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L’analyse des pro­fon­deurs d’un gla­cier du Mont Blanc révèle une pol­lu­tion aux métaux datant de l’é­poque romaine

L’analyse des pro­fon­deurs d’un gla­cier du Mont Blanc révèle une pol­lu­tion aux métaux datant de l’é­poque romaine

FIL INFO – En explo­rant les couches pro­fondes du gla­cier du col des Dômes, une équipe scien­ti­fique inter­na­tio­nale a décou­vert une pol­lu­tion atmo­sphé­rique aux métaux toxiques datant de l’Antiquité. Les résul­tats de cette étude coor­don­née par une cher­cheuse gre­no­bloise de l’Institut des géos­ciences de l’environnement ont été publiés dans Geophysical Research Letters, le 7 mai 2019.

L’analyse des couches les plus anciennes du gla­cier du col du Dôme situé dans le mas­sif du Mont-Blanc a révélé une forte pol­lu­tion atmo­sphé­rique datant de l’Antiquité romaine. Dans ces glaces alpines pro­fondes, les cher­cheurs ont plus pré­ci­sé­ment mesuré une concen­tra­tion éle­vée en métaux toxiques. En l’oc­cur­rence, de forts taux de plomb et d’un autre métal lourd beau­coup moins connu, à savoir l’anti­moine. Ce der­nier, consi­déré comme un élé­ment chi­mique dur­cis­sant, forme faci­le­ment des alliages avec les prin­ci­paux métaux usuels* dont le plomb.

Une équipe internationale a découvert une pollution aux métaux lourds datant de la Rome antique dans les glaces du Mont Blanc. DR

Mont blanc. DR

Les résul­tats obte­nus par l’équipe inter­na­tio­nale coor­don­née par Susanne Preunkert, une scien­ti­fique gre­no­bloise de l’Institut des géos­ciences de l’environnement (IGE)**, ont été publiés le 7 mai der­nier dans Geophysical Research Letters.

Deux pics d’émission de métaux lourds durant la République et l’Empire

(a) Concentrations en plomb dans la glace du Groenland (bleu) et du col du Dôme (CDD, rouge). (b) Concentrations en plomb (rouge) et antimoine (vert) dans la glace du CDD. Sur l’échelle du bas, l’âge est reporté en années à partir de l’an 1 de notre ère commune (CE) (soit l’an 1 après Jésus-Christ). Les phases de croissance des émissions de plomb ont été accompagnées d’une augmentation simultanée des teneurs de la glace alpine en antimoine , un autre métal toxique. © IGE

(a) Concentrations en plomb dans la glace du Groenland (bleu) et du col du Dôme (CDD, rouge). (b) Concentrations en plomb (rouge) et anti­moine (vert) dans la glace du CDD. Sur l’échelle du bas, l’âge est reporté en années à par­tir de l’an 1 de notre ère com­mune (CE) (soit l’an 1 après J‑C). Les phases de crois­sance des émis­sions de plomb ont été accom­pa­gnées d’une aug­men­ta­tion simul­ta­née des teneurs de la glace alpine en anti­moine, autre métal toxique. © IGE

Pour déter­mi­ner l’âge exact de ces couches de glace, les cher­cheurs ont uti­lisé la data­tion au car­bone 14. Bien que « moins bien datée qu’au Groenland » selon les scien­ti­fiques, l’archive alpine retrace les grandes périodes de pros­pé­rité de l’Antiquité romaine.

« Il en res­sort deux maxi­mums d’émission de plomb bien dis­tincts : durant la République (entre 350 et 100 ans avant J.-C.), puis l’Empire (entre 0 et 200 ans après J.-C.) », précisent-ils.

Ces résul­tats cor­ro­borent ceux obte­nus à par­tir d’autres archives conti­nen­tales telles que celles issues des couches pro­fondes des tour­bières.

Selon les cher­cheurs, cette conver­gence per­met d’en déduire « une infor­ma­tion glo­bale à l’échelle euro­péenne ». L’étude confirme ainsi, si besoin était, l’existence d’une acti­vité minière chez les Romains.

À l’origine de ces émis­sions, la fusion du mine­rai plomb-argent

Donc bien avant que ne débute l’ère indus­trielle, l’ac­ti­vité minière romaine consis­tait déjà à pro­duire du plomb et de l’argent. « Les Romains extra­yaient le mine­rai de plomb argen­ti­fère pour pro­duire le plomb néces­saire à la fabri­ca­tion des conduites d’eau, et l’argent pour la mon­naie », rap­pellent les scien­ti­fiques. Le pro­cédé de sépa­ra­tion plomb-argent pas­sant par une fusion du mine­rai à 1 200 °C, d’importantes émis­sions de plomb s’é­chap­paient ainsi dans l’atmosphère.

Simulations qui évaluent la sensibilité du dépôt de plomb au col du Dôme (étoile jaune) à la localisation géographique de l’émission. Cette carte indique également l’emplacement des principales mines connues de l’Antiquité romaine. Pour la région située ~500 km autour des Alpes, en bleu celles supposées actives dès la République romaine et en rouge celles qui le seront plus tard. En dehors de cette zone, toutes les autres mines sont reportées en rouge, quelle que soit l’époque. La glace alpine est donc représentative de l’atmosphère de haute altitude qui est alimentée par les émissions de France, Espagne, Italie, îles du bassin méditerranéen, et dans une moindre mesure d’Allemagne et Angleterre. © IGE

Simulations qui éva­luent la sen­si­bi­lité du dépôt de plomb au col du Dôme (étoile jaune) à la loca­li­sa­tion géo­gra­phique de l’émission. Cette carte indique éga­le­ment l’emplacement des prin­ci­pales mines connues de l’Antiquité romaine. Pour la région située à 500 km autour des Alpes, en bleu celles sup­po­sées actives dès la République romaine et en rouge celles qui le seront plus tard. En dehors de cette zone, toutes les autres mines sont repor­tées en rouge, quelle que soit l’époque. La glace alpine est donc repré­sen­ta­tive de l’atmosphère de haute alti­tude qui est ali­men­tée par les émis­sions de France, Espagne, Italie, îles du bas­sin médi­ter­ra­néen, et dans une moindre mesure d’Allemagne et Angleterre. © IGE

Autre inté­rêt de cette toute pre­mière étude de la pol­lu­tion durant l’Antiquité réa­li­sée à par­tir de glace alpine : « Elle per­met éga­le­ment de mieux éva­luer l’impact de ces émis­sions anciennes sur notre envi­ron­ne­ment euro­péen », estiment les cher­cheurs. La pro­chaine étape ? Elle va notam­ment consis­ter à com­pa­rer cet impact à celui de la pol­lu­tion plus récente liée à l’utilisation de l’essence au plomb dans les années 1950 à 1985.

VM

* L’antimoine forme faci­le­ment des alliages avec le plomb mais aussi l’étain, le cuivre ou les métaux précieux.
** CNRS/IRD/UGA/Grenoble INP. Ce labo­ra­toire fait par­tie de l’Observatoire de sciences de l’Univers de Grenoble (Osug).

Véronique Magnin

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