REPORTAGE VIDÉO – Jérôme Safar, coprésident du groupe Rassemblement de gauche et de progrès, a officiellement démissionné de son mandat lors du conseil municipal de ce lundi 4 février. Une décision de l’ex-adjoint de Michel Destot « murement réfléchie » qui intervient au terme de dix-huit ans de mandats municipaux successifs. Et alors que l’élu avait décidé, en octobre 2017, de faire une croix sur sa carrière politique.
« Je vais intervenir une dernière fois devant vous, ou plus exactement parmi vous, à l’occasion d’un conseil municipal où, comme un symbole, des délibérations portant sur la culture […] ont été votées. » C’est ainsi que Jérôme Safar, coprésident du groupe d’opposition Rassemblement de gauche et de progrès, a introduit sa dernière intervention devant ses collègues du conseil municipal de Grenoble, ce lundi 4 février.
C’est non sans émotion que l’ancien premier adjoint de Michel Destot et candidat aux municipales de 2014 a ainsi rendu son tablier après 18 années de mandats successifs.
Une décision « personnelle et mûrement réfléchie »
Cette décision qualifiée de « personnelle et mûrement réfléchie » n’est pas vraiment une surprise. Jérôme Safar avait déjà pris ses distances avec le Parti socialiste (PS) dont il était militant depuis 1986. Il avait ensuite décidé de faire une croix sur sa carrière politique courant octobre 2017.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? Sa déception née des divisions, voire des déchirements au sein du PS lors des régionales de 2015, puis de l’élection présidentielle de 2017. Actuellement directeur de cabinet de Jean-Paul Bret, le maire de Villeurbanne, Jérôme Safar veut se consacrer à « une nouvelle étape de sa vie ».
Nous l’avons rencontré en amont de son dernier discours. Il nous fait part de son émotion et de ce qui l’a particulièrement marqué au cours de ces dix-huit années d’engagement politique.
« Nous avions encore les moyens d’engager l’argent public en commun »
C’est donc à l’issue du conseil municipal que Jérôme Safar a fait ses adieux à l’ensemble de ses collègues au cours d’un discours de dix minutes. Une intervention « un peu hors cadre », après une vague de délibérations touchant à la culture. Une forme de clin d’œil pour l’ancien adjoint à la culture de Michel Destot qui se souvient d’avoir occupé « la plus belle des délégations ». Sans pour autant vouloir s’en glorifier ni faire un bilan de ses actions dans ce domaine.
L’occasion pour lui de reconnaître les difficultés de l’actuelle municipalité liées à la baisse des dotations de l’État. « Nous avions encore les moyens d’engager l’argent public en commun, État, Région, Département et Ville. Même s’il fallait déjà être attentif, la tâche était plus simple, ne l’oublions jamais ! », relativise-t-il.
Puis l’élu revient sur sa décision. Jérôme Safar explique vouloir prendre plus de temps pour se consacrer aussi « à ceux qui lui sont chers ». Tout en constatant que son éloignement professionnel depuis deux ans « rend plus complexe la permanence et la vigueur de son engagement ».
Un engagement qui lui aura valu d’occuper presque toutes les fonctions politiques au sein de la Ville de Grenoble. Dont celles de chef de cabinet de 1995 à 1998 puis d’adjoint au maire de 2001 à 2014… avant qu’il ne redevienne simple conseiller municipal. De quoi le rendre fier du travail accompli. Tout particulièrement « au sein d’équipes qui ont changé cette ville et l’ont tirée d’une situation que certains [ont oubliée] ».
« Les petits cochons chers à certains adorent ce torrent de boue incessant »
Le contexte sociétal et politique actuel inquiète Jérôme Safar. Ce dernier évoque « [la] crise majeure de la représentation démocratique » que traverse le pays. « La démocratie, les valeurs de la République, la laïcité sont pour moi les points cardinaux de mon parcours », appuie-t-il. En la matière, l’engagement des élus locaux est primordial, selon lui.
« Ce dernier rempart d’une démocratie de proximité qui trouve encore du sens et un écho auprès de nos concitoyens est indispensable. » Un bien d’autant plus précieux qu’il faut, estime Jérôme Safar, « le défendre sans relâche ». Surtout quand les médias et les réseaux sociaux accélèrent tout à une vitesse folle, empêchant ainsi, selon lui, l’analyse ou la prise de recul.
« Cela demande du temps et la nécessité de savoir organiser “la controverse” avec bienveillance. Ce n’est pas chose aisée quand tout va vite, se bouscule et se précipite… » Une équation complexe sur laquelle Jérôme Safar invite les politiques à se pencher sérieusement.
L’occasion d’une allusion non voilée au discours d’Éric Piolle lors de ses vœux à la presse. « Les petits cochons chers à certains adorent ce torrent de boue incessant. Les victimes sont toujours les mêmes : la démocratie et les plus faibles », s’indigne-t-il.
À propos de Matthieu Chamussy : « Nous pensions que tout nous opposait »
Parvenu à ce point de son discours, Jérôme Safar se lance dans une salve de remerciements. En premier, à Éric Piolle. « Au-delà des désaccords, vous savez le respect immense que j’ai de la fonction […] », lui adresse-t-il respectueusement. Vont suivre ses « amies chères » que sont Marie-José Salat et Anouche Agobian. Mais aussi « le discret et précieux » Patrice Voir. Plus surprenant, puisqu’il furent adversaires lors des élections municipales, l’éloge adressé à… Matthieu Chamussy.
« Nous pensions que tout nous opposait et n’avions pas vu que sur l’essentiel nous étions capables de nous comprendre », reconnaît-il. Ce non sans rappeler qu’ils ne se sont pas toujours épargnés. L’opportunité d’une « pique amicale » à Matthieu Chamussy.
« Avec lui, au moins, nous avons le seul orateur de droite capable de s’attaquer un jour au record du grand Fidel Castro pour l’intervention la plus longue ! », tacle-t-il avec malice, Matthieu Chamussy, étant connu pour ses longs discours.
« La sincérité à la fois du militant et de l’homme politique »
Jérôme Safar l’assure, « l’engagement public [ne le] quittera sans doute jamais ». Pour autant, concède-t-il, « aucun d’entre nous n’est irremplaçable. Nous tous sommes indispensables au fonctionnement de la cité ». Avant de conclure. « Je trouve que c’est une belle pensée de pouvoir se dire que nous faisons partie de ces hommes et femmes pour lesquels l’engagement est un accomplissement. »
A suivi l’intervention (enrouée) de Matthieu Chamussy, qui estimait avec humour « avoir contracté un droit de réponse ». Une intervention touchante rappelant des moments partagés avec l’élu lors de voyages en Israël et à Auschwitz, mais aussi leur attachement commun à La République et à l’Europe, deux enjeux du débat public. Une intervention qu’il a achevée en lui souhaitant beaucoup de bonheur.
Quant à Éric Piolle, il a salué « la cohérence et la sincérité à la fois du militant et de l’homme politique » rencontré pour la première fois en 2010 dans le cabinet de Jean-Jack Queyranne.
« Vous avez œuvré à Grenoble pour que la Ville reste fidèle à ses valeurs essentielles que nous portons à notre tour », a estimé le maire de Grenoble. Pour lui, c’est une page de l’histoire politique de la Ville qui se tourne. « Peut-être que nous nous recroiserons. En tout cas, merci au nom de l’institution pour ces dix-huit années d’engagement au sein de ce conseil municipal », a conclu le maire.
Joël Kermabon