FOCUS – Les militants du Dal 38 ont procédé à « l’ouverture » des anciens bureaux du Crédit agricole, avenue Marcelin-Berthelot à Grenoble. Objectif de cette occupation, initialement « symbolique » ? Maintenir la pression sur la préfecture de l’Isère, mais aussi sur la Ville de Grenoble et la Métro, en matière d’hébergement et d’expulsions. Après une rencontre avec un membre du cabinet du maire, la municipalité aurait porté plainte contre le collectif.
Pas question pour le Dal 38 de relâcher la pression. Le mardi 9 avril, soit plus d’une semaine après une fin de trêve hivernale dans la douleur, les militants isérois de Droit au logement ont « ouvert » un local vide appartenant à la Ville de Grenoble. Le bâtiment en question ? Les anciens locaux du Crédit agricole sur l’avenue Marcelin-Berthelot. Un espace en attente de travaux avant d’accueillir le CCAS grenoblois.
Comment les défenseurs des mal-logés ou sans-abris ont-ils ouvert les portes de ces bureaux déserts ? Nous n’aurons pas la réponse, quand bien même la militante Roseline Vachetta refuse d’employer le terme « effraction ». Sur place, pas de traces de dégradations. Et des affichettes disposées à l’entrée demandent déjà aux occupants de ne pas fumer, de ne pas cuisiner dans les locaux, ou encore de ne pas laisser leurs enfants accéder seuls aux étages.
Mettre la pression sur l’État et les collectivités
Si des matelas ont été disposés à l’intérieur du local, le Dal a indiqué dès le départ que l’occupation n’avait pas vocation à s’éterniser. « C’est une occupation symbolique pour mettre la pression, montrer que nous sommes là et qu’il y a des bâtiments vides », explique Julien, membre du collectif. Le Dal entend ainsi établir un « rapport de forces », autant avec la préfecture de l’Isère que la Ville de Grenoble et Grenoble-Alpes Métropole.
Les griefs contre la préfecture n’ont pas changé. Le Dal reproche aux services de l’État d’avoir procédé à des évacuations de centres d’hébergement hivernaux dès la fin de la trêve hivernale, le 1er avril, et cela sans proposer des solutions de relogement aux personnes concernées. « C’est s’asseoir sur le droit opposable au logement ! », fustige Julien du Dal. Et la baisse des températures nocturnes n’a pas infléchi la position de la préfecture à l’égard de personnes remises à la rue.
Quid de la Ville de Grenoble ? Le Dal l’interpelle en tant que propriétaire du bâtiment occupé, mais aussi au titre de ses représentations au sein des conseils d’administration de plusieurs bailleurs sociaux*. Enfin, les militants expliquent attendre de la Métro la promotion d’un arrêté anti-expulsions pour toutes les communes de son territoire. « Ce serait une manière pour ces communes de se positionner sur cette question », considère encore Julien.
Visite d’un membre du cabinet d’Éric Piolle
Si les rapports sont compliqués avec la préfecture, le Dal insiste sur les responsabilités de toutes les collectivités. Et le soutien affiché du maire de Grenoble, qui a indiqué dans un communiqué s’opposer aux remises à la rue, ne lui suffit pas. « On tient à signaler au maire qu’il y a des choses qu’il pourrait faire et ne fait pas », explique le militant. Par exemple ? Adopter un arrêté anti-expulsions, mais aussi des arrêtés de réquisition pour les bâtiments vides.
Des demandes que le collectif a pu formuler auprès de David Laumet, membre du cabinet du maire de Grenoble et conseiller sur les questions liées au social. Venu rencontrer les militants, cet “ancien” d’Althea et du Relais Ozanam est à l’écoute, et essaye de défendre l’action de la municipalité. « Cette année, est-ce que des structures appartenant à la Ville ont mis des gens dehors ? Aucune. Il y a des moments où ce n’était pas le cas ! », rappelle-t-il.
« Une ville qui s’affiche comme ville d’accueil pour les migrants, ça n’arrive pas tout le temps. La question des squats, des migrations, c’est quelque chose qui ne fait pas consensus politique », souligne encore David Laumet. Opiniâtre et souriant, le membre du cabinet du maire n’a pas forcément convaincu les membres du Dal. Mais les a fait sourire en s’écriant : « Je trouve que la Ville fait quand même de sacrés petits pas ! »
Une plainte de la Ville de Grenoble contre le Dal ?
Une chose est certaine, David Laumet joue la carte de la proximité avec le Dal. « Comptez sur moi pour ne jamais invalider l’action des associations ! », lance-t-il aux militants. Changement de ton quelques heures plus tard ? Un membre de Droit au logement affirme avoir appris que le maire de Grenoble allait finalement porter plainte contre le collectif. Une annonce qui serait “tombée” à 18 h 30. Soit quatre heures après la visite du représentant du cabinet.
Une information que de la Ville n’a pas (encore) confirmée ou infirmée. Mais qui pourrait se traduire, si avérée, par une évacuation des anciens locaux du Crédit agricole. Les forces de l’ordre ne pourront en effet procéder à une expulsion que si le propriétaire du local leur donne le feu vert, comme l’a reconnu David Laumet devant les militants. Toujours selon le Dal, une entrevue serait programmée entre le maire de Grenoble et la préfecture de l’Isère le mercredi 10 avril au matin.
Cela n’empêche pas le collectif de prendre ses marques. Après une assemblée générale constituée d’une quarantaine de personnes, le bâtiment est désormais ouvert à l’accueil, avec présence permanente de membres du Dal. Parmi les personnes accueillies, Les anciens occupants du centre Pablo-Picasso d’Échirolles, mais aussi d’autres sans-abris. À l’origine symbolique, l’occupation est-elle en train de se transformer en squat durable ?
Florent Mathieu
* Le maire de Grenoble Éric Piolle est ainsi président d’Actis, tandis que la conseillère municipale déléguée à la Politique de la ville Maryvonne Boileau préside Grenoble Habitat.