TROIS QUESTIONS À – Le Hip-hop Don’t Stop festival a débuté le 7 février et se poursuit jusqu’au 16. Pour sa troisième édition, le festival de danse prend de l’ampleur dans l’agglomération grenobloise. L’événement, piloté par l’Heure Bleue et la compagnie Citadanse, accueille cette année de grands noms de la culture hip-hop. Au-delà des spectacles, Hachemi Manaa, le danseur et chorégraphe de la compagnie Citadanse et codirecteur du festival, met en place des actions pour la jeunesse toute l’année.
Place Gre’net : Comment avez-vous sélectionné les spectacles du festival et quels sont les temps forts à venir ?
Hachemi Manaa : En fait, dans ce festival, on retrace l’histoire de cette danse. C’est une danse de rue qui est partie d’un mouvement social pour arriver dans la classe artistique. Donc dans la programmation, on retrouve pas mal de propositions bien différentes pour rendre compte de la richesse et de la diversité de cette culture.
Pour le spectacle Emoovoir, par exemple, les mardi 12 et mercredi 13 février, ce qui nous a interpellés c’est ce mélange d’un danseur hip-hop avec un chanteur de pop. Un mélange assez improbable ! Il y a aussi No man’s land, le 14 février : un mélange de danse hip-hop et contemporaine. Trois danseurs vont se battre pour un territoire et ça m’a fait penser à ce qui se passe aujourd’hui en Syrie, Turquie, Israël et Palestine, au mur de Donald Trump…
Samedi, le battle que nous organisons sera le temps fort du festival. C’est la base du hip-hop dans les block-party. C’est une soirée populaire. Ça peut avoir l’image d’un truc de jeunot avec des gamins qui tournent sur la tête, mais pas du tout. C’est un vrai show avec de grands noms dans le jury et les DJs. D’ailleurs, le battle explose toutes les soirées en nombre de spectateurs !
Et enfin, il y a le projet Repaire(s)/Repère(s), très novateur. J’ai sélectionné quatorze jeunes de toute l’agglomération et ils ont fait une résidence avec Hamid Ben Mahi durant dix jours pour créer quelque chose. Ils ont fait toutes les premières parties avec un spectacle qui parle de la révolte du monde ouvrier, inspirée du mouvement des gilets jaunes. Ces jeunes sont l’avenir. Ils sont aussi importants pour nous que les têtes d’affiches.
Place Gre’net : Quel bilan tirez-vous de cette troisième édition à mi-chemin du festival ?
Hachemi Manaa : On est contents ! Les salles sont quasiment toutes remplies, il y a un réel engouement pour le festival. C’est à la hauteur de ce à quoi on s’attendait. Le département nous soutient, on est passés de deux à six partenaires par rapport à l’année dernière… Et on a une scène régionale. On a donc les moyens de mettre en place des choses.
On a pas mal de financeurs et de très bons retours des partenaires. Plus de 1 500 spectateurs sont venus depuis le début du festival. On en attend encore 1 500. C’est un festival métropolitain. De plus en plus de lieux nous accueillent et d’autres salles sont intéressées. Certains danseurs viennent de Berlin, du Japon, du Maroc…
Et puis, la présence de Bouba Landrille Tchouda, Kader Attou, Mourad Merzouki, Hamid Ben Mahi et Nono Battesti est un honneur. C’est le top 5 français des chorégraphes hip-hop. Avoir autant de grands noms et de propositions au niveau artistique, il n’y a pas de festival hip-hop équivalent. C’est un carton, cette année !
Place Gre’net : Quelle place occupe le hip-hop dans l’agglomération grenobloise ? Et quelle est l’histoire particulière de cette culture dans la ville de Saint-Martin‑d’Hères ?
Hachemi Manaa : Dans cette ville, il y a toujours eu une grosse culture hip-hop. Ça a commencé au milieu des années 80, avec des gens comme Bouba Landrille Tchouda, qui est d’ailleurs le parrain du festival. À l’origine, cette culture a démarré dans le quartier Mistral, mais très vite elle s’est déplacée à Saint-Martin‑d’Hères.
Moi qui ai vu l’évolution de cette culture, je sais que dans cette ville il y a toujours eu un truc, un dynamisme. Il y a toujours eu beaucoup de danseurs et un passage de relais. D’ailleurs, on continue et une centaine de jeunes prennent des cours chaque semaine, rien que sur cette commune. Pour nous, c’est aussi important de suivre et former ces nouveaux talents que de faire des spectacles.
Et l’histoire continue, puisque la Ville porte le festival. Elle le porte juridiquement, et avec l’Heure Bleue [qui appartient à la Ville, ndlr], nous codirigeons le festival à 50/50. Vincent Villenave, ancien directeur artistique de la salle, est venu me chercher pour créer ce festival en 2017. Sans lui, rien n’aurait été possible.
Le maire David Queiros nous a aussi toujours soutenus et est venu faire un discours pour le lancement du festival. C’est un maire jeune et je crois que cette culture lui parle, qu’il a vu cette génération danser. Le hip-hop pèse dans la balance au niveau associatif et culturel de Saint-Martin‑d’Hères ! Au fil des années, on voit qu’on entre dans la culture populaire et que le hip-hop est reconnu comme un art.
Élisa Montagnat