EN BREF – Des chercheurs de l’ESRF ont contribué à révéler la contamination du corps par des particules métalliques provenant de l’abrasion mécanique des aiguilles utilisées lors des tatouages. L’étude parue ce mardi 27 août dans la revue Particle and Fiber Toxicology s’inquiète d’une nouvelle source potentielle d’allergies.
Les particules métalliques provenant de l’abrasion mécanique des aiguilles utilisées lors du tatouage voyagent dans le corps. Voilà le nouveau pavé lancé dans la mare des aficionados du tatouage par une équipe internationale de scientifiques* dont font partie des chercheurs du synchrotron européen de Grenoble (ESRF). L’étude a été publiée ce mardi 27 août dans la revue Particle and Fiber Toxicology.
Il y a deux ans, cette même équipe avait déjà démontré la migration des pigments des encres de tatouage et de leurs impuretés métalliques dans les ganglions lymphatiques. Ce sous forme de nanoparticules pouvant être retrouvées dans le corps des années après le tatouage.
« Les particules de métal retrouvées dans le corps proviennent de l’aiguille »
Désormais, les chercheurs considèrent l’abrasion des aiguilles comme une nouvelle source potentielle d’allergie. Les particules métalliques libérées dans le corps par ce nouveau vecteur contiennent en effet deux allergènes reconnus pour provoquer des réactions d’hypersensibilité : le nickel et le chrome. Ces deux éléments chimiques sont de surcroît présents à des taux non négligeables dans les aiguilles de tatouage : 6 à 8 % pour le nickel et 15 à 20 % pour le chrome.
« Il ne fait aucun doute que les particules de métal retrouvées dans les ganglions lymphatiques proviennent de l’aiguille de tatouage à la suite d’un processus d’abrasion mécanique », affirme Bernhard Hesse, scientifique au laboratoire allemand Xploraytion-GmbH, invité à l’ESRF.
Les chercheurs ont en effet mis en évidence l’abrasion subie par l’aiguille lors du tatouage en l’étudiant avant et après l’opération à l’aide des techniques de fluorescence à rayons X et de microscopie électronique à balayage.
« Le dioxyde de titane est plus abrasif que le noir de carbone »
Mais ce n’est pas le seul résultat “surprenant” que les chercheurs ont obtenu en utilisant les techniques mises en œuvre sur les lignes de lumière ID21 et ID16B de l’ESRF. La spectrométrie de fluorescence et la spectrométrie d’absorption des rayons X ont également permis de révéler une abrasion des aiguilles d’autant plus prononcée que les encres de tatouage utilisées contiennent du dioxyde de titane.
Ce dernier est présent dans les couleurs vives des tatouages comme le vert, le bleu ou le rouge. En revanche, ce phénomène mécanique ne se produit pas avec l’encre noire de carbone. Et pour cause, « le dioxyde de titane est plus abrasif que le noir de carbone, du fait de sa forte densité et de sa résistance », précisent les scientifiques.
En outre, la taille des particules trouvées dans les ganglions lymphatiques varie de 50 nanomètres à 2 micromètres. Quid de leur dangerosité ? « Les nanoparticules sont plus dangereuses que les microparticules, en raison de leur rapport accru surface/volume, ce qui entraîne une libération potentiellement plus importante d’éléments toxiques », expliquent les chercheurs.
Ces dernières peuvent également pénétrer directement dans les cellules et, ainsi, voyager plus facilement dans le corps. Seule éclaircie dans ce tableau : les reins peuvent plus facilement les excréter du corps.
« Aujourd’hui, nous ne pouvons pas affirmer l’impact exact sur la santé »
Les chercheurs l’affirment, cette nouvelle découverte constitue un pas de plus vers une meilleure compréhension des réactions indésirables – relativement communes – liées aux tatouages. Un réel problème de santé publique si l’on considère le nombre élevé de personnes concernées par le risque d’allergie. De fait, actuellement, 18 % des Français de plus de 18 ans sont ou ont été tatoués** – soit près d’un Français sur cinq –, selon une étude Ifop de 2018.
Pour être précisé, l’impact réel en matière de réactions allergiques nécessite toutefois des investigations supplémentaires. « Le fait que les pigments et les particules d’abrasion des aiguilles se retrouvent dans les ganglions lymphatiques appelle à une attention particulière pour expliquer les réactions allergiques aux tatouages », note Ines Schreiber
Et la chercheuse reste prudente. « Aujourd’hui, nous ne pouvons pas affirmer l’impact exact sur la santé et le développement de réactions allergiques. Ce sont des effets à long terme qui ne peuvent être évalués que par des études épidémiologiques qui surveillent la santé de milliers de personnes sur des décennies », estime-t-elle.
Véronique Magnin
* L’équipe, dirigée par des chercheurs de l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BFR) comprend des scientifiques du Synchrotron européen de Grenoble (ESRF), de plusieurs instituts et d’universités allemandes (Xploraytion GmbH, Physikalisch-Technische Bundesanstalt, Technical UniversityBerlin, HelmutFischer GmbH, Ludwig-Maximilians University), et un dermatologiste de l’Université de Regensburg, Meiboomstraat (Belgique).
** Dans certains pays comme l’Italie, la Suède et les États-Unis, le tatouage concerne plus de 24 % de la population.