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Première image de l’ombre d’un trou noir : le trou noir supermassif du centre de la galaxie M87, observé par le réseau EHT. © Collaboration EHT

Première image d’un trou noir : l’institut gre­no­blois de radio­as­tro­no­mie a joué un rôle déterminant

Première image d’un trou noir : l’institut gre­no­blois de radio­as­tro­no­mie a joué un rôle déterminant

FOCUS – L'Institut grenoblois de radioastronomie millimétrique a joué un rôle essentiel pour obtenir la première image d'un trou noir. Un réseau de huit radiotélescopes sur quatre continents différents a en effet permis de la révéler au monde entier le 10 avril 2019. Parmi eux, celui de l'Institut grenoblois, dont la sensibilité a largement contribué à la précision de l'image inédite. Celle de l'ombre du trou noir supermassif situé au cœur de la galaxie M87.

 

 

Depuis une semaine, la toute première image d’un trou noir circule sur tous les écrans de la planète. Fruit d’une collaboration internationale, elle a impliqué près de deux cents chercheurs et ingénieurs sur quatre continents. Dont, Cocorico !,  des Français de l’Institut de radioastronomie millimétrique (Iram)* dont le siège est à Grenoble. Une percée scientifique, annoncée en grande pompe, qui a fait l'objet de six articles publiés le 10 avril 2019 dans Astrophysical Journal Letters.

 

Le télescope de 30 mètres de l’Iram, près de Grenade au sud de l’Espagne. © DiVertiCimes

Le télescope de 30 mètres de l’Iram, près de Grenade au sud de l’Espagne. © DiVertiCimes

 

Parmi les instruments utilisés, le radiotélescope de l’Iram construit dans la Sierra Nevada sur la province de Grenade au sud de l’Espagne, s’est révélé indispensable. Sa spécificité ? Cet outil, d’une hauteur de 30 mètres, possède une antenne unique, la plus sensible de l’Event horizon telescope (EHT). Autrement dit, du réseau des huit radiotélescopes** qui a permis d’obtenir l’image inédite.

 

 

Les trous noirs sont des astres très petits

 

Cette captation est d’autant plus extraordinaire que les trous noirs sont des objets cosmiques extrêmement denses. L’attraction gravitationnelle qu’ils exercent est si forte que rien, ni matière ni lumière, ne peut s’en échapper.

 

Gros plan sur le halo central de la galaxie Messier 87. DR

Gros plan sur le halo central de la galaxie Messier 87.  DR

De surcroît, malgré leurs masses extrêmes et leur influence considérable sur leurs environnements, les trous noirs sont des astres très petits. Ce qui peut aussi expliquer que leur observation ne soit pas chose aisée.

 

Il a donc fallu trouver l’oiseau rare pour réaliser cette toute première image. À savoir, un trou noir de masse exceptionnelle et si possible, situé à proximité relative de la Terre. L’heureux élu ? Le trou noir au centre de la galaxie Messier 87 (M87) qui est situé tout de même à 55 millions d’années-lumière de nous  !

 

 

Les scientifiques ont créé un immense télescope virtuel

 

Les scientifiques ont utilisé une technique d’interférométrie, qui exploite la rotation de notre planète, pour créer un immense télescope virtuel d’une ouverture théorique égale au diamètre de la Terre. Ce, grâce à l’évolution du réseau EHT qui, en 2017, a relié pour la première fois huit observatoires répartis sur quatre des six continents de la planète. À savoir, l'Europe, l'Amérique du nord et du sud ainsi que l'Antarctique.

 

En employant des horloges atomiques ultra-précises, les scientifiques des différents observatoires sont parvenus à synchroniser parfaitement leurs huit radiotélescopes respectifs. « Cette technique a permis à l’EHT d’atteindre une sensibilité et une résolution spatiale (20 microsecondes d’arc) jamais obtenues auparavant », dévoilent les astrophysiciens.

 

 

« Quatre pétabits de données ont été enregistrées »

 

Une idée de la précision de l’EHT ? Elle est telle qu’il permettrait de lire depuis Paris un journal situé à New York !

 

« Le trou noir a été observé par l’EHT les 5, 6, 10 et 11 avril 2017. Environ quatre pétabits de données ont alors été enregistrées, avant d’être traitées par des supercalculateurs dédiés à Bonn en Allemagne et à Haystack  aux États-Unis », précisent les chercheurs.

 

 

L’algorithme nommé Chirp (en Anglais, Continuous high-resolution image reconstruction using patch priors) a permis de combiner les données collectées. Le tout pour reconstituer puis interpréter l’image du trou noir supermassif (cf encadré 1).

 

 

Avec Noema, l’Iram permettra à l’EHT d’augmenter encore la qualité des images

 

L'Iram est le seul institut qui, depuis l’Europe, a participé à la campagne de 2017 à l’origine de cette image (cf encadré 2). Et il entend bien s'inscrire durablement dans l’aventure, non sans sortir un nouvel atout de sa manche.

