FOCUS – Notaires, avocats et experts-comptables se réunissaient, le 27 janvier dernier, à la maison de l’avocat de Grenoble pour présenter la loi de finances et les actualités fiscales de 2020. Au menu : revenus des particuliers, finances des entreprises et nouvelles mesures de contrôle.
« Cette loi de finances n’est pas un grand cru », a déclaré en préambule Maître Jérôme Cesbron, notaire chargé de présenter la fiscalité des particuliers, avant de se moquer gentiment de sa profession.
« On n’est jamais contents, nous, les conseils. Si ça bouge trop, on dit qu’il n’y a pas de sécurité juridique, qu’on ne peut rien prévoir. Et si ça ne bouge pas assez, on s’ennuie, ce n’est pas drôle, il n’y a pas de nouveauté ! Et cette année, on est plutôt dans le deuxième cas… »
Des mesures liées aux revendications des gilets jaunes
Les pouvoirs publics ont toutefois décidé de lâcher du lest sur le déficit pour faire la part belle aux baisses d’impôts. Un choix directement lié à la crise des gilets jaunes : les revendications ont porté leurs fruits. L’impôt sur le revenu diminue de 5 milliards d’euros en 2020 et la taxe d’habitation disparaît pour quatre ménages sur cinq cette année.
Des nouvelles plutôt agréables donc pour les particuliers, même si le budget de l’État s’en ressent. Concrètement, c’est un gain moyen d’environ 300 euros pour 16,9 millions de foyers fiscaux. Et plus encore pour ceux relevant de la tranche à 14 %. Le gain est en revanche neutralisé pour les tranches supérieures. Le prélèvement à la source prend immédiatement en compte ces nouveaux taux. Il va également concerner les salariés de particuliers employeurs.
Dans un but de simplification du système, la déclaration de revenus « disparaît » pour tous les foyers comprenant un seul revenu salarié. Les données possédées par le Trésor public sont ainsi considérées suffisantes. Cependant, ceux qui possèdent d’autres revenus, par exemple fonciers, ne seront pas exonérés de la démarche annuelle.
Quelques modifications concernant les dons et les plus-values des particuliers
Autre changement : une prime versée sous conditions de ressources remplace le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Celui-ci n’est donc plus en lien avec le montant dépensé.
À noter également : les dons en faveur des organismes luttant contre les violences domestiques bénéficient désormais de la réduction d’impôts sur le revenu de 75 %.
La loi de finances 2020 introduit en outre quelques modifications concernant les plus-values des particuliers. Et change les méthodes tarifaires pour déterminer les valeurs locatives et les exonérations des loueurs en meublés.
D’ici juillet 2023, les bailleurs doivent ainsi transmettre les informations nécessaires « pour déterminer le montant actuel des loyers qu’ils pratiquent, afin de déterminer la nouvelle valeur locative de leurs biens ». De ce fait, les taxes foncières et taxes d’habitation de ces logements devraient connaître une hausse non négligeable d’ici 2026.
Une mouture qui concerne peu la fiscalité des entreprises
« Cette loi de finances est plutôt axée sur la fiscalité des ménages. Quitte à porter un coup d’arrêt aux ambitions du gouvernement, qui étaient quand même de favoriser la compétitivité des entreprises », souligne pour sa part Arielle Nowak, expert-comptable chargée de présenter les nouveautés en matière de fiscalité des entreprises. « Les réformes principales concernent tellement peu de monde qu’on ne va pas tout détailler ! »
En effet, on trouve parmi les modalités de la loi quelques évolutions concernant le crédit d’impôt recherche, le crédit métiers d’arts, la formation des dirigeants et l’ouverture du mécénat aux PME. Jusque-là, le plafond du mécénat était de 0,5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. La loi de finances y ajoute, pour les entreprises de petite taille, la possibilité d’aller jusqu’à 10 000 euros.
Cette mesure qui paraît favoriser le mécénat s’accompagne pourtant d’une baisse du taux de la réduction d’impôts à ce titre. Elle passe à 40 % pour les versements supérieurs à 2 millions d’euros, sauf pour les dons en faveur des personnes en difficulté.
Plus marquante peut-être, la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, qui touche toutes les entreprises et continuera à diminuer jusqu’à 25 % en 2022. À noter également : la suppression – progressive – des tarifs réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui concerne les carburants non utilisés pour la propulsion des véhicules sur les routes, sauf secteur agricole.
La loi traite également du commerce transfrontalier intracommunautaire. Désormais, le seuil de chiffres d’affaires unique est 10 000 euros pour tous les États membres de l’UE. Ce seuil dépassé, la taxation a lieu dans le pays du consommateur final.
Un renforcement des contrôles fiscaux
Dans la même veine, le gouvernement renforce les contrôles fiscaux, y compris en ce qui concerne le commerce transfrontalier, explique Geoffroy Wolff, avocat. La loi crée de nouvelles mesures de détection de la fraude. Notamment un « data mining » expérimental : les administrations peuvent désormais « utiliser les données rendues publiques par les contribuables sur les réseaux sociaux pour détecter une série de comportements frauduleux énumérée par la loi. »
La facturation électronique dans les relations entre assujettis à la TVA deviendra, en outre, obligatoire à partir de 2023. Pour renforcement la lutte contre la fraude à la TVA, un mécanisme, particulièrement punitif, est également instauré. La liste des opérateurs de plateforme ne respectant pas leurs obligations fiscales sur le territoire français sera en effet désormais publiée sur internet.
Par ailleurs, c’est maintenant la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui s’occupe du recouvrement des taxes que la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) percevait jusqu’à présent.
Ce toujours dans cette optique de simplification qui caractérise la loi de finances 2020. Le but ? Qu’à terme les contribuables aient un seul interlocuteur pour le paiement de leurs impôts.
Une loi de finances 2020 en demi-teinte, donc, qui prévoit des mesures soulageant les particuliers défavorisés. Mais qui annonce aussi une hausse des taxes sur les « petits » propriétaires et un contrôle accru dans l’avenir.
Laure Gicquel