FOCUS – Réforme du Bac, instruction obligatoire dès 3 ans, création d’un « service public de l’école inclusive » pour les élèves en situation de handicap… Des évolutions scolaires profondes marquent cette rentrée 2019. Elles devraient participer à « la réussite de tous les élèves », estime la rectrice de l’Académie de Grenoble.
L’un des événements majeurs de cette rentrée 2019 est sans aucun doute la réforme du Bac. Les élèves entrant en première seront en particulier concernés. Ce sont eux qui vont étrenner le nouvel examen en 2021. Lequel implique une réorganisation en profondeur des enseignements dès cette rentrée.
Les élèves ont ainsi choisi trois « spécialités » parmi douze propositions (arts, mathématiques, SVT…). Tous les lycéens de l’académie de Grenoble ont-ils vu leurs souhaits exaucés ? Oui, soutient le rectorat, le challenge est relevé. Fabienne Blaise, rectrice de l’Académie ne nie pas quelques ratés, mais « c’est à la marge » relativise-t-elle.
Balayant les craintes soulevées par les détracteurs de la réforme du lycée, elle observe qu’au contraire l’offre de formation s’en trouve désormais enrichie dans tous les territoires, y compris les plus isolés ou dans les zones dites d’éducation prioritaire.
« 72 des 79 lycées publics proposent au moins sept enseignements de spécialités », argue-t-elle, concédant que l’option « numérique et sciences de l’informatique » est encore trop peu développée. « On n’a pas eu les ressources à temps », plaide-t-elle. Avant de promettre : « L’année prochaine, cela ira mieux ».
« Les élèves ont compris le sens de la réforme »
Concernant les épreuves du futur Bac, celle du « grand oral » apparaît aux yeux de la rectrice une bonne incitation pour développer la prise de parole en public tout au long de la scolarité. Sachant que le système éducatif français est mauvais en la matière, reconnaît Fabienne Blaise qui ne se prive pas de le critiquer : « En maternelle, les enfants apprennent à s’exprimer, puis ils apprennent à se taire. Et on s’en sort ainsi plus ou moins bien, selon que l’on grandit dans une famille qui vous incite à prendre la parole ou pas. »
La réforme du Bac en 2021 doit également amener les lycéens à se tourner vers leurs matières préférées. Jusqu’à présent, plus de la moitié d’entre eux embrassaient la « filière S », dont un bon lot dans l’unique intention de suivre la « voie royale » plutôt que par véritable goût pour les sciences. La réforme mettra fin à cette pratique, selon la rectrice : « Les élèves ont compris le sens de la réforme, ils ne se sont pas ruées sur les matières scientifiques ».
Pour autant, l’attrait, sincère ou pas, pour les matières scientifiques, se maintient. Les trois matières les plus demandées demeurent les maths (66,82 %), la physique chimie (46,33 %) et les sciences de la vie et de la terre (41,37 %). Les sciences dures sont toutefois talonnées de près par les sciences “plus molles”. 41,37 % des lycéens ont mis dans leur bouquet d’options les sciences économiques et sociales, et 40,35 % le bloc constitué par les matières histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques.
Le lycée pro a droit, lui aussi, à sa cure de jouvence
En matière de réforme, le lycée professionnel n’est pas en reste. Il connaît, dès cette rentrée 2019, une profonde évolution. En seconde, les élèves découvriront des familles de métiers pour mieux s’orienter en première. Et les parcours seront personnalisés. Le CAP (certificat d’aptitudes professionnelles) pourra, par exemple, se préparer durant un à trois ans.
Onze nouvelles formations adossées à des filières économiques stratégiques sont ouvertes dans l’académie de Grenoble. « Il y a, à présent, encore un gros travail à faire dès le collège pour sensibiliser les élèves et les enseignants des collèges », considère la rectrice.
Instruction obligatoire dès trois ans pour cette rentrée 2019
« L’enjeu de justice sociale » est le dénominateur commun des réformes de cette rentrée 2019, considère Fabienne Blaise. « Même si nous sommes dans une académie relativement privilégiée. Il demeure des poches de pauvreté (…) », tient à rappeler la rectrice.
