FOCUS – Le Musée des troupes de montagne au fort de la Bastille consacre une exposition à « Albert Roche, un héros oublié » jusqu’au 30 avril 2019. L’exposition retrace les exploits de ce poilu de la première guerre mondiale, tombé dans l’oubli bien que désigné « premier soldat de France » par le généralissime Foch.
Une année après le centenaire de la première guerre mondiale, le Musée des troupes de montagne de Grenoble honore un poilu, à travers une exposition qui dure jusqu’au 30 avril 2019 : « Albert Roche : un héros oublié ».
« Mais qui est exactement Albert Roche pour que nous lui consacrions une exposition ? », a fait mine d’interroger le général Pierre-Joseph Givre, commandant de la 27e brigade d’infanterie de montagne, lors de l’inauguration, le 22 février dernier. « C’est un chasseur du 27e Bataillon de chasseurs alpins, issu de nos rangs. Nous avons à faire à un véritable héros, un homme exemplaire dont les hauts-faits méritent d’être portés à la connaissance du plus grand nombre. »
Humble, toujours volontaire, courageux
« Son histoire est porteuse de sens et d’espoir pour chacun », a souligné le général. Car « rien au départ ne prédestin[ait] Albert Roche à devenir un héros. » Ses premières expériences dans l’armée en 1914 sont décevantes. Initialement rejeté par le conseil de révision, jugé « trop chétif », il tente sa chance au 30e Bataillon de chasseurs et échoue.
C’est finalement au 27e Bataillon de chasseurs alpins (BCA) qu’il réussit à faire ses preuves. « Il y sauve son capitaine blessé en le ramenant dans les lignes amies. Il se retrouve six heures sous le feu ennemi à tirer son capitaine. Il s’endort, épuisé, dans un trou de guetteurs, où il est réveillé par une patrouille qui le prend pour un déserteur. Alors qu’il doit être fusillé sous vingt-quatre heures, son capitaine sort miraculeusement du coma et vient le disculper », relate Pierre-Joseph Givre. Un exploit parmi bien d’autres.
Blessé neuf fois, Albert Roche a fait, à lui seul, 1 180 prisonniers allemands pendant la première guerre mondiale. Il est le soldat le plus décoré de France, officier de la Légion d’honneur. « Humble, toujours volontaire, courageux », ainsi le décrit le général Givre.
C’était aussi un homme « frêle, supportant difficilement l’autorité et la discipline. Finalement comme pas mal de jeunes aujourd’hui, rien de nouveau… Lui, il n’a pas fait Saint-Cyr, ni Polytechnique ou l’Ena. C’est un paysan. Et pourtant, les circonstances de la guerre ont révélé un homme exceptionnel, admirable. »
Malgré le grand nombre de prisonniers qu’il a faits, « il n’a jamais haï l’Allemand. Il a fait la guerre, il a fait son devoir et il l’a fait avec modestie et courage », tient à préciser la commandant Aude Piernas, conservatrice du musée, qui a également loué les exploits et qualités du « premier soldat de France ».
« Il ne faut jamais se fier aux apparences »
« La guerre est inhumaine par nature, mais elle a aussi permis de révéler des qualités humaines extraordinaires chez un homme que rien, en vertu des normes de l’époque, ne prédestinait à un tel destin », souligne Pierre-Joseph Givre. « Si nous devions finalement ne retenir qu’une chose de cet homme au destin hors norme, c’est qu’il ne faut jamais se fier aux apparences ni aux préjugés. »
Et de poursuivre : « En tout homme, il y a des qualités parfois enfouies que seules les circonstances permettent de révéler. Et nous, militaires, pour ce qui concerne nos jeunes soldats – et ce que je dis là est également valable pour les autres institutions civiles en charge de la jeunesse – nous avons le devoir de faire émerger ces qualités qui sont en tout homme, toute femme. »
« Une exposition chargée d’émotions »
Pour la commandant Aude Piernas, il s’agit d”« une exposition extraordinaire, surtout très rétrospective et chargée d’émotions ». Son atout majeur : le prêt exceptionnel des objets personnels d’Albert Roche, grâce aux interventions du 27e BCA et de Mme Soupre, maire de Réauville, ville natale d’Albert Roche. Parmi les objets émouvants, un porte-cigare transpercé par un projectile, qui aurait sauvé la vie du héros.
« L’ensemble de ces objets d’Albert Roche ont été rescapés du bombardement qui a eu lieu sur l’appartement des Roche pendant la seconde guerre mondiale », signale Aude Piernas. Contrairement à d’autres objets, comme le porte-cigarettes en argent offert par Clémenceau qui n’a pas survécu au bombardement.
Fauché par une voiture en 1939
Ce sont avant tout les différents objets qui font la richesse de l’exposition : reconstitution de la tenue que portait Albert Roche, sa boussole personnelle, les diplômes de la Légion d’honneur, des photos du fond de la famille Roche et… un certificat médical.
Ce certificat atteste de la “triste fin” réservée au héros, « fauché par une voiture » en avril 1939. Le lendemain de sa mort, « tous les journaux en parlent ». Mais dans les faits, il n’y a pas eu de deuil national.
Pourquoi ? Une petite-fille d’Albert Roche aurait rapporté une anecdote au colonel Louis-Marie Vallançon, chef de corps du 27e Bataillon des chasseurs alpins, lors d’une cérémonie fin 2018. Il est possible qu’un membre de la famille présidentielle de l’époque ait conduit la voiture, ce qui expliquerait l’absence de deuil national.
Quoi qu’il en soit, à travers l’exposition au Musée des troupes de montage, hommage est rendu au premier soldat de France.