CM du 8 juillet 2019. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Burkini à Grenoble : arc-bouté sur ses posi­tions, Éric Piolle dénonce une « caco­pho­nie gouvernementale »

Burkini à Grenoble : arc-bouté sur ses posi­tions, Éric Piolle dénonce une « caco­pho­nie gouvernementale »

FOCUS – “L’affaire du bur­kini” s’est invi­tée au conseil muni­ci­pal de Grenoble ce lundi 8 juillet. Interpellé par l’op­po­si­tion, Éric Piolle, le maire de Grenoble, a refusé toute conces­sion, ren­voyant la balle dans le camp du gou­ver­ne­ment. L’édile dénonce ainsi la « caco­pho­nie gou­ver­ne­men­tale » qui n’a fait qu’am­pli­fier la polé­mique sur ce sujet clivant. 

Action de "désobéissance civile" organisée par l'Alliance citoyenne : des femmes musulmanes en burkini se sont baignées à la piscine Jean Bron à Grenoble, ce dimanche 23 juin 2019 © Séverine Cattiaux - Placegrenet.fr

L’action de « déso­béis­sance civile » du dimanche 23 juin © Séverine Cattiaux – Placegrenet​.fr

Chassez le bur­kini par la porte, il revient par la fenêtre. Les “opé­ra­tions de déso­béis­sance civile” menées par des femmes sou­te­nues par l’Alliance citoyenne de l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise conti­nuent à faire des vagues.

Tout par­ti­cu­liè­re­ment ce lundi 8 juillet lors de la séquence des ques­tions orales du conseil muni­ci­pal. Deux élues ont ainsi inter­pellé le maire de Grenoble sur ce sujet on ne peut plus clivant…

En cause ? La polé­mique qui agite le monde poli­tique gre­no­blois et la société civile suite aux actions d’ac­ti­vistes pro-bur­kini les ven­dredi 17 mai et dimanche 23 juin. De fait, à droite comme à gauche, des voix s’é­taient éle­vées pour repro­cher au maire de Grenoble l’ambigüité de sa posi­tion sur la question.

Éric Piolle avait bien condamné des « actions mili­tantes et média­tiques » finis­sant même par les qua­li­fier de « com­mu­nau­ta­ristes ». Mais sans pour autant tran­cher sur le sta­tut du bur­kini dans le règle­ment inté­rieur des pis­cines. C’est à l’État d’a­gir avait-t-il alors indi­qué. Dans quel objec­tif ? « Lever toute ambi­guïté sur le sta­tut du maillot de bain cou­vrant, rela­ti­ve­ment à l’hygiène et à la sécu­rité des usa­gers. »

« Attendre une hypo­thé­tique réac­tion de l’État est un leurre »

Première à por­ter l’es­to­cade au cours d’une ques­tion orale, Mireille d’Ornano du Rassemblement des patriotes. L’élue dénonce avec véhé­mence des « opé­ra­tions coup de poing ». Autant de véri­tables tests « met­tant à l’é­preuve l’au­to­rité muni­ci­pale et les règles en vigueur », estime-t-elle. Tout autant qu’elle trouve « cho­quant » que l’Alliance citoyenne soit sub­ven­tion­née à hau­teur de 6 000 euros par la Métropole.

Mireille d'Ornano lors de sa question orale. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Mireille d’Ornano lors de sa ques­tion orale. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Quant à s’en remettre au gou­ver­ne­ment, « attendre une hypo­thé­tique réac­tion de l’État est un leurre », pour­suit-elle. Avant de deman­der au maire dassu­mer une posi­tion claire et défi­ni­tive. « Nous sou­hai­tons savoir quelles mesures ou déci­sions concrètes vous comp­tez prendre pour mettre fin rapi­de­ment à cette sur­en­chère de pro­vo­ca­tions », ques­tionne la conseillère municipale.

Surexposition du per­son­nel pei­nant à faire res­pec­ter le règlement

Autre inter­ve­nante, Marie-José Salat, conseillère muni­ci­pale du groupe Rassemblement de gauche et de pro­grès. Entre les lignes de sa ques­tion orale, pointe le reproche d’un cer­tain manque de fer­meté. Et des reproches suite aux décla­ra­tions d’Eric Piolle. Les deux inter­pré­ta­tions pos­sibles de l’égalité répu­bli­caine évo­quées par l’é­dile* tout d’a­bord. Mais aussi les ater­moie­ments ayant pré­cédé son appel au res­pect du règle­ment inté­rieur des piscines.

Marie-José Salat a également interpellé le maire sur la question du burkini. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Marie-José Salat a éga­le­ment inter­pellé le maire sur la ques­tion du bur­kini. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Des hési­ta­tions qui, selon l’é­lue, « ont cer­tai­ne­ment convaincu les inté­res­sés de l’intérêt de renou­ve­ler l’opération le dimanche 23 juin ». Avec, à la clé, plu­sieurs consé­quences « fâcheuses ». Comme celles d’at­ti­rer l’at­ten­tion média­tique, de pri­ver les gre­no­blois de l’ac­cès aux pis­cines et « de sur­ex­po­ser leur per­son­nel pei­nant à faire res­pec­ter la règle­men­ta­tion ».

Pour Marie-José Salat, il est des ren­dez-vous à ne pas man­quer. « Vous enga­gez-vous à dire fer­me­ment que vous ne révi­se­rez pas le règle­ment inté­rieur des pis­cines […] pour céder aux pres­sions d’associations pour qui la liberté indi­vi­duelle prime sur les prin­cipes de notre République ? », interroge-t-elle.

