FOCUS – La Ville de Grenoble présente la deuxième édition de la Biennale des Villes en transition, programmée du 9 au 16 mars. Un temps de rencontres, d’échanges, de conférences, de spectacles et autres animations autour de questions sociales et environnementales. L’occasion pour la Ville de faire valoir sa candidature pour le titre de Capitale verte de l’Europe en 2022. Voire son action en vue des municipales de 2020 ?
Avec sa deuxième édition de la Biennale des villes en transition, Grenoble veut afficher « un temps d’avance ». C’est du moins ce que proclament les visuels de l’événement, programmé du 9 au 16 mars 2019. Huit jours de rencontres, d’échanges et de conférences organisés sur le territoire grenoblois, mobilisant de nombreux intervenants et partenaires. En 2017, l’événement avait attiré 5 000 visiteurs sur quatre jours.

Présentation de la Biennale des villes en transition 2019, en présence du maire de Grenoble Éric Piolle, de l’adjointe Lucille Lheureux, ou encore du président de la Métro Christophe Ferrari et du président du SMTC Yann Mongaburu. © Florent Mathieu – Place Gre’net
Et pour cette année 2019, la Biennale s’entoure de parrains prestigieux. À commencer par Doussou Keita, comédienne et demandeuse d’asile à Grenoble, au cœur du documentaire Lignes de partage de Thierry Mennessier. Ou Pablo Servigne, chercheur et auteur français indépendant, membre de l’association Adrastia. Sans oublier deux noms bien connus du grand public : celui de la chanteuse Emily Loizeau et du réalisateur de Demain et d’Après-demain Cyril Dion.
La transition dans la bienveillance
Objectif de la Biennale des villes en transition ? Inviter chacun à se mobiliser pour les enjeux sociétaux et environnementaux de demain. Le tout autour du champ lexical de la bienveillance, manié par le maire de Grenoble Éric Piolle qui vante le « changement joyeux », autant que par son adjointe Lucille Lheureux qui appelle à « chérir le vivant ». Pour mieux heurter les convictions de ceux qui nient l’impact humain sur le réchauffement climatique… ou de ceux qui s’y résignent ?

Eric Piolle aux côtés de la comédienne grenobloise Doussou Keita, demandeuse d’asile marraine de la Biennale. © Florent Mathieu – Place Gre’net
« À tous les climatosceptiques, mais aussi à ceux qui pensent que c’est trop tard, nous disons que le changement peut être agréable », lance ainsi le maire de Grenoble. Pas question pour Éric Piolle de tomber dans le “climatopessimisme” : « Au lieu de rester là, comme un lapin dans les phares d’une voiture, il faut se dire que l’on peut y arriver, que nous pouvons relever ce défi ensemble », confie-t-il.
Autre « cliché » auquel le maire veut tordre le cou : l’idée que les questions de transition seraient réservées à une élite. « Je crois que le territoire grenoblois montre au quotidien que ce n’est qu’un préjugé », juge l’édile en se revendiquant d’une politique de « justice sociale ». Et celui-ci de souligner le dynamisme des Grenoblois dans ce domaine, en rappelant non sans fierté les « records de participation » de la ville à l’occasion des marches pour le climat.
La candidature au titre de Capitale verte 2022 dans les esprits
La Biennale des villes en transition, une manière de regrouper les nombreuses initiatives propres au territoire ? « Ce sont des événements qui auraient pu exister sans la Biennale, mais que la Biennale va fédérer », confirme Lucille Lheureux. Modes de déplacement doux, nouvelle approche de l’énergie, démocratie participative, monnaie locale ou autonomie alimentaire… Autant de thèmes dynamiques à Grenoble qui figurent, parmi d’autres, au programme du rendez-vous.