 

En effet, depuis la fin de l’année 2018, Noema (pour “Northern extended millimeter array”), le deuxième observatoire de l’Iram situé sur le plateau du pic de Bure dans le massif du Dévoluy dans les Alpes françaises, a rejoint le réseau EHT.

 

Observatoire Noema sur le plateau de Bure. © Iram

L'observatoire Noema sur le plateau de Bure. © Iram

Et pour cause, ses dix antennes extrêmement sensibles en font le télescope le plus puissant du réseau dans l’hémisphère nord. De surcroît, deux nouvelles antennes les rejoindront d’ici deux ans. « Avec Noema, l’Iram permettra à l’EHT d’augmenter encore sa sensibilité et la qualité des images que le réseau fournira dans les prochaines années », affirment ainsi les experts en radio astronomie de l’Institut grenoblois.

 

 

Véronique Magnin

 

 

* L’Iram a été fondé en 1979 par le centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’association allemande Max-Planck-Gesellschaft (MPG).

 

** En sus du télescope de l’Iram, le réseau EHT comprend sept autres radiotélescopes. Notamment l'Alma et l'Apex situés dans le désert d’Atacama au nord du Chili. Mais aussi, le James Clerk Maxwell Telescope et le Submillimeter Array dans l’état d’Hawaï aux États-Unis. Ou encore, le Large Millimeter Telescope Alfonso Serrano au Mexique et le Submillimeter Telescope dans l’état d’Arizona aux États-Unis. Enfin, le South Pole Telescope situé dans l’Antarctique.

 

 

Comment lire la toute première image d'un trou noir ?

 

« C’est l’ombre du trou noir, qui se détache sur un fond brillant »

 

Que voit-on sur cette image ? Une structure en forme d’anneau avec une région centrale circulaire et obscure. Les chercheurs interprètent cette dernière comme « l’ombre du trou noir, qui se détache sur un fond brillant ». Ne cachant pas leur admiration, « c'est exactement ce que prédit la relativité générale d’Einstein », soulignent-ils.

 

Sa masse est 6,5 milliards de fois supérieure à celle de notre Soleil

 

Les astrophysiciens exultent. « Cette ombre, combinaison de déviations gravitationnelles de la lumière, regorge d’informations sur la nature de ces objets fascinants ».

 

Première image de l’ombre d’un trou noir : le trou noir supermassif du centre de la galaxie M87, observé par le réseau EHT. © Collaboration EHT

Première image de l’ombre d’un trou noir : le trou noir supermassif du centre de la galaxie M87, observé par le réseau EHT. © Collaboration EHT

 

Une chose est sure, elle a permis aux chercheurs de mesurer l’énorme masse de l’astre énigmatique. Résultat des courses ? Le trou noir supermassif de la galaxie M87 possède une masse 6,5 milliards de fois supérieure à celle du Soleil. Et sa largeur atteint 20 milliards de kilomètres, soit à peine deux fois notre système solaire.

 

Autour, « un plasma chaud de gaz »

 

Quant au halo orange sur l'image, il correspond à la matière surchauffée autour du trou noir,« un plasma chaud de gaz », décrivent les scientifiques. Et  d’expliquer que « sa lumière est déviée et renforcée par le trou noir qui agit comme une lentille ».

 

Quid de l’asymétrie entre la partie brillante dans le bas de l’anneau et celle moins brillante en haut ? Il s'agit  « d'une signature très claire de la déformation de l’image engendrée par la présence du trou noir ». De plus, se félicitent-ils, « elle correspond exactement à ce que les simulations numériques avaient prédit ».

 

Les partenaires de l'Iram lors de la campagne d'observation 2017

 

Outre l’Iram, douze instituts partenaires composent le consortium EHT : l'Academia Sinica Institute of Astronomy and Astrophysics, l'université d'Arizona, l'université de Chicago, l’East Asian Observatory, le Goethe-Universität de Francfort, le Large Millimeter Telescope, le Max Planck Institute for Radio Astronomy, le Massachusetts Institute of Technology (MIT). Mais aussi : Haystack Observatory, le National Astronomical Observatory du Japon, le Perimeter Institute for Theoretical Physics, Radboud University et le Smithsonian Astrophysical Observatory.

 

Quatorze millions d’euros d’aides européennes

 

« Des institutions de recherche ainsi que des financements européens ont joué un rôle décisif dans ce projet mondial, à travers la participation de télescopes européens de premier rang et le soutien du Conseil européen de la recherche (CER) au projet BlackHoleCam, doté de 14 millions d’euros d’aides européennes », indique le communiqué.

 

En plus de l’Iram, la France a contribué également à l’EHT avec l’observatoire Alma, au Chili, auquel elle participe en tant que membre de l'Observatoire européen austral (ESO).

 

Véronique Magnin

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