« Il y a de quoi être inquiet devant la caco­pho­nie gouvernementale »

Éric Piolle ne s’est pas emba­rassé de tour­nures de rhé­to­rique dans ses réponses aux deux élues. Face à Mireille d’Ornano, il a évo­qué une « bonne grosse polé­mique nau­séa­bonde […] ali­men­tée depuis plu­sieurs semaines par l’ex­trême droite ». « Vous ten­tez d’im­por­ter le buzz dans notre assem­blée et pour ma part, je vais conti­nuer sur ma ligne, je ne des­cen­drais pas dans la boue ». Avant de fus­ti­ger les « pro­fes­sion­nels de l’a­gi­ta­tion com­mu­nau­taire » et les « poli­ti­ciens en mal de visi­bi­lité ». Bref, « l’in­verse d’un débat poli­tique apaisé » selon lui.

© Joël Kermabon - Place Gre'net

© Joël Kermabon – Place Gre’net

« La République sert la jus­tice, pas les pri­vi­lèges. Elle est une et indi­vi­sible », pour­suit-il un peu solen­nel­le­ment. Pour le maire, l’État, et lui seul, est garant de cette règle. « Il ne sau­rait y avoir une défi­ni­tion de l’é­ga­lité par com­mune. Ou bien demain nous aurons 36 000 formes d’égalité dans la République », lance-t-il. Et ce der­nier de s’in­quié­ter de « la caco­pho­nie gou­ver­ne­men­tale sur ce sujet ».

De fait, plu­sieurs membres du gou­ver­ne­ment se sont expri­més sur ce thème. Notamment Nicole Belloubet qui avait estimé « ne pas être cer­taine qu’il faille légi­fé­rer sur tout ». Ou encore Édouard Philippe prô­nant la fer­meté dans le res­pect des règles édic­tées pour les pis­cines. Des décla­ra­tions qui n’ont pas man­qué de faire réagir Éric Piolle. « Il n’est pas accep­table […] que les gar­diens de la cohé­sion natio­nale soient à ce point dans le flou et s’a­musent des polé­miques qui divisent les Français », s’of­fusque l’élu.

« Toute infrac­tion est et sera sanc­tion­née sim­ple­ment et sans détours »

Quant au règle­ment inté­rieur des pis­cines, Éric Piolle reste droit dans ses bottes. « Toute infrac­tion est et sera sanc­tion­née sim­ple­ment et sans détours », appuie l’é­dile. Face aux inci­vi­li­tés, par ailleurs pas spé­ci­fiques à Grenoble, des actions coor­don­nées avec les agents, des entre­prises de sécu­rité, les polices muni­ci­pale et natio­nale sont en place, assure le pre­mier magistrat.

Un accom­pa­gne­ment s’im­po­sant d’au­tant plus que la pis­cine Jean-Bron accueille près de 1 200 per­sonnes par jour. Et que ce chiffre a atteint 1 800 lors du der­nier épi­sode caniculaire.

© Joël Kermabon - Place Gre'net

© Joël Kermabon – Place Gre’net

Répondant à Marie-José Salat, Éric Piolle se montre sur­pris de la teneur de sa ques­tion. Ce d’au­tant plus qu’elle sur­vient « au beau milieu d’une période dra­ma­tique », sou­ligne-t-il. Et de dres­ser une liste des ser­vices réga­liens pous­sés « aux limites du burn-out » par les réformes du gouvernement.

Urgentistes, pom­piers, pro­fes­seurs, magis­trats… « la liste est longue », sou­ligne l’élu. « Je suis sur­pris que votre empa­thie, votre sens du ser­vice public vous poussent, en prio­rité, à remettre une pièce dans la polé­mique bur­kini », tacle-t-il. Avant de confé­rer à l’é­lue le sta­tut « d’a­vo­cate du gou­ver­ne­ment sur un sujet où il est notoi­re­ment inca­pable de jouer son rôle de cohé­sion nationale ».

Sanctuariser les pis­cines comme des lieux où les signes reli­gieux n’ont pas de place ?

Piscine Jean Bron, ce dimanche 30 juin fermée exceptionnellement par mesures de sécurité à 14h © Séverine Cattiaux - Placegrenet.fr

Piscine Jean Bron, ce dimanche 30 juin fer­mée excep­tion­nel­le­ment par mesures de sécu­rité à 14h © Séverine Cattiaux – Placegrenet​.fr

L’occasion une nou­velle fois d’en­fon­cer le clou. Plus qu’il ne l’a­vait fait avec Mireille d’Ornano. « C’est bien au gou­ver­ne­ment de choi­sir quelle option il veut prendre pour toutes les pis­cines de France », mar­tèle l’élu.

Faut-il les sanc­tua­ri­ser comme des lieux où les signes reli­gieux n’ont pas de place ? Tout comme c’est le cas pour les écoles, les col­lèges, les lycées. Telle est la ques­tion selon Éric Piolle.

Et de conclure sur un ton sec et sans appel. « Pour la stra­té­gie du buzz déve­lop­pée par ceux qui ont choisi ce mode d’ac­tion, cha­cun ici assu­mera la par­ti­tion qu’il a jouée au détri­ment des gre­no­bloises et des gre­no­blois ».

Joël Kermabon

* « Pour cer­tains, la régle­men­ta­tion actuelle, à Grenoble, qui est la même que par­tout dans la Métropole et essen­tiel­le­ment la même par­tout en France, est jugée dis­cri­mi­nante. Pour d’autres, la régle­men­ta­tion actuelle, à Grenoble, dans la Métropole, en France, pro­tège l’égalité en tenant à dis­tance les signes d’appartenance religieux. »

Joël Kermabon

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