FOCUS – Cinq parlementaires LREM de l’Isère veulent « créer, susciter du débat » dans le cadre du Grand débat national. Ils invitent ainsi les métropolitains à venir échanger au cours de réunions publiques s’étalant du 1er au 22 février. L’idée ? Rassembler pour débattre autour des quatre thèmes proposés par Emmanuel Macron. Le tout dans une « position d’écoute », assurent les parlementaires.
Les députés LREM Émilie Chalas, Jean-Charles Colas-Roy, Catherine Kamowski, Olivier Véran et le sénateur Didier Rambaud montent au front dans le cadre du Grand débat national organisé par le gouvernement.
Ces cinq élus proposent ainsi aux métropolitains d’échanger autour de quatre thèmes proposés par Emmanuel Macron : démocratie et citoyenneté, protection sociale et accès aux soins, organisation de l’État et des services publics, sans oublier la transition écologique. À cet effet, quatre réunions publiques vont se dérouler du 1er au 22 février en différents points de l’agglomération. Quatre agoras et une gageure de taille pour nos cinq députés qui, tous, espèrent en l’occurrence « être le moins politiques possible ». L’avenir le dira.
« Se mettre dans une position d’écoute et créer des opportunités de débats »
« Nous avons décidé de répondre à l’appel d’Emmanuel Macron pour créer, susciter du débat », explique Émilie Chalas, députée de la 3e circonscription. La première à présenter, ce vendredi 25 janvier, l’initiative des parlementaires.
« Ce ne sera pas forcément au cours d’une grand-messe où nous dirions chacun ce que nous pensons, précise-t-elle. [Ce sera] plutôt pour se mettre dans une position d’écoute et créer des opportunités de débats qui rassemblent des citoyens ».
C’est justement Émilie Chalas qui ouvrira le bal le 1er février à 18 heures, à l’Ancien musée de peinture, place de Verdun. Le thème de la soirée ? Démocratie et citoyenneté. Un domaine dans lequel l’élue se sent un peu comme un poisson dans l’eau puisqu’elle porte la mission “participation locale” à la Commission des lois de l’Assemblée nationale.
« On ouvrira le débat sur la participation nationale aussi, avec évidemment la question du référendum d’initiative citoyenne (Ric) », promet la députée.
« En cas de fake news, nous rétablirons la vérité si ça doit être le cas »
Le format de cette première réunion ? « Ni moi ni mes collaborateurs allons gérer le débat. Ce sera un animateur extérieur », s’empresse de souligner l’élue. Avant d’ajouter : « Bien évidemment, si on nous pose des questions, cela ne nous empêchera pas de répondre ». Par ailleurs, Émilie Chalas est déterminée à ne pas se laisser faire. « En cas de fake news, nous rétablirons la vérité. Mais il faut que les gens puissent s’exprimer directement. »
Une expression directe qu’Émilie Chalas semble appeler de ses vœux. « Pour ce qui me concerne, je n’ai pas eu beaucoup d’interactions avec les gilets jaunes, n’ayant eu qu’un seul rendez-vous avec l’un d’entre eux. Les autres n’ayant pas donné suite à mes propositions », regrette la députée.
Sans surprise, Olivier Véran en charge de la 1re circonscription va investir les thèmes de la protection sociale et de l’accès aux soins. Cette réunion publique aura lieu le lundi 11 février de 19 heures à 21 heures à la salle polyvalente de La Pallud* située à La Tronche.
« Les sujets choisis, ça va sous surprendre, ne font pas partie des quatre grands thèmes sélectionnés pour le Grand débat », prévient le député. Qu’à cela ne tienne. « On s’achemine vers près de 30 ou 40 % des messages dans les cahiers des collectivités en lien avec la protection sociale et la santé. On ne peut pas éviter ces sujets-là », affirme Olivier Véran.
