DÉCRYPTAGE - Riche en vitamines et en goût, la noix de Grenoble est-elle le fruit d’une agriculture respectueuse de l’environnement ? Pas toujours… Alors que le produit phare de la région iséroise vient de fêter les 80 ans de son appellation d’origine protégée, un vent de polémique souffle sur la vallée du Sud Grésivaudan. En cause : la pulvérisation de pesticides toxiques dans les noyeraies et ses impacts sur l'environnement et la santé.
Des vergers sur 7 000 hectares, près de 900 nuciculteurs et environ 14 000 tonnes produites par an. Produit phare incontesté de la production régionale, la noix de Grenoble domine depuis trois siècles la vallée de l’Isère, de la Haute-Savoie jusqu’à la Drôme.
Un produit du terroir à la fois sain et goûteux qui a célébré cette année les 80 ans de son appellation d’origine protégée (AOP).
Pour fêter cet anniversaire, le Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble (CING) a organisé une vaste série d’événements. Objectif ? Faire de la classification AOP « la référence de la noix en France ». Après une tournée festive dans diverses stations de ski l'hiver dernier, les animations se sont poursuivies toute l'année lors de salons et marchés sur Paris et en Rhône-Alpes. Au menu : dégustations, ateliers, jeux, challenges ludiques… mais aussi rencontres avec les consommateurs et campagnes de relations presse.
Entre enjeux économiques… et problèmes environnementaux
En plein essor sur le marché mondial460 % de la production AOP sont destinés à l’exportation vers différents pays d’Europe, dont l’Italie, l’Allemagne, la Suisse ou encore l’Espagne., la filière nucicole se doit aujourd’hui de faire face à la demande grandissante des consommateurs… sans renoncer à la qualité de ses produits. Mais avec quelles conséquences pour l’environnement ?
« Dans la vallée du Sud Grésivaudan, et plus précisément dans le canton entre Tullins, Vinay et Saint-Marcellin, la culture de la noix devient presque une monoculture. Ce qui engendre une perte de biodiversité énorme », observe Pierre Feugier, président de l’association Grésivaudan Sud Écologie.
Un problème qui, rappelle-t-il, ne date pas d’hier. « Une forte mortalité d’abeilles a été observée dans cette zone entre 2009 et 2011 […] Et, depuis trois ou quatre ans, on constate qu’il y a moins d’oiseaux localement » (cf. encadré).
La cause, selon Pierre Feugier ? L’épandage d’insecticides néonicotinoïdes dans les vergers. « Ces produits neurotoxiques contiennent des molécules extrêmement dangereuses pour la faune des vergers. »
De récentes études scientifiques ont en effet montré qu'en plus de réduire la population d’abeilles les néonicotinoïdes ont fait diminuer celles de certaines espèces d’oiseaux. « Les oiseaux sont directement impactés par les pesticides, soit à travers l’alimentation, soit par une perte de fécondité, précise le président de Grésivaudan Sud Écologie. C’est pourquoi ils se reproduisent moins. »
55 000 tonnes de produits phytosanitaires utilisées par an en France
« Les noyers sont des arbres très hauts et donc, lors de la vaporisation, les insecticides se répandent partout dans l’atmosphère autour. Seuls 10 à 15 % du produit sont réellement efficaces », soutient Pierre Feugier.
Exposés aux effets de l’épandage de substances chimiques à proximité des habitations, des riverains du Sud Grésivaudan ont à leur tour tiré la sonnette d’alarme. « Plus de 55 000 tonnes de produits phytosanitaires sont utilisées chaque année en France », s’indigne Sylvia Vieuguet, à la tête de la récente association Noix Nature Santé, basée à Vinay.
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