FOCUS – La Frapna Isère tire la sonnette d’alarme dans le cadre de l’enquête publique sur le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). L’association de protection de l’environnement fustige un règlement d’une autre époque, ouvrant la voie à une consommation excessive des sols, au détriment du climat, de l’agriculture et de la biodiversité. L’association ne manque pas de brocarder la communication « enjolivée » de la Métropole de Grenoble, qui se targue de faire mieux que ses prédécesseurs.
« Nous faisons le constat que la consommation des sols va se poursuivre avec peu de changement : 20 % de réduction de la consommation annuelle, soit 80 % de continuité », alerte la Frapna Isère. L’association de protection de l’environnement vient de participer à l’enquête publique qui s’est tenue du 1er avril au 24 mai, sur le futur Plan local d’urbanisme intercommunal. Et son jugement est sévère.
Une artificialisation accrue des sols
Dans un avis de quinze pages, la Frapna Isère émet un certain nombre de critiques et de propositions. Le principal reproche que formule l’association porte sur l’accroissement de l’artificialisation des sols qu’autorise le document, en l’état actuel.
La diminution de 20 % du rythme de la consommation du foncier par an n’est pas à la hauteur des enjeux, dénonce la Frapna, qui tape cette fois du poing sur la table.
Cette baisse « pourra être visible statistiquement, concède l’association, mais ne marque pas un changement de politique d’aménagement et ne sera pas perceptible par les habitants, qui continueront à voir des constructions apparaître sur des terrains anciennement non bâtis ».
Bref, on est bien loin, pourfend la Frapna, d’un règlement d’urbanisme qui garantisse le « zéro artificialisation nette des sols », comme l’exhorte le plan biodiversité de juillet 2018 lancé par l’ex-ministre de la Transition Nicolas Hulot.
« 354 ha de terre artificialisée en-dehors de la tache urbaine actuelle »
« Le PLUI présente de manière enjolivée les choix faits en matière de préservation d’espace », fustige également la Frapna dans son avis. La Métropole se targue ainsi de rendre 90 ha à l’agriculture en dix ans, à travers ce PLUI. « 90 ha seront restitués à l’agriculture » était-il en effet mis en exergue sur l’un des panneaux de l’exposition consacrée au PLUI à la Plateforme de Grenoble, en amont de l’enquête publique.
Une façon biaisée de présenter la réalité, s’agace la Frapna. « Ce chiffre correspond à des terrains qui ont actuellement un usage agricole (même s’ils sont considérés réglementairement comme urbanisables ou à urbaniser). Il serait donc plus précis de dire que 90 ha, qu’il était prévu d’urbaniser selon les anciennes règles, seront conservés en usage agricole grâce aux nouvelles règles », corrige la Frapna.
L’association de protection de l’environnement s’émeut surtout que le futur PLUI « ouvre la voie à l’artificialisation de 354 ha en-dehors de la tache urbaine actuelle ».
Sur le volet habitat, la Frapna indique « rejoindre » le constat de l’Autorité environnementale qui, dans son avis du 19 février 2018, écrit ceci : « La prévision de consommation foncière liée à l’habitat est peu optimisée avec une part importante (42 %) d’espace en extension urbaine, qui ne traduit pas d’inflexion à la baisse par rapport à la période précédente. »
Portes du Vercors et Neyrpic, des projets en contradiction avec le PADD
De nombreuses solutions existent pour éviter de gaspiller du foncier, soutiennent les militants, comme réhabiliter « des immeubles ou quartiers entiers en déshérence » ou « dépolluer et aménager » des friches industrielles. Par ailleurs, « au vu des tendances actuelles du commerce », pointe l’association, la Métropole ferait bien d’identifier dès à présent les futures friches commerciales comme « autant de terrains disponibles pour reconstruire la ville sur la ville ».
La Frapna se désole en outre de trouver encore dans la feuille de route du PLUI des projets tels que celui des Portes du Vercors et du centre commercial Neyrpic, « qui sont pétris de contradictions vis-à-vis du PADD [projet d’aménagement et de développement durable, ndlr] et des besoins de la transition écologique ». La Frapna propose de les « remettre en débat ».
Elle enjoint également la Métropole de stopper l’artificialisation des sols, en particulier dans les hameaux, et l’invite à mettre la pédale douce sur la consommation foncière « là où il y a du mitage urbain et des risques de conurbation », en particulier « sur le plateau de Champagnier, au pied du massif de Belledonne et le long des routes de Chartreuse ».
« Il faut des changements radicaux »
Outre la consommation importante de l’espace, la Frapna repère d’autres trous dans la raquette. « Le PLUI ne protège pas toujours la population du bruit et de la pollution de l’air. » « Le PLUI prévoit la protection des milieux naturels et de la biodiversité, sans pour autant arrêter leur dégradation. » L’association regrette aussi qu’il n’y ait aucune disposition de lutte contre la pollution lumineuse.
Pour finir, Francis Odier, vice-président de la Frapna Isère, blâme le manque de volonté politique de la Métropole. « Ce document est intercommunal, mais ils [les services, les élus, ndlr] ont beaucoup assemblé des projets communaux. Il y a peu d’arbitrages qui ont été faits à l’échelle de la Métropole », blâme-t-il.
Soucieuse de faire rectifier le tir, la Frapna demande notamment à la Métropole que soient identifiées des « opérations de désimperméabilisation » des sols et que soient réservés en plus grand nombre des emplacements pour des sites dédiés à l’agriculture urbaine : jardins partagés, ferme communale…
« Ce PLUI n’est pas mauvais, tout au moins dans ses intentions au niveau du PADD, [projet d’aménagement et de développement durable, ndlr], tente de nuancer Francis Odier, mais le curseur ne va pas assez loin dans la traduction opérationnelle. C’est une approche de petits pas, sans commune mesure par rapport à l’enjeu du réchauffement climatique et alors qu’on est de plus en plus nombreux à dire qu’il faut des changements radicaux », argue le militant.
Séverine Cattiaux