REPORTAGE – Triste saison pour les animaux domestiques. De nouveau, la France se retrouve en haut du podium des abandons. Conséquence ? La Société protectrice des animaux (SPA) du Dauphiné et la fourrière du Versoud affichent déjà complet. Pour sensibiliser petits et grands au sort des animaux abandonnés, le refuge accueille tout l’été des jeunes de l’agglomération. Retour sur une après-midi avec les collégiens de la MJC de la Bajatière.
Tout l’été, Nicolas et Danièle, bénévoles à la SPA du Dauphiné, invitent des jeunes de la région grenobloise à partager leur engagement envers les animaux.
Au programme : visite de la chatterie et du chenil, sorties avec les chiens et discussions sur la SPA et les animaux abandonnés.
Après les jeunes du centre de loisir de Montmélian, ce sont ceux de la MJC de la Bajatière qui sont venus visiter la SPA du Dauphiné le mardi 9 juillet. Treize jeunes collégiens ont ainsi fait la route jusqu’à Saint-Martin‑d’Uriage pour passer quelques heures au refuge durant d’après-midi.
Sensibiliser les jeunes et sortir les chiens
« Le projet part de certains jeunes (…) Ensuite, ils votent les activités de l’été », explique l’animatrice qui accompagne les adolescents. Pourquoi avoir choisi la SPA ? « Pour voir à quel point les gens (ils) sont bêtes d’abandonner leurs animaux », répond une des ados à l’origine du projet.
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La visite commence par la chatterie, mais impossible d’entrer en raison d’une épidémie de coryza. Les collégiens, divisés en deux groupes, collent tour à tour leur tête contre la vitre pour observer les minous délaissés.
Pendant ce temps, Nicolas leur explique d’où viennent les animaux du refuge et comment ils peuvent en repartir.
Les adolescents parcourent ensuite les allées de box du chenil. Un moment parfois difficile car « ici, [les animaux] sont comme en prison », explique Danièle.
Entre ceux qui s’égosillent en aboyant et ceux qui dansent pour se faire remarquer, les chiens ne manquent pas d’imagination pour attirer l’attention des visiteurs. Et ça marche auprès des ados qui ont eu, tantôt peur, tantôt de la peine et de l’empathie. Chacun a d’ailleurs trouvé le toutou qui l’a fait craquer.
Pas de bras, pas de SPA !
« Vous savez ce que ça veut dire SPA ? (…) Vous savez ce que c’est un bénévole ? » À tour de rôle, Nicolas et Danièle expliquent aux ados le fonctionnement du refuge.
Un moyen, pour eux, de faire comprendre le rôle indispensable que jouent les bénévoles dans un tel organisme. Ici, outre six salariés dont deux contrats aidés, une cinquantaine de bonnes âmes très investies rendent ainsi possibles les sorties quotidiennes et les visites chez le vétérinaire.
Les adhérents peuvent également se proposer comme « famille d’accueil » et offrir l’hospitalité aux animaux fragiles. « Parfois, on a des chiens avec des cancers en phase terminale. On essaie de leur trouver des hébergements d’urgence… », décrit Nicolas.
En théorie, les bénévoles doivent venir une fois par mois. Mais l’arrivée incessante de nouveaux résidents en oblige plus d’un à se rendre au chenil plusieurs fois par semaine. « Un choix de vie » pour Nicolas qui a découvert le refuge en adoptant son premier chien, il y a trois ans.
Au fil des mois, il s’est investi dans l’association jusqu’à devenir membre du conseil d’administration en charge des espaces verts, des sorties associatives, de la communication et des visites dans les Ehpad. « J’avais envie d’avoir un cycle logique des choses (…) Ça me plaît bien. Moi, je mange chien, je dors chien, je vis chien ! (…) Ici, on s’attache très vite, c’est comme si j’avais quarante-cinq chiens. »
Pour la plupart des jeunes, cette première visite lève le voile sur le sort des animaux abandonnés, même si, en ce jour de résultats du brevet, certains ont la tête ailleurs…
Une structure associative indépendante du réseau SPA
Bien qu’elle s’appelle SPA du Dauphiné, l’association de Saint-Martin‑d’Uriage ne fait pas partie du réseau SPA de France. Conséquence ? Son fonctionnement dépend beaucoup des adhésions, des dons et des legs.
