FOCUS — Baptisée « Nos mémoires vivent », la nouvelle exposition de la Bibliothèque d’étude et du patrimoine de Grenoble confronte des photographies issues de sa collection patrimoniale avec le travail de deux artistes contemporains. Une réflexion sur l’évolution des techniques, des modes narratifs… et du lien entre les mémoires.
Confronter le patrimoine photographique de l’Isère avec un regard artistique moderne, tel est le parti-pris de la nouvelle exposition temporaire de la Bibliothèque d’étude et du patrimoine de Grenoble, baptisée « Nos mémoires vivent ». Un travail mettant en valeur un fond photographique remarquable et le travail de deux photographes isérois contemporains, Stéphanie Nelson et Alexis Bérar, à découvrir jusqu’au 30 mars 2019.
Le point de départ ? Les 25 000 plaques de verre constituant un pan de la collection de la Bibliothèque d’étude et du patrimoine, et autant de témoignages photographiques de la région grenobloise vers la fin du XIXe siècle. Une collection précieuse issue de la Société dauphinoise des photographes amateurs, un groupe de passionnés particulièrement dynamique… et motivé, au regard des conditions techniques et du poids des matériels de l’époque.
Des correspondances entre deux époques
Sur ces clichés, les paysages de montagne dominent naturellement l’ensemble, mais ne sont pas les seuls sujets abordés par la Société. « C’est une collecte avec des sujets extrêmement variés. La thématique alpine dauphinoise et alpine ressort, mais également des photos de voyage, d’architecture et même des portraits », note le commissaire de l’exposition Olivier Tomasini. Sur les murs, s’affichent en effet des scènes de la vie quotidienne, une partie de pêche en famille ou des couples d’une autre époque.
Ces photographies viennent se mélanger au travail des deux artistes contemporains, dans une volonté de répondre à ce patrimoine, voire de l’interpréter avec les outils et la vision de la photographie moderne. « Les photographes ont pu choisir des panels qui correspondent à leur travail et réaliser ces correspondances », décrit encore le commissaire. Une manière, juge-t-il, de parler de l’évolution de la photographie en tant que genre artistique, décrié à sa création et aujourd’hui totalement accepté dans le champ de la création.
La montagne et l’intime
La démarche a séduit Stéphanie Nelson. « Ce qui m’intéresse, c’est le rapport à la mémoire, au souvenir. Et là, j’avais tout sur un plateau », explique la photographe. Qui a pris le parti de mêler portraits d’antan et aujourd’hui, en allant puiser dans son propre patrimoine. « J’ai mis des photos très personnelles, pour être sincère vis-à-vis des photographies exposées là », résume-t-elle. Mais Stéphanie Nelson s’est aussi penchée sur des méthodes de surimpression pour la moins surréaliste… et aquatique.
Alexis Bérar évoque, de son côté, sa passion pour la moyenne montagne en tant que sujet photographique. Autant dire que son travail est entré en résonance avec le fonds photographique de la Bibliothèque. La “confrontation” est bien présente, opposant des clichés aux couleurs exacerbées face au noir et blanc d’antan. Ou allant puiser dans les reflets argentés des écailles de poissons – décidément ! – une réminiscence des roches de montagnes.
Des parallèles et des interprétations qui démontrent – une nécessité dans un lieu dédié au patrimoine – que la mémoire n’a pas vocation à oblitérer le présent. Une manière somme toute logique de conclure un cycle dans un lieu appelé à changer. « Nos mémoires vivent » est en effet la dernière exposition à se tenir dans cette partie de la Bibliothèque d’étude et du patrimoine, avant que des travaux prévus pour 2019 ne lui accordent un nouvel espace d’expression.