PORTRAIT – Avec sa partenaire Claire Bové, la grenobloise Laura Tarantola a pris, fin août, la cinquième place des championnats du monde d’aviron en deux de couple poids léger, qualifiant l’embarcation pour les JO de Tokyo en juillet 2020. Pour représenter la France au Japon, la jeune femme doit encore valider son ticket lors des prochains championnats de France en avril prochain. Mais à moins d’une catastrophe, elle sera du rendez-vous nippon. Rencontre avec une rameuse pétillante dans son club, l’Aviron Grenoblois.
« Ce n’est écrit pas à 100 % que ce soit nous deux dans le bateau. » Laura Tarantola conserve une certaine prudence, compréhensible, tant que ce n’est pas encore officiel. Mais sauf cataclysme – blessure, maladie ou méforme subite – la Grenobloise native d’Annemasse et sa coéquipière Claire Bové défendront bien les couleurs de la France en deux de couple poids léger aux Jeux olympiques de Tokyo en juillet 2020.
Pour valider leur ticket pour le Japon, les deux jeunes femmes, 25 et 21 ans, devront terminer aux deux premières places des championnats de France en individuel en avril prochain.
Pas une formalité pour Laura Tarantola mais un objectif réaliste si l’on en croit Alain Waché, directeur technique de l’Aviron Grenoblois et son entraîneur à Grenoble. « Pour elle, vu la concurrence nationale, c’est en très bonne voie », résume-t-il.
« Une énorme fierté d’avoir qualifié le bateau pour les JO »
Si Tokyo tend les bras à Laura Tarantola, c’est que la rameuse et sa partenaire ont fini cinquièmes des championnats du monde à Linz-Ottensheim, en Autriche, qualificatifs pour les JO, le 31 août dernier.
« Nous savions que notre course la plus importante allait être la demi-finale puisque tous les bateaux qui passaient en finale étaient qualifiés, explique la Grenobloise. C’était la course où nous avions le plus de pression. Après, nous l’avons assez bien gérée, positivement. Nous ne nous sommes pas trop pris la tête non plus. Qualifiées en finale, nous avons tout tenté. Ce n’était pas du bonus parce que nous voulions aussi “gratter” des places et monter sur le podium. »
Un podium qui leur a échappé d’un rien. « Jusqu’aux 100 derniers mètres, nous étions encore troisièmes, donc, forcément quand en 100 mètres on perd deux places on regrette certaines choses : “est-ce que j’ai été bien toute la saison ? Est-ce que j’ai été rigoureuse comme j’aurais dû, etc. » Il y a plein de questions qui surgissent », raconte Laura Tarantola.
« Forcément un peu frustrées » par ce dénouement, les deux rameuses retiennent malgré tout « la belle récompense de qualifier [leur] bateau pour Tokyo. C’est une énorme fierté. Je pense que pour l’instant nous ne réalisons pas trop ce qu’il se passe », confie Laura.
Vingt heures d’entraînement minimum par semaine
Pour espérer décrocher une médaille olympique en 2020, elles souhaitent mettre tous les atouts de leur côté, optimiser leur préparation. « Nous ne voulons pas avoir de regrets, donc nous nous y mettons à fond cette année. » Après trois semaines de coupure à l’issue des Mondiaux, Laura Tarantola a ainsi repris le chemin de l’entraînement le 23 septembre à l’Aviron Grenoblois, du côté du pont d’Oxford où coule l’Isère.
Son programme ? Onze entraînements par semaine, soit vingt heures minimum hebdomadaires. « Tous les matins, j’ai deux heures sur l’eau où je rame et l’après-midi, deux fois par semaine, c’est de la musculation, sinon une fois par semaine du rameur : de la machine en salle. Ensuite on complète pour arriver aux onze entraînements entre des footings, de la natation, du ski de fond l’hiver, détaille-t-elle. L’aviron est un sport où il faut avoir beaucoup de foncier. Il faut faire beaucoup d’heures de sport pour être très endurant. »
Ce sport, elle a commencé à le pratiquer à 14 ans alors qu’elle était en classe de quatrième au collège Bayard à Grenoble. « J’ai une amie qui faisait de l’aviron et qui m’a dit un jour : “viens essayer, c’est la journée portes ouvertes”. Du coup, j’y suis allée. J’étais passée par plusieurs sports avant. Je n’avais pas spécialement accroché avec un sport. J’étais assez “open” [ouverte, ndlr], je suis venue, j’ai essayé et j’y suis toujours », rigole-t-elle.
Laura Tarantola, championne du monde en 2018
« Ce qui m’a plu dans l’aviron ? En premier lieu, ce n’est pas forcément le sport en lui-même, répond-elle, c’était plutôt l’ambiance qu’il y avait. Un groupe de cadettes de mon âge avait l’air de s’éclater. Il y avait une super ambiance. J’avais tout de suite envie de m’intégrer à elles et d’être dans le groupe. Et puis après, de faire un sport extérieur aussi », ajoute-t-elle.
