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Dr Kpote, ani­ma­teur de pré­ven­tion dans les col­lèges et lycées : « Non, on ne sort pas le kama­su­tra aux gamins ! »

Dr Kpote, ani­ma­teur de pré­ven­tion dans les col­lèges et lycées : « Non, on ne sort pas le kama­su­tra aux gamins ! »

TROIS QUESTIONS À – La biblio­thèque Abbaye-Les-Bains de Grenoble accueille le Dr Kpote mer­credi 10 octobre 2018 à 18 h 30 sur invi­ta­tion du Planning fami­lial de l’Isère. Lequel orga­nise une ren­contre-dédi­cace dis­cus­sion avec cet ani­ma­teur de pré­ven­tion pour les col­lèges et lycées. L’occasion de reve­nir avec lui sur son ouvrage Génération Q, recueil de ses chro­niques parues dans le maga­zine Causette.

Dr Kpote © Christophe Meires

Dr Kpote © Christophe Meires

On ima­gine que les jeunes ont été sacré­ment bous­cu­lés dans leurs cer­ti­tudes par les mou­ve­ments #MeToo et #BalanceTonPorc. Que nenni, nous détrompe le Dr Kpote, qui fré­quente la jeu­nesse de nos col­lèges et lycées. Il y assure le rôle d’animateur de pré­ven­tion dans le champ des drogues et de la vie sexuelle et affective.

« Les jeunes ne sont pas sur les mêmes réseaux sociaux que les adultes », explique-t-il. La lec­ture de ses chro­niques sert à cela, entre autres : réajus­ter notre point de vue d’adulte sur ce que vivent les ado­les­cents à l’heure du numérique.

Cinquante chro­niques sur la sexua­lité, les rela­tions filles-garçons…

Le Dr Kpote inter­vient dans des éta­blis­se­ments sco­laires d’Île de France depuis 2001. Auparavant, son domaine d’action concer­nait plu­tôt la lutte contre le sida. Bref, le sieur doc­teur en connaît un rayon dans le registre de la pré­ven­tion. En écri­vant des chro­niques pour le maga­zine Causette, il a mis des mots sur une pro­fes­sion qui néces­si­te­rait d’être davan­tage valo­ri­sée selon lui.

L’ouvrage Génération Q ras­semble cin­quante chro­niques ayant pour thème la sexua­lité, la por­no­gra­phie, les rela­tions filles-gar­çons, l’al­cool, les drogues, et par­fois même l’a­mour. L’auteur s’y garde bien de juger mais conserve, tout au contraire, humour et empa­thie. Entretien.

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Pourquoi avez-vous res­senti le besoin de publier des chro­niques fon­dées sur votre expé­rience d’animateur de pré­ven­tion dans les col­lèges et lycées ?

Dr Kpote - J’écrivais un blog depuis long­temps déjà. D’abord, ça me per­met­tait de mettre un peu de dis­tance par rap­port à ce que je fai­sais. J’aime bien écrire. Quand on m’a pro­posé cette chro­nique dans Causette, je me suis dit que ça pou­vait être pas mal que les gens aient un autre point de vue sur mon métier. Parce qu’ils sont per­sua­dés qu’on sort le kama­su­tra aux gamins, qu’on leur apprend à se mas­tur­ber, etc. Alors que, sou­vent, les choses les plus trashs viennent d’eux et qu’en fait on tra­vaille sur les sté­réo­types de genre, la manière dont on s’aborde les uns les autres, notre place dans l’espace urbain, dans la société… Et puis, l’air de rien, c’est un bou­lot où on est très seul et les chro­niques per­mettent de valo­ri­ser ce travail.

Vous exer­cez cette pro­fes­sion depuis 2001. Qu’est-ce qui a changé dans la façon dont les ado­les­cents abordent leur vie sexuelle et dans votre approche professionnelle ?

Dr Kpote - D’abord, il y a eu les années de lutte contre le sida. Au début, quand j’ai débuté, on était davan­tage dans une pré­ven­tion hyper hygié­niste basée sur le risque, la capote, les MST [mala­dies sexuel­le­ment trans­mis­sibles, ndlr], la contra­cep­tion… On était resté sur la vague de l’urgence liée à l’épidémie. Mais, fina­le­ment, on oubliait tout le reste. Et le fait de tra­vailler à Causette à un moment donné et d’être en contact avec la sphère fémi­niste m’a amené à tra­vailler beau­coup plus sur les sté­réo­types de genre et sur tout ce qui se joue en amont de la relation.

