EN BREF – Le rapport de la commission d’enquête sur le volet environnemental du projet de réaménagement de l’A480 et du Rondeau fait bondir la Ville de Grenoble. Sur ses conclusions, favorables sans réserves, mais aussi sur la teneur de certains propos qui, selon elle, reprennent les arguments des climato-sceptiques. Le maire de Grenoble en appelle au préfet et au ministre.
Le rapport de la commission d’enquête sur le volet environnemental du projet d’élargissement-réaménagement de l’A480 et de l’échangeur du Rondeau ne sied guère à la ville de Grenoble. En question notamment, la teneur des propos tenus par les trois commissaires enquêteurs.
Des propos « stupéfiants », juge la Ville de Grenoble dans un communiqué, à la lecture des réponses de la commission aux questions de citoyens consignées dans le rapport, et notamment en page 77. « Les propos de la commission d’enquête concernant le rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (Giec) ou la mise en demeure de la Commission européenne adressée à la France sur la pollution de l’air reprennent bon nombre d’arguments et de thèses climato-sceptiques », s’offusque la Ville.
« Alors qu’une personne décède tous les trois jours dans le bassin grenoblois, la commission indique que le sujet de la pollution de l’air dans l’agglomération est “inutilement alarmant”*. Elle ne semble pas avoir pris connaissance des cartes “stratégie air” publiées par Air Rhône Alpes, qui démontrent la dégradation significative de la qualité de l’air à proximité des voies rapides de l’agglomération. »
« La commission d’enquête remet en cause la crédibilité du Giec »
Dans ce second rapport, consacré à la protection de la ressource en eau et de la biodiversité, les trois commissaires enquêteurs étaient revenus sur deux points, traités lors de la première enquête publique : les nuisances sonores et la pollution de l’air, générés par le projet porté par Area et l’État.
S’appuyant sur une stabilisation globale du trafic routier entre 2020 et 2030, la commission d’enquête estimait que l’effet serait « globalement neutre ». De quoi faire sortir la Ville de Grenoble de ses gonds.
« Alors que le Giec a publié lundi 8 octobre son rapport sur les impacts d’un réchauffement climatique global de 1,5 °C par rapport à 2 °C, la Commission remet en cause la crédibilité de cette instance, affirme que la Cop 21 est un échec, nie l’importance du rôle de la France dans l’action mondiale à mener sur le climat, nie le rôle premier des territoires dans la lutte contre le dérèglement climatique ! »
Dans son rapport, la commission d’enquête est pour le moins sceptique. « Les conclusions du Giec sont actuellement contredites par un certain nombre de scientifiques. Qui croire alors ?, s’interroge-t-elle. La Cop 21 a démontré son échec, les principales puissances planétaires (États-Unis, Russie, Inde et surtout Chine) n’ayant pas répondu favorablement à l’accord souhaité. »
Et de relativiser : « Il faut également comparer des choses comparables. Le gouvernement a engagé le projet d’aménager 8,5 kilomètres par 2 x 18 m de large, soit 306 km2 (sic)**. Qu’est-ce que 306 km2 par rapport aux 550 000 km2 de la France métropolitaine ? L’impact reste local, et n’a aucune incidence au niveau de notre pays, et encore moins de la planète. »
Eric Piolle en appelle au préfet et au ministre de la Transition écologique
La Commission est-elle sortie de son devoir de neutralité et d’objectivité, comme l’invoque la Ville de Grenoble, qui en appelle au préfet de l’Isère et au ministre de la Transition écologique pour qu’ils réagissent « le plus rapidement possible » ?
Son avis, au terme de la première enquête publique – avis suivi par le préfet et qui avait fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique – n’avait guère enchanté le maire de Grenoble. Ce second avis, sur le volet environnemental, est du même acabit.
« L’amélioration du projet doit absolument se poursuivre, tance la Ville de Grenoble. Les recommandations émises par les instances expertes en la matière, notamment l’autorité environnementale et le Conseil national de protection de la nature n’ont, globalement, pas été suivies par la commission d’enquête. »
Pour l’heure, on ne sait rien de l’abaissement de la vitesse à 70 km/h, un des points phares du protocole d’intention. La question est entre les mains du préfet mais elle ne devrait pas être mise en œuvre avant la fin des travaux… Pas d’assurance formelle non plus du côté des mesures censées pousser au développement du covoiturage, autre point ardemment défendu par les écologistes.
Alors que le second arrêté préfectoral est attendu dans les jours à venir, feu vert au lancement des travaux et… point de départ de potentiels recours en justice, la Ville de Grenoble peine à peser dans le dossier.
« Aujourd’hui, plus des trois quarts du réaménagement de l’axe sont situés sur le territoire communal de la Ville de Grenoble, souligne-t-elle. Celle-ci est prête à participer à des discussions à engager, en présence des porteurs de projets, des associations et instances compétentes, pour parvenir à un projet partagé, amélioré de manière substantielle pour être plus respectueux de son environnement. »
Patricia Cerinsek
* L’extrait du rapport en question : « Au niveau de l’agglomération grenobloise, même si sa pollution suscite des inquiétudes, le bilan fourni par Atmo permet de relativiser ce constat qui se veut inutilement alarmant. »
** En fait, 30,6 hectomètres carrés ou 0,306 kilomètre carré.