Game over pour Natural Game : la der­nière bou­tique indé­pen­dante de jeu vidéo de Grenoble ferme ses portes

Game over pour Natural Game : la der­nière bou­tique indé­pen­dante de jeu vidéo de Grenoble ferme ses portes

FOCUS — Game over pour Natural Game. La bou­tique indé­pen­dante dédiée au jeu vidéo du quar­tier Championnet met­tra défi­ni­ti­ve­ment la clé sous la porte le soir du samedi 31 août. Autrefois ren­dez-vous prisé des joueurs de Grenoble, le com­merce a dû faire face à une baisse dras­tique de sa fré­quen­ta­tion. En cause, selon son direc­teur ? La concur­rence des grandes sur­faces, la muta­tion du mar­ché… et les tra­vaux dans Grenoble.

Rendez-vous incon­tour­nable des “gamers” de Grenoble durant quinze ans, elle était aussi sa der­nière bou­tique indé­pen­dante dédiée au jeu vidéo : Natural Game a annoncé qu’elle met­trait défi­ni­ti­ve­ment la clé sous la porte au soir du samedi 31 août. Une nou­velle, tom­bée fin juillet sur les réseaux sociaux, qui n’est pas pas­sée inaper­çue, mal­gré la tor­peur de l’été et les grandes vacances. Non sans sus­ci­ter tris­tesse et, déjà, une cer­taine pointe de nostalgie.

La devanture de Natural Game, au sein du quartier Championnet de Grenoble. © Florent Mathieu - Place Gre'net

La devan­ture de Natural Game, au sein du quar­tier Championnet de Grenoble. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Situé quar­tier Championnet, Natural Game par­ta­geait son acti­vité entre deux pôles : d’une part, la vente de jeux vidéos neufs ou d’oc­ca­sion, d’ac­ces­soires ou encore de pro­duits déri­vés. D’autre part, un espace dédié au jeu en réseau local, où les gamers gre­no­blois pou­vaient s’af­fron­ter ou jouer en coopé­ra­tion au cours de LAN par­ties (par­ties en réseau) endia­blées. Le suc­cès était au ren­dez-vous : au plus fort de son acti­vité, la bou­tique ouvrait sept jours sur sept.

Une « baisse dras­tique de la fréquentation »

Comment en est-on arrivé à une fer­me­ture ? Benjamin Paturel, le pro­prié­taire de Natural Game, ne fait pas dans la langue de bois : « Ça a com­mencé à sen­tir mau­vais dès qu’ils ont fait des tra­vaux dans Grenoble en avril 2017, sur Gambetta et ailleurs ». La consé­quence ? Une « baisse dras­tique » de la fré­quen­ta­tion du com­merce… et une chute du chiffre d’af­faires attei­gnant les 60 %.

Travaux dans le centre ville de Grenoble en 2017 © Chloé Ponset - Place Gre'net

Travaux dans le centre-ville de Grenoble en 2017. © Chloé Ponset – Place Gre’net

« La majo­rité des clients sont des gens exté­rieurs à Grenoble et, pour eux, c’est for­cé­ment un dépla­ce­ment en véhi­cule. Alors les per­sonnes sont allées là où c’é­tait plus facile pour elles, sou­vent dans les grandes sur­faces », pour­suit Benjamin Paturel. Qui explique avoir inter­pellé la muni­ci­pa­lité au cours d’une réunion publique sur la néces­sité d’indemniser les com­mer­çants tou­chés. Réponse ? « Apparemment, les caisses sont vides. » (voir encadré)

Dès lors, le res­pon­sable de Natural Game ima­gine deux pos­si­bi­li­tés. Celle d’un com­merce gre­no­blois retrou­vant des cou­leurs, une fois les tra­vaux ter­mi­nés, non sans avoir connu de nom­breuses fer­me­tures entre temps. Ou celle d’une com­mune pri­vée de ses com­merces, faute d’ac­cès pour les véhi­cules, excep­tées « des pistes cyclables dont per­sonne ne se sert ». « Le centre-ville ne sera plus alors qu’un no man’s land, une cité dor­toir », redoute Benjamin Paturel.

Un sec­teur en guerre… et en pleine mutation

Lucide, le direc­teur de la bou­tique a conscience que d’autres élé­ments entrent en jeu dans la baisse de fré­quen­ta­tion. « Les tra­vaux, ça a été la goutte d’eau. Mais nous sommes aussi un dom­mage col­la­té­ral dans la guerre aux parts de mar­ché. » Certaines grandes sur­faces cassent volon­tiers les prix au moment de la sor­tie d’un jeu phare. « C’est dur de dire à ma clien­tèle que mon jeu est 20 euros plus cher qu’à Carrefour », sou­pire-t-il.