De grands témoins pour répondre aux questions techniques
« Tout comme Émilie Chalas, j’ai préféré ne pas assurer moi-même l’animation. En ma qualité de parlementaire, je ne veux pas être au premier plan car cela risque de changer la donne », estime l’élu. C’est donc, là aussi, un animateur qui va gérer les prises de parole. « Quelqu’un qui ne sera pas un politique ou qui soit connu pour être politisé », assure Olivier Véran. Sans oublier, cerise sur le gâteau, la présence de grands témoins capables de répondre à des questions techniques. Notamment Monique Sorrentino, la nouvelle directrice générale du CHU Grenoble Alpes.
« L’idée ce n’est pas de réunir des gens dans le mode : “votre député vous invite à débattre”. C’est : “votre député participe à l’organisation de ce grand débat” », expose l’élu. Qui poursuit : « Il est légitime pour le faire. Ce n’est pas un dialogue direct entre les citoyens et le député », tient à poser Olivier Véran.
En d’autres termes, il s’agit d’éviter que ces réunions tournent à l’exutoire. Ce qui est souvent le cas ces derniers temps lorsqu’un député, notamment de la majorité, est mis en avant, souligne l’élu. Toujours est-il que l’intérêt des citoyens pour le Grand débat prend de l’ampleur, observe Olivier Véran. « Les choses bougent dans le bon sens, il n’y a plus qu’à… », se réjouit-il.
« Les gens ne connaissent pas, voire mésestiment l’organisation étatique »
Catherine Kamowski étant absente, c’est d’un téléphone posé sur la table que nous entendrons sa voix depuis Strasbourg. La députée de la 5e circonscription suit en effet la réunion depuis le Conseil de l’Europe dont elle est membre. « L’ancienne maire et vice-présidente de la Métro que je suis s’est attribué l’organisation de la réunion sur l’État et les collectivités territoriales », rappelle-t-elle.
Un débat qui doit se dérouler le jeudi 21 février de 19 à 21 heures dans le cadre de la salle Visancourt, à Saint-Égrève. À la base de sa démarche, un constat. « Il ressort des cahiers de participation que les gens ne connaissent pas, voire mésestiment l’organisation étatique », rapporte l’élue.
Dans un premier temps, « nous ferons très vite le point sur ces différentes strates », indique la députée. Ensuite, un travail par petits groupes devrait permettre « de produire efficacement le plus de choses possibles ». Comme ses collègues, Catherine Kamowskil n’animera pas le débat. « Il y aura un animateur. Je vais voir avec l’Association des maires de l’Isère (Ami) si son président peut venir », détaille-t-elle.
L’élue compte bien, elle aussi, désamorcer toute contre-vérité qui pourrait surgir à propos des collectivités. « Ne serait-ce que pour que le débat puisse se construire sainement. […] Il faut que nous ressortions de ce débat avec plus de clarté, peut-être moins de propositions, mais plus construites », espère l’élue.
Un débat pas uniquement destiné aux gilets jaunes
Redescendons vers le sud de l’agglomération, à Eybens. Là, Jean-Charles Colas-Roy, député de la 2e circonscription, va participer à la réunion sur la transition écologique. Pour l’occasion, c’est l’espace culturel de l’Odyssée qui sera mis à contribution le 22 février, toujours de 19 à 21 heures.
« Ce n’est pas un débat que pour les gilets jaunes. C’est un débat pour les citoyens, y compris les gilets jaunes », commence par expliquer l’élu. Pour Jean-Charles Colas-Roy, c’est très clair : « il faut que l’ensemble des citoyens puissent se parler, échanger. » Et de justifier sa position. « Parfois, en discutant, les gilets jaunes se rendent compte que leur avis n’est pas partagé par tous. »
L’élu souhaite, comme ses collègues, recourir à un médiateur pour animer les débats et inviter des maires et des élus de sa circonscription, mais aussi des experts de la thématique abordée. Le tout « en leur demandant de ne pas faire d’interventions techniques trop longues ».
Jean-Charles Colas-Roy tient en effet à se prémunir contre l’effet de l’expert qui, d’autorité, explique un sujet aux citoyens. « C’est bien qu’il y ait un dialogue et que chacun se fasse une idée à l’issue des échanges », préconise-t-il. Et pour ceux qui sont moins à l’aise à l’oral, le député a sa petite idée. « Nous pourrons organiser des remontées de contributions écrites pour tous ceux qui ne se sentent pas de prendre la parole ».