En 2017, l’Ancien musée de peinture était l’épicentre de la Biennale des villes en transition. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Un programme qui se veut également ludique, avec la participation du Big Ukulélé Syndicate, l’organisation d’un Escape Game « Enchante ta ville », ainsi que des spectacles, des visites ou des journées gastronomie. Les sujets n’en sont pas moins (très) sérieux, lorsque des conférences ou des tables rondes posent la question de la qualité de l’air, des agricultures de demain, des migrations ou de la pérennité des services publics.
C’est encore dans le cadre de la Biennale que sera lancé officiellement le e‑cairn, soit la version dématérialisée de la monnaie locale grenobloise. Et si les associations ont toute leur place dans l’événement, la Ville n’oublie pas de signaler ses propres réalisations. À travers une visite de l’école Simone-Lagrange… ou en appelant à soutenir la candidature de Grenoble au titre de Capitale verte de l’Europe 2022.
L’opposition municipale s’agace
De quoi, au demeurant, agacer Matthieu Chamussy. Qui voit avant tout dans la Biennale des villes en transition « une vitrine [et] une mise en avant du projet politique de la municipalité pour 100 000 euros ». Le conseiller municipal d’opposition de Grenoble se base sur les chiffres diffusés pour la précédente édition, mentionnant 100 000 euros à charge de la Ville. Quid du budget pour cette édition 2019 ? Dans une note de synthèse présentée le 4 février, la municipalité renouvelle cet objectif : « Ne pas dépasser 100 000 euros de budget à la charge de la Ville de Grenoble ».
Du côté du groupe d’opposition Rassemblement de gauche et de progrès, Marie-José Salat n’est guère plus tendre. « L’événement est intéressant. En tant qu’élue, je me dis que c’est très bien, mais on ne sait pas du tout ce que cela coûtera, ni quelles seront les retombées auprès des Grenoblois », juge-t-elle. Et de prévenir : « Il ne faut pas que cela reste uniquement un coup médiatique, mais que cela puisse accompagner des changements de comportements ! »
L’élue d’opposition n’apprécie en tout cas guère d’avoir été tenue à l’écart de l’événement, dont elle a appris le lancement en même temps que tout le monde. « Nous aurions pu avoir en commission un point d’information, mais nous n’avons eu aucune présentation, aucune valorisation », déplore Marie-José Salat. À ses yeux, la question des transitions est pourtant « transversale » par nature. « Je trouve dommage que l’on en fasse encore une fois un sujet politicien », conclut-elle.
Florent Mathieu
UNE “BATTLE” D’ÉLOQUENCE POUR FABRIQUER DU LIEN
Parmi les rendez-vous organisés dans le cadre de la Biennale des villes en transition, le Théâtre municipal de Grenoble accueillera une « Battle d’éloquence » le mardi 12 mars. Intitulée « Paroles de citoyens », la soirée proposera un affrontement entre jeunes… à travers l’art oratoire. Un rendez-vous en partenariat avec Eloquentia, News FM et l’incontournable Serge Papagalli.
Plutôt qu’une nouvelle bataille d’Hernani, le Théâtre municipal de Grenoble accueille le 12 mars une Battle d’éloquence. © Chloé Ponset – Place Gre’net
Pourquoi un tel rendez-vous ? « L’art de manier la parole est un outil d’émancipation et d’affirmation citoyenne car la maîtrise de la parole est un marqueur social fort », répond la Ville de Grenoble. Et pour mieux préparer les jeunes participants, la municipalité a organisé plusieurs “master classes” en janvier et février 2019.
« Penser la ville de demain »
Objectif : « Par l’éloquence, on donne la parole à celles et ceux qui, hier, n’avaient pas droit au chapitre et étaient tenus à distance du forum », explique encore la Ville. Au-delà de la compétition, la Battle d’éloquence est perçue comme une manière de « donner sa place à chacun » autant que de « stimuler l’innovation ».
Eric, formateur durant les master classes pour la Battle d’éloquence. © Florent Mathieu – Place Gre’net
Éric, formateur en “master class”, confirme : « L’enjeu, c’est comment faire en sorte qu’un gamin arrive à mettre en musique ou en mots son talent, et entre en dialogue avec un autre ». Et de voir la soirée du 12 mars comme l’occasion de fabriquer des liens nouveaux et, in fine, de « penser la ville de demain ».