FOCUS – Vingt-quatre personnes ont dû quitter, ce lundi 29 juillet, l’hôtel Formule 1 de Voreppe qu’elles occupaient depuis le dernier épisode caniculaire. Face à cette situation jugée « intolérable », les associations d’aide aux réfugiés et défendant le droit au logement organisaient, ce mardi 30 juillet, une action de soutien place de Verdun. L’objectif ? Demander au préfet de l’Isère de les recevoir en urgence pour trouver des solutions pérennes.
« Hier, à 6 heures du matin, on frappe à la porte pour me réveiller avec les enfants », raconte Bah, une jeune Guinéenne. « Ils nous ont expulsés et nous avons dû sortir sans même déjeuner. Et puis ils nous ont posés à la gare, comme ça, juste en nous conseillant d’appeler le 115 ! »
Tout comme Bah, encore sous le coup de l’émotion, vingt-trois autres personnes – dont dix enfants – ont dû quitter, ce lundi 29 juillet, l’hôtel Formule 1 de Voreppe. Ce sur l’ordre de la préfecture de l’Isère mis à exécution par les personnels de l’Arepi.
Un réveil brutal après un répit qui n’aura duré que six jours pour ces sans-abris hébergés là en urgence lors du dernier épisode caniculaire. Et qui se retrouvent donc une nouvelle fois à la rue, sans autre solution de relogement.
Une situation jugée « intolérable » par un collectif** d’associations présent devant la gare en solidarité avec les familles à la rue. Ce mardi 30 juillet vers 10 h 30, celui-ci a donc organisé un rassemblement de soutien place de Verdun. Une sorte de sit-in auquel ont participé près de la moitié des familles remises à la rue. Avant de demander une audience au préfet en vue de trouver des « solutions positives » pour ces personnes dans la galère.
« Le préfet dit que ces familles n’ont pas vocation à rester là »
« Après avoir assuré leur nourriture, nous avons alerté tout le monde. La préfecture, la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) et la Métropole, mais en vain », relate Roseline Vachetta. Du côté de la Ville de Grenoble, un membre du cabinet a répondu au téléphone. « Il s’est dit outré, [a jugé] que c’était scandaleux, que vraiment le préfet n’assurait rien du tout », se souvient la militante.
« Les élus n’étant pas là, nous n’avons eu pour recours que d’alerter la presse », ajoute-t-elle. À leur décharge, Roseline Vachetta fait mention de la prise de position d’Alain Denoyelle, adjoint à l’action sociale, recueillie par le Dauphiné libéré. Il n’empêche que la militante se désole de cette situation « désastreuse » ballotant ces ressortissants algériens, nigériens, congolais, guinéens ou arméniens.
« Nous n’avons pas les moyens de les reloger, ce n’est pas notre fonction. Mais par contre, nous pouvons les soutenir ». Ce que les militants font en leur donnant des rendez-vous réguliers et en effectuant les démarches administratives à leur place. Et il y a de quoi faire. « Sept familles sont sous statut “dubliné”. Le préfet dit qu’elles n’ont pas vocation à rester là mais il n’en sait rien puisque leur démarche de demande d’asile n’est pas aboutie », poursuit la militante.
« Ils ne sont pas tous en France pour des raisons politiques ! »
D’autres parmi les familles seraient au début de leurs démarches ou auraient été déboutées. « Ils ne sont pas tous en France pour des raisons politiques », reconnaît Roseline Vachetta. C’est le cas de Bah, venue en France pour échapper à des violences conjugales… et parce que sa fille devait être excisée dans son pays. « Elles viennent ici pensant que la France, patrie des Droits de l’Homme, va les défendre et elles se retrouvent dans la rue ! », s’indigne Roseline Vachetta.
« Nous allons demander à être reçus par le préfet ou un membre du cabinet. Le droit inconditionnel à l’hébergement quel que soit le statut doit être respecté », explique-t-elle. Qu’en est-il de ceux qui sont là pour d’autres raisons que la demande d’asile ? « Nous allons demander que leur demande soit examinée avec bienveillance parce qu’ils ont bien des raisons d’être ici. » Roseline Vachetta cite le cas d’une petite fille autiste, seule avec sa mère. « On ne voit pas comment elle pourrait être soignée dans son pays ! C’est très important pour nous de ne pas les laisser tomber », objecte-t-elle.
