EN BREF – L’association Vivre à Grenoble crie son ras-le-bol face à ce qu’elle considère comme des pressions, voire des intimidations juridiques et financières, de la Ville de Grenoble à son encontre ou à l’encontre des citoyens qu’elle accompagne. Prônant « une véritable démocratie urbaine pour une ville à taille humaine », elle adresse au maire de Grenoble une lettre ouverte.
« Ça commence à bien faire ! » Le conseil d’administration de l’association Vivre à Grenoble pousse un coup de gueule contre la municipalité grenobloise, en même temps qu’il adresse très officiellement une lettre ouverte au maire Éric Piolle. Motif de sa colère ? Des « méthodes inacceptables » de la Ville « pour faire taire l’association », dénonce Vivre à Grenoble, et pour dissuader les citoyens de formuler des recours contre les projets urbains municipaux.
C’est un courrier du Centre des finances publiques qui a fait déborder le vase, explique Bruno de Lescure, président de l’association. Contrainte de s’acquitter de frais de justice, suite à un recours perdu contre le projet Araymond, l’association a demandé un échelonnement des paiements. Réponse de la Ville : une assignation pour faire prélever sur son compte… les 167 euros restants dus.
« Faire taire les oppositions citoyennes »
L’assignation agace d’autant plus Bruno de Lescure que « l’action judiciaire n’est pas totalement éteinte », une procédure devant le Conseil d’État ayant été engagée. Procédure qui, légalement, n’empêche pas la Ville de réclamer les frais de justice. « Le Droit le permet, on ne peut pas le contester, mais il y a la pratique », estime Éric le Gulludec, avocat de l’association dans le cadre d’une autre procédure, celle du terrain Galtier.
Cette « pratique » du Droit « s’inscrit dans une démarche de faire taire les oppositions citoyennes, d’essayer de dissuader les gens », estime l’avocat. Dans le cadre du recours contre le projet du terrain Galtier, ce ne sont pas quelques centaines, mais quelques millions d’euros que Grenoble Habitat* réclame aux riverains plaignants, accompagnés par l’association. Au motif d’un « préjudice moral » ou de la perte possible d’une subvention en cas de retard sur les travaux.
La Ville est moins prompte à appliquer les décisions de justice qui lui sont défavorables, juge encore l’association. La cour administrative d’appel a ainsi annulé le permis de construire d’un projet de construction rue Raspail. Problème : le bâtiment a été construit entretemps et une modification de sa façade, le point litigieux souligné, est bien improbable. De plus, la municipalité a attendu deux ans pour s’acquitter des 2 000 euros de fais de justice… qu’elle devait à Vivre à Grenoble.
Une équipe municipale autrefois proche de Vivre à Grenoble
Dans leur courrier comme face à la presse, les membres de l’association s’amusent surtout du changement de ton de l’équipe municipale en place, bien différent lorsque celle-ci était dans l’opposition. Des élus actuels de la Ville de Grenoble tels Christine Garnier, Hakim Sabri et même l’adjoint à la Démocratie locale Pascal Clouaire auraient été adhérents. De même que Vincent Comparat, président de l’Ades**, mouvement écologiste qui soutient la municipalité.
Une simple recherche par mot-clé sur le site de l’Ades permet en effet de constater que le mouvement ne manquait pas de relayer l’actualité de Vivre à Grenoble.
« La politique de la majorité a changé en 2015. Nous, nous avons continué à agir en fonction de la philosophie qui est la nôtre, et qui fut la leur », assène Bruno de Lescure.
Quelle philosophie ? « Une véritable démocratie urbaine pour une ville à taille humaine », prône la lettre ouverte. « Nous sommes pour que l’on implique les gens dans la construction de leur ville, le plus en amont possible des permis de construire », complète Louis Cipri, membre de l’association.
« La municipalité a décidé d’utiliser vraiment le Droit pour asphyxier l’association et faire peur à tous les requérants : sous Destot, on n’avait jamais osé faire comme cela ! », poursuit Bruno de Lescure. Et de conclure : « C’est un peu fort de café de la part de gens qui ont fait des recours pendant vingt ans, et qui ont été taxés de malades du recours par la majorité socialiste de l’époque ! » Sollicitée par Place Gre’net, la Ville n’a pas réagi au courrier de l’association.
Florent Mathieu
* La Ville de Grenoble est actionnaire à 51 % de la Société d’économie mixte (Sem) Grenoble Habitat, et compte six administrateurs au sein de son conseil d’administration. Sa présidente, Maryvonne Boileau, est également conseillère municipale de Grenoble.
** Association démocratie écologie solidarité.