine, initiative saluée tant par les femmes que par les hommes
Avec son humour caustique, elle touche un large public, autant féminin que masculin. « Je ne m’attendais pas à ce que les gens accrochent autant », confie la créatrice. « Moi qui pensais que ça ferait niche, je trouve génial de voir une telle convergence. »
Et pour cause ! Ses phrases choc à la fois courtes, fortes et très révélatrices du système patriarcal, font mouche. « C’est très drôle, mais ça fait surtout réaliser à quel point on essaye de nous imposer des concepts absurdes, dont on n’avait pas forcément conscience », analyse Sonia, jeune libraire à Grenoble.
Une initiative saluée par les femmes, mais aussi les nombreux hommes présents à l’inauguration, le 6 mars dernier. « Ce n’est pas seulement bien pensé, c’est profondément nécessaire », juge Ugo, pierceur grenoblois de 35 ans. « Il est grand temps que nous, les mecs, on se rende compte de ce que les femmes vivent, qu’on soit leurs alliés, et qu’on essaye de nous libérer des injonctions qui nous sont imposées aussi », ajoute-t-il.
Pour vous faire une idée plus précise de ce détournement humoristique et militant, découvrez toutes les couvertures de Patriarchie Magazine, via le diaporama ci-dessous.
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Anissa Duport-Levanti
UNE INAUGURATION EN MUSIQUE AVEC DES DJ FÉMININES
L’exposition Patriachie Magazine qui sera au final restée peu longtemps visible sur place, au Médiastère (à moins qu’elle ne soit prolongée), a été l’occasion de mettre en valeur les femmes dans le monde de la musique électronique. Ce grâce au collectif Move Ur Gambettes, qui avait invité trois DJ féminines à se produire durant l’inauguration le 6 mars.
« On voulait créer un espace où les femmes ne se sentent pas jugées, afin qu’elles aient le courage de se lancer », explique Simon Deldique, responsable de la communication du collectif.
Le collectif a été fondé il y a un peu plus d’un an par la DJ Bernadette, originaire de Seyssins. Son objectif ? Donner confiance aux femmes qui gravitent dans ce milieu. Et les mettre sur le devant de la scène grenobloise en organisant des soirées dédiées.
« Les femmes sont aujourd’hui les artistes les plus bookées [réservées, ndlr] dans le milieu techno. Malgré ça, une femme DJ qui débute est considérée comme moins compétente par ses pairs », regrette Simon Deldique. « Il y a vraiment un machisme ambiant dans ce milieu pourtant très ouvert. »