EN BREF – Le maire de Saint-Just-de-Claix jette l’éponge : après un long bras-de-fer avec
Lactalis, Joël O’Baton annonce signer l’autorisation de construction d’une station d’épuration près de la fromagerie l’Étoile du Vercors, propriété du groupe laitier. Une décision prise à contre cœur, par « épuisement » et pour faire cesser les rejets quotidiens des eaux usées de l’usine dans la rivière Isère.
« Je dis stop ! » En trois mots, le maire de la commune de Saint-Just-de-Claix Joël O’Baton met fin à un long bras-de-fer avec le groupe Lactalis, autour de la fromagerie l’Étoile du Vercors et, surtout, sur fond de pollution de l’Isère. Rachetée en 2011 par le groupe laitier, l’Étoile du Vercors déverse en effet ses effluents, autrement dit ses déchets, dans la rivière depuis plusieurs années. Une situation déjà dénoncée par la Frapna… en 2014.
Motif de la discorde ? Le groupe Lactalis voulait obtenir de la commune de Saint-Just-de-Claix un permis de construire pour une station d’épuration sur son site. Refus du maire : la construction d’un telle station déroge au Plan d’occupation des sols, ainsi qu’à l’interdiction de construire sur une terre agricole, qui plus est à proximité d’une nappe phréatique. De plus, des travaux ont été réalisés pour permettre à la fromagerie d’être directement raccordée au réseau public d’assainissement. Un réseau qui, rétorque Lactalis, ne serait techniquement pas adapté à ses besoins industriels.
Des « pressions » de la préfecture et du groupe agroalimentaire
Joël O’Baton n’était pas tout seul dans son combat. Saint-Marcellin Vercors Communauté a ainsi porté plainte contre le groupe agroalimentaire en février 2018. Le tribunal administratif de Grenoble avait de son côté, dès 2017, reconnu le droit à l’édile de refuser le permis de construire réclamé par Lactalis. Quid de l’État ? Interpellée par la députée Élodie Jacquier-Laforge, la secrétaire d’État Brune Poirson délivrait une réponse qui, pour sa part, semblait pencher du côté de Lactalis.
Dans l’espoir de trouver une issue à la situation, le conseil municipal de Saint-Just-de-Claix avait annoncé son intention d’organiser une consultation publique le 30 avril, afin de connaître la position des habitants de la commune. Fin de non-recevoir de la préfecture : « Le préfet de l’Isère vient de nous signifier que notre consultation serait illégale et nous invite à l’abandonner sous menace de nous traduire devant le tribunal administratif », écrit le maire.
La goutte d’eau qui fait déborder le vase. Joël O’Baton renonce, sans cacher son dégoût. Le maire se dit « complètement épuisé » et « découragé et montré du doigt pour avoir défendu les intérêts de nos contribuables ». Et c’est « face aux pressions » qu’il annonce signer le fameux permis de construire. Des pressions ? De la préfecture, d’une part, et d’un « chantage » à l’emploi de Lactalis de l’autre.
500 000 euros d’amende requis contre Lactalis
Pour autant, le maire de Saint-Just-de-Claix n’en démord pas : « Nous n’avons fait qu’appliquer la Loi, défendant l’intérêt des deniers publics », écrit-il. Et l’élu de dénoncer sans ambages « les pratiques de l’actionnaire Lactalis et de ses dirigeants qui imposent leurs volontés sans se soucier du bien commun ». « J’aurais dû comprendre dès le départ que les dés étaient pipés », écrit encore le maire.
Lactalis n’est pas pour autant sorti d’affaire. En novembre 2018, le procureur adjoint de la République Laurent Becuywe a en effet requis pas moins de 500 000 euros d’amende contre le groupe devant le tribunal correctionnel de Grenoble. La décision de Joël O’Baton est indépendante de cette action en justice, et n’annule pas les années de pollution dénoncées par le procureur. La décision du tribunal est attendue, sauf nouveau report, pour le 8 avril 2019.