Toujours est-il que la préfecture n’a pas donné suite à la demande du collectif. Lequel s’est employé à rédiger, sur le champ, une lettre recommandée pour réitérer sa demande.
« Le nombre d’enfants à la rue ne fait que croître »
« La situation est très problématique », estime quant à elle, Lauren Ohayon, enseignante et soutien du Réseau éducation sans frontières (RESF). « On a le sentiment qu’ils [les services de l’État, ndlr] profitent de l’été, de l’absence des enseignants empêchant de se mobiliser et d’accompagner ces familles », expose la jeune femme. De plus, déplore-t-elle, « vivant dans la rue, il n’y a aucune garantie pour ces enfants qu’ils puissent effectuer la rentrée dans de bonnes conditions ».
Après, poursuit Lauren Ohayon, « il n’y pas de bonnes raisons d’expulser quelqu’un et de le mettre à la rue avec des enfants. Et ce, quelle que soit la période de l’année ».
La situation empire-t-elle ? « Le nombre d’enfants dormant dehors ne fait que croître. Tous les gens autour de moi dans le réseau sont scandalisés, désespérés et disent qu’il n’ont jamais vu ça ! », rapporte l’enseignante.
Un constat désolant pour les militants de RESF qui se sentent désarmés. « Vous voyez, nous sommes tous là devant la préfecture. Pour autant, rien n’avance et peu d’améliorations nous sont proposées », explique, dépitée, Lauren Ohayon.
Joël Kermabon
* Cet hôtel faisait partie du dispositif d’hébergement d’urgence hivernal mis en place par la préfecture de l’Isère.
** Notamment Droit au logement de l’Isère (Dal 38), Réseau éducation sans frontières (RESF), la Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers migrants (CISEM) et la Ligue des droits de l’Homme de Grenoble (LDH)
POUR LA PRÉFECTURE, « CET HÉBERGEMENT NE SE JUSTIFIAIT PLUS »
Dans l’intervalle, la préfecture de l’Isère a apporté quelques précisions. Non pas, insiste-t-elle, « sur des expulsions » mais sur la fin d’un dispositif. En effet, cet hébergement « ne devait durer que le temps des quelques jours de canicule ».
De fait, vingt-quatre personnes ne disposant pas d’un droit au logement mais identifiées comme présentant certaines vulnérabilités ont été hébergées durant une semaine à l’hôtel de Voreppe. Un établissement habituellement utilisé lors du plan d’hébergement hivernal mis en place par le préfet de l’Isère.
Une fois l’alerte canicule levée par le préfet le samedi 27 juillet, « cet hébergement ne se justifiait plus », souligne la préfecture. « La fin de la prise en charge a été organisée ce lundi matin au terme d’une semaine d’hébergement exceptionnel », poursuit-elle. Les personnes hébergées ont donc dû quitter les places d’hébergement occupées « à titre temporaire. »
« Cette situation temporaire leur avait été notifiée à leur arrivée. Elles ont signé un contrat de séjour précaire et révocable, prévu pour prendre fin au terme de l’alerte orange canicule », rappelle la préfecture. « Il ne pouvait se prolonger au-delà de cette période », complète-t-elle.
Les familles « n’avaient pas vocation à occuper un hébergement pérenne en France »
Sur la situation des personnes ? « Toutes sont actuellement soit en situation irrégulière, soit déboutées de leur demande d’asile. Elles n’ont donc pas vocation à occuper un hébergement pérenne sur le territoire français. Territoire où elles séjournent actuellement sans droit ni titre. »
Par ailleurs, le préfet rappelle « les efforts considérables fournis par les services de l’État dans le département afin d’assurer un hébergement ou un logement aux personnes vulnérables ». À ce titre, 200 places issues du plan hiver ont été pérennisées ce printemps ». Ce qui a permis, assure la préfecture, « de renforcer significativement les capacités d’hébergement d’urgence en Isère, qui passent de 1302 à 1502. »