« Il est très important de faire comme tout le monde et d’apporter nos contributions »
Des débats, certes mais quelles suites en attendre ? « Ça n’a aucun sens si nous ne faisons rien de ce qui est dit pendant ces réunions », appuie Émilie Chalas. Et donc ? Ces quatre réunions seront inscrites sur la plateforme du Grand débat. Ce au même titre que toutes celles organisées par les maires, associations ou citoyens.
« Ensuite, il y aura des comptes-rendus de ces réunions qui seront édités par l’animateur, l’un des députés ou un garant », poursuit l’élue.
Pourquoi ? « Pour que les choses soient objectivées et le plus neutres possibles », rétorque Émilie Chalas, convaincue qu’il faut vraiment jouer le jeu.
« Il est très important de faire comme tout le monde et d’amener nos contributions, comme le feraient d’autres », insiste-t-elle. Et de conclure. « Nous profitons de notre notoriété de députés pour mobiliser les gens. Mais l’essentiel c’est d’apporter leurs contributions et d’écouter ce qu’ils ont à nous dire. »
Joël Kermabon
* Le lieu indiqué pourrait être modifié en fonction du nombre de personnes intéressées. Mieux vaut se renseigner avant de rejoindre la réunion, nous ont conseillé les organisateurs.
« La colère c’est quand on ne veut pas vous entendre, sauf pour les casseurs ! »
On le sait, c’est sur un terrain passablement miné qu’évoluent les cinq parlementaires. Il y a parfois eu, depuis le 17 novembre, des débordements violents à leur endroit tout comme envers des journalistes. Les élus LREM ne sont pas en odeur de sainteté auprès des gilets jaunes et suscitent de vives réactions chez certains d’entre eux. Dès lors, ce Grand débat est-il susceptible d’atténuer cette violence ?
« Je crois que l’élément essentiel dans la montée de cette violence c’est qu’il y a beaucoup plus de gens qui veulent parler, se faire entendre, que de casseurs », estime Émilie Chalas. Qui poursuit. « L’expression de la colère c’est quand on ne veut pas vous entendre, sauf pour les casseurs ! », martèle-t-elle.
La députée n’écarte toutefois pas la possibilité que certains d’entre eux ne viennent troubler les débats. « Ils viendront peut-être secouer les réunions. Nous verrons… En tout cas, ils secouent les samedis, pas partout, et je crois que tout ça, au bout d’un moment, va s’éteindre aussi », veut-elle croire.
« À titre individuel, je n’ai reçu aucun mot, public ou privé, de soutien. Aucun ! »
Olivier Véran pourfend quant à lui les extrêmes, notamment à gauche. « Il y a, de leur part, des velléités de légitimer la violence sociale en réponse à une autre violence sociale », décode l’élu. « On a agressé des journalistes, ils sont allés très loin contre des députés. Et l’épisode de l’Arc de triomphe a créé beaucoup d’émoi dans l’esprit du public », énumère-t-il. Après deux mois de rounds d’observation, « avec le Grand débat, ils ont l’occasion de s’exprimer. Et l’on voit bien que ça s’est apaisé », constate l’élu.
Pour autant, Émilie Chalas en a gros sur le cœur. Elle n’a guère digéré certains épisodes du mois de décembre. Notamment l’obligation d’annuler une réunion publique après avoir reçu des menaces. « Je reste très choquée que mes collègues élus de la République aient aussi peu condamné, en local, ces violences envers nous », déplore-t-elle.
« À titre individuel, je n’ai reçu aucun mot, public ou privé, de soutien, aucun ! Et moi, ça, ça m’inquiète », s’indigne Émilie Chalas. Et d’enfoncer le clou. « Je me suis sentie particulièrement isolée avec cette posture de nos opposants. Des élus, tout comme nous ! Et si ça leur était arrivé ? », questionne-t-elle. « Bien évidemment, nous aurions tous été derrière eux ! », appuie avec conviction la députée.