REPORTAGE – Environ 1 500 personnes se sont retrouvées pour participer à la manifestation féministe du vendredi 8 mars à Grenoble. Une marche sous le signe de la Journée internationale des Droits des femmes, pour défendre le droit et l’accès à l’IVG, dénoncer les violences et les disparités salariales. Et, plus généralement, pourfendre le « patriarcat » et dire son ras-le-bol des stéréotypes comme des discriminations.
« Cathos fachos machos, vous nous cassez le clito », « Ta main sur mon cul, ma main dans ta gueule », « Papa en avant, trois pas en arrière, c’est la politique du gouvernement » ou encore « Police complice, elles portent plainte, elles meurent quand même »… Les slogans scandés par les participant(e)s de la manifestation féministe du vendredi 8 mars à Grenoble portaient des revendications souvent diverses, mais toujours empreintes de la même urgence.
À l’occasion de la Journée internationale des Droits des femmes, environ 1 500 personnes se sont ainsi retrouvées pour défiler depuis l’Hôpital couple-enfant de La Tronche jusqu’à la Caserne de Bonne. Dans la foule, des militant(e)s du PCF, de Solidaires, de la France insoumise ou de la CNT… ainsi que des Gilets jaunes. Et si les drapeaux et banderoles étaient bien présents, le cortège offrait surtout à voir une collection de pancartes “artisanales” aux aphorismes énergiques et souvent créatifs.
De grands sujets d’inquiétude et de préoccupations
Parmi les grandes préoccupations exprimées durant la manifestation : le droit et l’accès libre et gratuit à l’IVG. Tout un symbole : l’arrêt de tramway de La Tronche a été renommé Annie Ferrey-Martin, médecin grenoblois arrêtée en 1973 pour avoir pratiqué des avortements. Une figure locale de la lutte pour le droit des femmes, dont l’arrestation avait provoqué une grande manifestation dans les rues de Grenoble. Et qui “bénéficia” d’un non-lieu deux ans plus tard.
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Les violences physiques et sexuelles demeurent elles aussi, naturellement, dans toutes les pensées. La manifestation s’est ainsi faite cortège, le temps d’une minute de silence au poing levé, en mémoire de toutes les victimes des violences conjugales. En France, selon les derniers chiffres, une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Une tendance qui serait même à la hausse en ce début d’année 2019.
Quant au sujet des disparités salariales, il demeure brûlant. Non seulement à poste égal, mais également selon les professions. « Les métiers comme le médicosocial, l’aide à l’enfance, ce sont beaucoup de femmes qui les exercent, et elles n’ont pas de salaire suffisant pour en vivre dignement ! », explique Margot de l’association Nous toutes. Les féministes exigent donc des revalorisations salariales de ces filières.
Stéréotypes et discriminations
Quel sens donner à la Journée des Droits des femmes, après plusieurs décennies d’existence ? « En 2019, on est encore obligées d’avoir une journée pour revendiquer les droits des femmes », déplore la conseillère régionale insoumise Émilie Marche. Et celle-ci de dénoncer des stéréotypes comme des discriminations qui ont la dent dure. Jusque dans les exercices scolaires, où les directeurs sont toujours des hommes et les secrétaires… toujours des femmes.
Et en tant qu’élue ? « Quand on est femme et jeune, on a la double peine ! Ça m’est arrivé en commission qu’on m’appelle “la petite jeune”. Et le souci c’est qu’ils ne se rendent même pas compte que c’est sexiste », souligne encore Émilie Marche. La conseillère régionale appelle de ses vœux un « vrai service public » dédié à l’éducation des garçons comme des filles, pour en finir avec les clichés, ou les voies professionnelles réservées à un genre plutôt qu’un autre.
Le besoin d’éducation se sent également dans les regards souvent amusés, moqueurs mais aussi gênés des jeunes gens qui croisent la manifestation. « Tant qu’on aura des jeunes que cela va déranger, on aura un travail à faire ! » commente Antonietta, membre du service d’ordre. Pour elle, le 8 mars est aussi l’occasion d’occuper l’espace public. Et de revendiquer la liberté d’y circuler comme bon lui semble.
« Par définition, c’est une lutte des femmes »
Mais les besoins d’éducation ne sont pas réservés qu’aux jeunes… Esclandre dans le défilé : un homme d’un certain âge n’apprécie pas d’être “évincé” d’une « zone de non-mixité ». Et celui qui était venu manifester pour le droit des femmes s’est mis à traiter de « connes » et de « folles » plusieurs membres du service d’ordre. La manifestation, tout en dénonçant le patriarcat et la phallocratie, n’avait pourtant rien d’un défilé farouchement « anti-mecs ».
Les organisatrices avaient toutefois prévenu : les banderoles de tête comme le service d’ordre seraient féminins. Un service d’ordre interdit aux hommes ? « Souvent, ce sont des hommes qui s’approprient la notion d’ordre. On veut montrer que nous sommes aussi fortes et que nous pouvons le faire ! », explique Margot. Marion renchérit : « On a besoin du soutien des hommes. Mais par définition, c’est une lutte des femmes qui ne doit pas être accaparée. »