« Nous avons un beau cadre à Grenoble, nous sommes entourés par les montagnes : quand on est sur l’eau c’est assez magique. Ça m’a aussi bien plu. Petit à petit, je me suis prise au jeu des compétitions – j’ai commencé avec les championnats régionaux, puis les championnats de France avec mes copines – et de l’entraînement. C’est un sport que j’adore maintenant. »
Et où elle brille. En duo mais aussi en solo. L’an dernier, la Grenobloise a ainsi décroché le titre mondial en skiff poids léger, une discipline non olympique, à Plovdiv, en Bulgarie. Là où elle avait obtenu sa première médaille internationale, en argent, en quatre de couple poids léger, lors des Mondiaux moins de 23 ans en 2015.
Que d’émotions, donc, pour la jeune femme entre l’or mondial en 2018 et la qualification du deux de couple poids léger cette année pour les JO. « Chaque saison a sa valeur et c’est complètement différent, souligne-t-elle. Le titre l’an dernier, c’était quelque chose d’incroyable, j’étais hyper fière, mais j’étais toute seule. Moi, je fais plus de l’aviron pour partager des choses avec mes amies. Quand nous avons gagné notre place en finale, c’était incroyable ! Nous n’en revenions pas, nous étions hyper heureuses, nous pleurions de joie, notre entraîneur nous a sauté dans les bras. Ce sont des moments dont nous nous souviendrons très longtemps et c’est différent de les vivre à plusieurs que tout seul, ça c’est sûr. »
Son entraîneur à Grenoble : « C’est bien d’avoir quelqu’un qui voit le soleil partout »
Pourtant si Laura Tarantola récolte aujourd’hui par ses performances le fruit de son labeur et de sa rigueur au quotidien, tout n’a pas été un long fleuve tranquille pour elle. À l’instar de la rivière Isère, il y a eu quelques remous, des difficultés qu’elle a su surmonter. Notamment à l’hiver 2013. « Quand elle est arrivée en seniors, elle était un peu tordue dans le bateau, il y a des choses qu’elle n’arrivait pas bien à faire. C’était une limite physique », confie Alain Waché.
Le travail qu’elle va effectuer alors avec un ostéopathe va très vite donner des résultats. « Tout de suite ses appuis ont été visiblement plus performants. En deux sorties, nous avons vu que cela changeait. Cela a été la première marche, je pense, presque plus pour elle-même de sentir à un moment qu’elle était capable de grimper des échelons alors qu’avant à cause de cette question de position, elle était à un bon niveau mais elle stagnait. Pour moi, cela a été le déclencheur. Après, nous avons mis d’autres choses en place. C’est un peu comme sur une piste de lancement : on voit que cela démarre, on ne sait pas où cela va s’arrêter et j’espère qu’on ne sait toujours pas », sourit son entraîneur.
Alain Waché apprécie chez elle « cette capacité à être toujours positive dans son approche de ce qu’elle fait ». Qui contraste un peu avec son caractère à lui. « C’est bien pour elle et pour moi. Cela m’aide aussi parce que je ne suis pas toujours positif. Je suis plus dans des histoires de challenges, toujours en train de me mettre la pression, à voir le noir partout pour trouver des solutions. Du coup, c’est bien d’avoir quelqu’un qui voit le soleil partout justement. »
La porte n’est pas complètement fermée pour Paris en 2024
Si Tokyo est le grand objectif de Laura Tarantola, elle ne ferme pas totalement la porte aux JO de Paris en 2024. À condition que son futur employeur lui permette de pratiquer son sport à côté. « Les Jeux “à la maison”, cela doit être quelque chose d’incroyable à vivre. Après, je ne sais pas. Pour l’instant, je me consacre à fond à Tokyo. Si j’ai la bonne entreprise qui m’aide, me soutient, les sponsors qui vont avec pour continuer, c’est clair que j’arrêterai quand j’en aurai marre. Après, s’il faut faire un choix, ce sera celui de la vie professionnelle. Je verrai. »
Malgré ses très bons résultats, la jeune femme ne vit pas de l’aviron. « J’ai une aide de la Fédération [française, ndlr]. Ensuite, c’est à moi de trouver les sponsors à côté. […] On s’entraîne comme des professionnels mais à côté de ça, cela reste un sport hyper amateur, on n’en vit pas. »
Déjà, elle est parvenue à concilier plutôt bien sport et études. Elle a terminé en effet son Master “Grande école”, un Master de marketing, management, que propose Grenoble École de management (Gem).
Si elle ne sait pas encore exactement pour l’instant ce qu’elle fera plus tard, elle confie qu’elle « aimerai(t) travailler sur toute la problématique du bien-être au travail, du management d’entreprise ». Pour le moment, son bien-être à elle, elle le ressent pour une (bonne) part dans son bateau avec Claire Bové devant qui donne le rythme et elle, derrière, qui développe toute sa puissance. Une complémentarité, une alchimie même, que Laura Tarantola espère voir se concrétiser pleinement au Japon l’an prochain.
Laurent Genin