REPORTAGE – La récente inauguration de la maison de projet des quartiers sud a été marquée par l’irruption des organisateurs du premier Référendum d’initiative citoyenne (Ric) « pour ou contre les démolitions des logements sociaux à la Villeneuve ». Ces militants et habitants ont fait valoir que 70 % des votants au Ric s’étaient opposés aux démolitions, alors que les décideurs s’apprêtent à démolir l’immeuble d’habitat social du 20 galerie de l’Arlequin.
Rares sont les inaugurations aussi houleuses. Mi-novembre, Eric Piolle, maire EELV de Grenoble, Christophe Ferrari, président ex-PS de Grenoble-Alpes Métropole et de nombreux autres élus ont participé dans une ambiance électrique au dévoilement de la maison de projet à l’Arlequin.
Une « maison » ? Le terme est un tant soit peu exagéré, étant donné qu’il s’agit d’un espace d’information installé dans le hall du Patio.
On peut y découvrir la maquette du futur « écoquartier populaire de la Villeneuve », ainsi qu’une exposition présentant les enjeux et l’actualité du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) qui va s’égrainer au moins jusqu’en 2025. D’ici là, l’actualité devrait être en effet foisonnante, étant donné le nombre de projets au programme du NPNRU 2018 – 2025 et le montant global des investissements s’élevant, pour les deux Villeneuve, à 450 millions d’euros.
« Démolir : une très mauvaise réponse aux problèmes sociaux et écologiques »
Profitant de l’inauguration de la maison de projet et de la venue annoncée des décideurs de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), qui ont finalement fait faux bond, les organisateurs du Référendum d’initiative citoyenne (Ric) « pour ou contre les démolitions de logements sociaux à la Villeneuve » se sont donc arrogés un temps de prise de paroles. Une intrusion dans le déroulement de la soirée dont les élus se seraient bien passés…
Raison de cette intrusion ? L’absence de réaction des élus suite aux résultats du Ric. Or l’immeuble du 20 galerie de l’Arlequin sera bientôt réduit en poussière, alors même que 70 % des 526 votants au Ric se sont exprimés contre cette démolition.
Contre celle-là et les autres, qui pourraient survenir sur la galerie de l’Arlequin, à savoir celles du 10, du 60 Sud, 90, 100 Nord, 110 et 120. Mais là, le sort de ces immeubles n’est pas encore connu.
Fidèle à sa réputation, l’Anru penche toutefois pour la démolition. Le sujet sera définitivement tranché en 2021. D’ici là, les opposants aux démolitions le répétent à l’envi : « Outre le fait d’être une gabegie financière et écologique, la démolition de logements de qualité est une très mauvaise réponse aux problèmes sociaux et à la précarité que rencontrent de plus en plus d’habitants. Qui plus est, on déracine des gens qui ont toujours connu le quartier… »
Friction entre les pro et anti-démolitions
Les organisateurs du Ric avaient apporté une grande pancarte jaune, sur laquelle ils avaient indiqué en gros caractères les résultats du Ric : 70 % de votants en faveur de la préservation des logements sociaux. Leur intention ? Remettre ce bilan aux élus, à la manière d’un chèque cadeau qu’on décerne aux gagnants d’un jeu concours. Une mise en scène qui a déplu aux habitants pro-démolitions, s’offusquant de l’audace des militants.
Quant aux élus, ils se sont bien gardés d’accepter l’offrande. Un geste qui aurait signifié leur adhésion à la démarche… Dans une ambiance houleuse, une porte-parole de l’équipe organisatrice du Ric a ensuite déroulé son discours, interrompue à plusieurs reprises par les commentaires désapprobateurs d’habitants pro-démolitions. S’en se démonter, la porte-parole est parvenue à retracer les phases-clés de cette démarche participative inédite.
« On va créer une ouverture sur le parc Verlhac » justifie Eric Piolle
Ce fut ensuite au tour du maire de Grenoble de prendre la parole. Semblant satisfait du taux de participation au Ric et des résultats, Eric Piolle a aussitôt refroidi les organisateurs du Ric en se désolidarisant de leur démarche.
Qui plus est, le maire a confirmé la démolition de l’immeuble 20 et du foyer 160, « résultat d’une négociation et d’un compromis » et moyen d’« ouvrir le parc Jean-Verlhac ».
Quant à la menace de la démolition pesant sur les immeubles 10, 60 Sud, 90, 100 Nord, 110 et 120, elle est réelle, en a convenu le maire. Qui fait le pari que les collectivités parviendront à démontrer à l’Anru que la réhabilitation de logements sociaux « fonctionne ». Reste à savoir sur quels critères.
Espérant de leur côté toujours convaincre les élus de tenir compte de l’expression des locataires de la Galerie de l’Arlequin, les organisateurs du Ric attendent de pied ferme le rendez-vous promis par les élus de la Métropole et de la Ville de Grenoble. Une date serait évoquée pour janvier 2020.
Séverine Cattiaux