EN BREF – Des astronomes grenoblois de l’Ipag ont découvert, au terme de dix années de recherches, une nouvelle planète géante. Cette dernière gravite autour de la jeune étoile Bêta Pictoris, brillant à 63,4 années-lumière de la Terre dans la constellation du Peintre. L’étude a été publiée le 19 août dans la revue Nature Astronomy.
L’étoile Bêta Pictoris possède une seconde planète géante baptisée Bêta Pictoris c. Telle est la conclusion de l’équipe d’astronomes dirigée par Anne-Marie Lagrange, chercheuse du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Ipag)*.
En 2009, cette dernière avait déjà débusqué, sur des images de 2003 obtenues par le Très grand télescope (VLT ) situé dans le désert d’Atacama au Chili, une toute première géante gazeuse nommée Bêta Pictoris b. Et prouvé par là-même l’existence d’un système planétaire autour de cette jeune étoile connue depuis longtemps pour sa rotation rapide.
Fruit de plus de dix ans de recherche, la découverte – cette fois-ci par des méthodes indirectes – de cette seconde exoplanète a été publiée le 19 août dernier dans la revue Nature Astronomy.
Des moyens sophistiqués pour étudier le système Bêta Pictoris
Bien que Bêta Pictoris, deuxième étoile la plus brillante de la constellation du Peintre, soit aussi massive et visible à l’œil nu, elle est située à 63,4 années-lumière du système solaire. De quoi obliger les chercheurs à utiliser des moyens très sophistiqués pour étudier son environnement.
Dans les années 1980, l’imagerie directe a permis d’obtenir une toute première image du disque de poussières et de gaz qui l’entoure, vestige du nuage primitif ou nébuleuse lui ayant donné naissance. Une prouesse technologique qui a contribué à rendre ce système célèbre dans le milieu de l’astronomie mondiale.
En sus de Bêta Pictoris b, l’imagerie directe via le satellite Tess de la National aeronautics and space administration (Nasa) a permis de confirmer, en avril 2019, l’existence de plus de 500 comètes autour de l’étoile. Ces dernières venant s’ajouter au disque de poussières dû aux collisions multiples de planétésimaux.
Dix années pour détecter Bêta Pictoris c
En revanche, « il a fallu accumuler plus de dix ans de données de haute précision, obtenues avec l’instrument Harps** au télescope de La Silla de l’Observatoire européen austral (ESO), au Chili, pour détecter de manière indirecte la présence de Bêta Pictoris c », expliquent les chercheurs.
En effet, Bêta Pictoris est une étoile pulsante, dont la luminosité varie au cours de périodes plus ou moins longues. Ainsi les chercheurs ont en tout analysé 6 645 spectres de β Pictoris obtenus entre 2003 et 2018 pour parvenir à ce résultat.
Ces derniers ont utilisé la méthode des vitesses radiales, qui a déjà permis la découverte de nombreuses exoplanètes, au nombre de 4 106 à ce jour.
Son principe consiste à détecter dans le spectre d’une étoile les minuscules perturbations de son orbite causées par la présence autour d’elle d’un corps céleste en gravitation.
La durée du jour est de huit heures
Au final ? Bêta Pictoris c pèse l’équivalent de neuf Jupiter, soit trois mille fois plus que la Terre. Également seize fois plus grande que notre planète bleue, la géante gazeuse parcourt son orbite en mille deux cents jours, soit trois fois plus que la Terre.
Pour autant, Bêta Pictoris c est relativement proche de son étoile. Peu ou prou à la même distance que celle séparant le Soleil de la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter (2,7 fois la distance Terre-Soleil). Elle est ainsi 3,3 fois plus proche de son étoile que sa jumelle Bêta Pictoris b. Elle tourne sur elle-même à plus de 100 000 km par heure, soit près de soixante fois plus vite que la Terre. Quant à la durée du jour, elle n’excède pas huit heures sur cette planète géante.
« Observer un système planétaire en pleine formation autour de son étoile »
Les chercheurs espèrent en apprendre encore davantage sur cette exoplanète. Notamment grâce aux données complémentaires fournies par le satellite Gaia et au futur Extremely large telescope (ELT), en construction au Chili. Mais pas seulement. En effet, « le cas Bêta Pictoris passionne les astronomes depuis une trentaine d’années car il leur permet d’observer un système planétaire en pleine formation autour de son étoile », précise le CNRS.
Âgé de seulement vingt millions d’années – si peu comparé aux 4,6 milliards d’années du Système solaire – ce système ressemblerait à ce que le nôtre devait être juste après sa formation. La suite ? Les chercheurs espèrent bien tester quelques-unes des hypothèses dans leurs cartons, susceptibles d’expliquer la naissance et l’évolution du Système solaire.
Véronique Magnin
* CNRS – Université Grenoble Alpes (UGA)
** L’instrument Harps pour High Accuracy Radial velocity Planet Searcher est un spectrographe chasseur de planètes.