Parmi les mesures propices à renforcer l’équité entre tous les enfants, l’instruction rendue obligatoire dès 3 ans, contre 6 auparavant, en vertu de la loi « pour une école de la confiance ».
L’enfant et ses parents sont ainsi tenus à une obligation d’assiduité. L’école à la maison est toujours envisageable, mais sera davantage contrôlée, dixit la rectrice.
Fabienne Blaise se réjouit de cette « mesure symboliquement forte ». Même si dans les faits, elle ne bouleverse pas non plus la donne, dans la mesure où 98 % des enfants de moins de 3 ans étaient déjà scolarisés dans l’académie. « Il en restait toutefois encore 2 % non scolarisés, considère Fabienne Blaise. Cette scolarisation obligatoire s’accompagne en sus d’une visite médicale », trouve-t-elle judicieux de signaler.
Classes allégées et dispositif « devoirs faits » renforcé
L’égalité des chances passe aussi par des classes moins chargées en primaire, avec comme objectif l’amélioration des conditions d’apprentissage pour les enfants. Après le dédoublement des classes de CP et CE1, en place dans tous les établissements prioritaires, l’État veut d’ici 2022 abaisser à 24 élèves maximum les effectifs des classes de grande section, CP et CE1 dans toutes les écoles.
Les trois quarts des classes concernées dans l’académie de Grenoble remplissent d’ores et déjà l’objectif. Des postes ont été, de fait, créés et ce « malgré la baisse des effectifs (318 élèves en moins par rapport à l’effectif 2018, ndlr.) », précise encore la rectrice.
Difficile de se concentrer en classe quand on arrive le ventre vide. Pour y remédier, la distribution de petits déjeuners offerts aux enfants des écoles situées en zones prioritaires est généralisée sur tout le territoire, dès cette rentrée 2019. La mesure avait été testée en avril dans huit académies.
Levier pour lutter contre l’échec scolaire au collège, le dispositif d’aide aux devoirs au collège, appelé « devoirs faits », en place depuis une année, profitent désormais à 20 % des collégiens, soit à 34 000 au total.
Rendant service aux élèves, ce dispositif tend en sus à adoucir le climat entre les professeurs et les élèves. « On constate une amélioration de la relation enseignant-élève pour ceux qui participent à ce dispositif », note le rectorat. L’académie de Grenoble veut ainsi renforcer cette offre de soutien pour toucher 25 % de collégiens en 2019 – 2020.
Une école mieux organisée pour être plus « inclusive »
18 145 élèves en situation de handicap feront leur rentrée dans l’académie. Un chiffre qui a progressé de 23,7 % entre 2015 et 2018. Pour accueillir un plus grand nombre d’élèves, 15 classes Ulis (unités localisées pour l’inclusion scolaire ) ont été créées, dont trois dans les écoles, neuf au collège, et trois au lycée. La scolarité des élèves en situation de handicap devrait en outre mieux se passer cette année, grâce au « service public de l’école inclusive » voulu par la loi pour une école de la confiance et tout juste mis en service.
Cela se traduit, notamment par la mise en place d’une « cellule d’écoute » à la disposition des élèves et de leurs parents dans chaque département de l’académie.
Nouveauté également : dans le cadre de la stratégie « autisme horizon 2022 », un « professeur ressource autisme » est identifié dans chaque département.
Des unités d’enseignement autisme (en maternelle ou élémentaires) seront progressivement déployées pour renforcer le dispositif existant. Par ailleurs le réseau des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), métier en voie de « déprécarisation », assure la rectrice, continue de s’étoffer. Mieux intégrés dans les équipes éducatives, les 6 000 accompagnants seront en charge de 12 414 enfants.
Toutes les demandes d’accompagnement ne seront toutefois probablement pas satisfaites dès septembre. Au moins 190 enfants sont ainsi encore en attente de solutions. « Leur agrément transmis par la Maison du handicap est parvenu seulement cet été au rectorat », explique Fabienne Blaise, qui s’engage à trouver « une solution la moins provisoire possible pour les enfants qui n’auraient pas d’AESH à la rentrée ».
Séverine Cattiaux