Pour (sur)vivre, le refuge organise également des événements comme la journée du chien à Uriage ou des collectes dans les supermarchés. Un rendez-vous a d’ailleurs lieu ces 20 et 21 juillet au refuge. Le thème ? « Shopping party » ! L’occasion d’acheter de nouveaux jouets à vos animaux et de contribuer à faire vivre le refuge.
Tous les mois, la SPA a besoin de 30 000 euros pour prendre soin de la petite centaine d’animaux présents. Environ 45 chiens et plus encore de chats qui ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche, mais pour les plus gros mangeurs de 500 grammes de croquettes par jour. Bilan ? Une consommation quotidienne qui avoisine les 30 kilos.
À cela, s’ajoutent les consultations vétérinaires, l’accueil des visiteurs, les démarches administratives, le suivi des adoptions, les balades, la communication…
« Chaque mois, la SPA est déficitaire (…) De l’aide publique, il n’y en a pas tant que ça », déplore Nicolas.
Nina Soudre
DES CHIENS EN VISITE DANS LES EHPAD
Depuis le 1er mars, bénévoles et chiens abandonnés de la SPA s’invitent dans les Ehpad pour égayer les après-midis des personnes âgées… et des canidés. Des sorties qui ont lieu une semaine sur deux à la Tronche chez les Petites sœurs des pauvres et une fois par mois à Sassenage.
À chaque visite, les chiens passent de chambre en chambre et, à force de rencontres, tissent des liens avec les personnes âgées.
« Je suis heureuse lorsque la SPA revient. Cela me rappelle le chat de mon ancien lieu de travail qui venait toujours dans la cour de récréation », confie Mme D, pensionnaire à La Tronche.
« Des sourires, des regards, des caresses »
Animatrice à l’Ehpad Ma Maison des petites sœurs des pauvres, Marion se réjouit de cette initiative : « La démarche de la SPA du Dauphiné est une porte ouverte pour Ma Maison.
En effet, les chiens apportent aux résidents une présence vraie et spontanée. Il n’y a pas vraiment de mots pour expliquer mais des moments à vivre : des sourires, des regards, des caresses (…) »
Pour le moment, quatre bénévoles sont en charge des visites dans les Ehpad. Mais le système, victime de son succès, aurait besoin d’être déployé. La SPA envisage ainsi le recrutement d’un service civique, dédié à ces sorties, pour la rentrée.
LA SPA DU DAUPHINÉ, LIEU D’ADOPTION… ET D’ABANDON
En 2018, plus de 700 animaux ont été adoptés à la SPA du Dauphiné. « Ça sauve deux vies », explique Danièle, professeure d’Arts plastiques dans un collège isérois : « celle de l’animal parti et celle de celui qui arrive de la fourrière ».
La SPA, très présente sur les réseaux sociaux
La SPA c’est aussi une communauté de 28 000 utilisateurs Facebook qui relaient chaque jour les annonces d’adoption. Pour Nicolas, qui s’occupe du compte Instagram, « la communication est très importante ».
Il arrive souvent que les futurs adoptants repèrent un animal sur les réseaux sociaux et viennent avec leur idée en tête.
Une situation à double tranchant puisqu’elle est une aubaine pour le chien adopté mais douloureuse pour les autres qui, parfois, ne sont même pas regardés.
L’importance du suivi des adoptions
À la SPA du Dauphiné, la priorité est toujours donnée au bien-être de l’animal. Fini les adoptions en un claquement de doigt ! Les bénévoles mettent en place un questionnaire et un suivi des animaux adoptés afin de vérifier qu’ils demeurent entre de bonnes mains.
Pour ceux qui souhaiteraient finalement se rétracter car ils n’avaient pas mesurer l’ampleur de la responsabilité qu’induit un animal, il est possible de le ramener au refuge. « Ça nous serre toujours le cœur de les voir revenir », raconte Danièle. « Ils le vivent comme un deuxième abandon. C’est un traumatisme. Ils ne comprennent pas. »
Autre cas de figure malheureusement classique : « Les gens viennent abandonner leurs animaux à la SPA », raconte Nicolas. En effet, il est possible de se séparer de sa boule de poil en s’assurant qu’elle sera prise en charge.
En échange, le refuge ne demande que 150 euros qui serviront à pucer, soigner et vacciner l’animal. Un scénario qui arrive trop souvent, la France étant championne d’Europe des abandons d’animaux.