Benjamin Paturel, directeur de Natural Game © Florent Mathieu - Place Gre'net

Benjamin Paturel, direc­teur de Natural Game © Florent Mathieu – Place Gre’net

Si l’ac­ti­vité de conseil et le carac­tère convi­vial d’un com­merce indé­pen­dant per­met­tait encore d’at­ti­rer les clients, l’ex­plo­sion du déma­té­ria­lisé a aussi accru les dif­fi­cul­tés. De plus en plus de joueurs achètent et télé­chargent en effet les jeux en ligne, via des pla­te­formes dédiées sur PC comme sur consoles. Nombre de gamers jouant sur PC ne sont même plus équi­pés de lec­teurs de disques. Comme pour la musique, le mar­ché mute ainsi irré­mé­dia­ble­ment vers le « tout démat” ».

Et Benjamin Paturel de pré­dire aux com­merces phy­siques de jeux vidéos le même ave­nir que celui des vidéo clubs : « Pour moi, dans cinq ou six ans, il ne res­tera plus per­sonne d’autre que les grosses enseignes ». Chute de fré­quen­ta­tion oblige, Natural Game n’aura pas eu la “chance” de tes­ter sa résis­tance face aux muta­tions du mar­ché. « Quand vous avez des pro­blèmes tous azi­muts, vous ne pou­vez plus faire face », résume son directeur.

« Une page qui se tourne »

Quel ave­nir pour les joueurs gre­no­blois ? « Je ne suis pas inquiet : les gens qui aiment le jeu vidéo se retrou­ve­ront tou­jours. Ils ont pris le pli de se retrou­ver chez eux, dans les parcs… Et il y a des tas d’as­so­cia­tions qui existent, sou­vent mécon­nues », juge Benjamin Paturel. Pas ques­tion de par­ler des « orphe­lins » de Natural Game : le direc­teur affiche une cer­taine humi­lité, tout en évo­quant les nom­breux mes­sages de sym­pa­thie reçus depuis l’an­nonce de sa fermeture.

Les rayonnages de jeux récents et retro de Natural Game seront bientôt vides. © Florent Mathieu - Place Gre'net

Les rayon­nages de jeux récents et retro de Natural Game seront bien­tôt vides. © Florent Mathieu – Place Gre’net

De la tris­tesse ou de la colère ? « J’ai fait mon deuil, je ne vais pas venir bos­ser tous les jours en tirant la gueule, ou sinon j’au­rais fermé dès que ça n’al­lait plus », explique-t-il. Non sans une cer­taine ran­cune : « Je ne suis pas très poli­tique, je vois juste ce qui m’im­pacte et j’en tire mes propres conclu­sions. Et depuis que la Métro est en place, rien ne va plus ! », lance-t-il. Tout en pré­ci­sant appré­cier au départ le « côté vert » de la muni­ci­pa­lité grenobloise.

Benjamin Paturel ne manque pas de pro­jets pour la suite, quand il aura pris des vacances bien méri­tées au sor­tir de l’été. Le com­merce ou le monde du jeu vidéo ne semblent cepen­dant pas en faire par­tie, quand bien même il res­tera le joueur qu’il a tou­jours été. Et de conclure avec une cer­taine phi­lo­so­phie : « C’est une page qui se tourne. On s’est amu­sés pen­dant quinze ans, c’est une bonne durée de vie pour un petit maga­sin ! »

Florent Mathieu

LE SILENCE DE LA VILLE ET DE LA MÉTRO

Sollicitée par Place Gre’net face aux consi­dé­ra­tions du pro­prié­taire de Natural Game, la Ville de Grenoble nous ren­voie sur la Métro, « la com­pé­tence éco­no­mique étant une com­pé­tence métro­po­li­taine ». Exact, mais cela ne sem­blait pas poser pro­blème quand trois élus gre­no­blois s’é­taient dépla­cés pour pré­sen­ter les illu­mi­na­tions noc­turnes des Halles de Grenoble et leurs effets béné­fiques espé­rés pour les com­mer­çants des gale­ries. Ou quand le maire en per­sonne s’é­tait déplacé, en début d’été, pour l’inau­gu­ra­tion des locaux d’une savon­ne­rie bio dans le quar­tier Mistral.

Place Gre’net s’est tourné aussi vers les ser­vices de Grenoble Alpes Métropole recom­man­dés par la Ville. Réponse ? La chef de pro­jet “com­merces centre ville” explique « être absente jus­qu’au mardi 27 août », date à laquelle elle pren­dra connais­sance de notre mes­sage. En somme, un retour juste à temps pour pou­voir pro­fi­ter des 30 % de réduc­tion que Natural Game effec­tue sur l’en­semble de son stock… avant sa fer­me­ture définitive.

Florent Mathieu

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