Génération Q, publié chez La ville brûle

Génération Q, publié chez La ville brûle

La situa­tion a aussi énor­mé­ment évo­lué avec l’apport du numé­rique. Il y a l’accès à la por­no­gra­phie bien sûr, mais pas que. Le par­tage de l’intimité sur les réseaux sociaux fait éga­le­ment beau­coup de dégâts. Je pense que l’apport du numé­rique a enté­riné cet aspect hyper sexua­lisé de la société.

Et, dans un même temps, il y a un vrai retour, entre autres, de la reli­gion. Ce qui fait qu’il y a beau­coup de gamins qui sont tiraillés entre ces deux pôles.

Pour ce qui est des réseaux sociaux, le pro­blème c’est que les adultes les gèrent, eux aussi, très mal. Ils y racontent leur vie et s’y exposent beau­coup. Je pense qu’on a tous été débor­dés par l’arrivée du numé­rique. Ça mérite aujourd’hui une vraie éducation.

C’est le rôle de l’école mais aussi celui des parents. Car, après tout, ce sont eux qui achètent des smart­phones à leurs gamins de plus en plus jeunes, sous cou­vert de pou­voir les pister…

Quelles sont les ques­tions que l’on vous pose le plus fré­quem­ment lorsque vous inter­ve­nez dans les col­lèges et lycées ?

Dr Kpote - C’est hyper large. Il y a quand même tou­jours les mala­dies que l’on peut cho­per pen­dant les rap­ports sexuels. Mais il y a aussi beau­coup de ques­tions au sujet des répu­ta­tions et des choses qui traînent sur les réseaux sociaux, du type : « Pourquoi les filles se font sys­té­ma­ti­que­ment trai­ter de putes ou de salopes dès qu’elles ont des aven­tures et dès qu’elles s’exposent un peu, alors que les mecs, par contre, sont plu­tôt bien consi­dé­rés par rap­port à ça ? »

D’ailleurs, c’est valable aussi pour les adultes. Ne serait-ce que chez les poli­tiques, par exemple. On se sou­vient que, quand Hollande avait une amou­reuse exté­rieure à la famille, tout le monde disait : « Ah, quel beau gosse ! » Et le jour où Rachida Dati était enceinte, tout le monde se deman­dait au contraire qui était le père du gamin… On est tou­jours dans la sus­pi­cion de la salope ou de la pute dès qu’une fille a l’air un peu trop libre. Les ado­les­cents se ques­tionnent beau­coup là-des­sus parce que ça ne bouge pas.

Propos recueillis par Adèle Duminy

Infos pra­tiques

Bibliothèque Abbaye-Les-Bains à Grenoble

Mercredi 10 octobre à 18 h 30

Rencontre-dédi­cace avec le Dr Kpote, ani­ma­teur de pré­ven­tion et auteur d’un recueil de chro­nique, Génération Q, publié chez La ville brûle

QUAND LES SÉANCES D’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ RÉVÈLENT L’INTOLÉRANCE

« Après avoir entendu tout ça, je vais me laver les oreilles à l’eau de javel. » Tel est le genre de phrase que peuvent entendre les inter­ve­nants des séances d’é­du­ca­tion à la sexua­lité. Concrètement, ces séances visent à infor­mer les élèves pour pré­ve­nir les risques d’in­fec­tions sexuel­le­ment trans­mis­sibles (IST), mais aussi de vio­lences sexuelles et de discriminations.

Les trois champs de connaissances et de compétences à l'éducation à la sexualité © Ministère de l'éducation nationale

Les trois champs de connais­sances et de com­pé­tences à l’é­du­ca­tion à la sexua­lité © Ministère de l’Éducation nationale

Les textes offi­ciels imposent cette démarche dans toutes les classes du pri­maire jus­qu’au bac­ca­lau­réat, avec au moins trois séances par an en col­lège et lycée. En réa­lité, cette loi est loin d’être tota­le­ment appli­quée. Cela dépend sur­tout du bon-vou­loir des chefs d’é­ta­blis­se­ment car des moyens tech­niques doivent être mis en œuvre pour libé­rer les élèves et for­mer les enseignants.

Propos homo­phobes et rétrogrades

Dans le cadre de cette mis­sion, les per­son­nels de l’Éducation natio­nale sont confron­tés à des dis­cours par­fois très vio­lents. « Nous enten­dons tous assez régu­liè­re­ment des choses conster­nantes, avec notam­ment des pro­pos ouver­te­ment homo­phobes », témoigne une ensei­gnante d’un lycée de l’agglomération.

« Cela peut être aussi des dis­cours très rétro­grades, par exemple sur les rela­tions sexuelles qui devraient se limi­ter à la pro­créa­tion. Ces paroles sont plu­tôt incar­nées par des lycéennes qui s’a­britent der­rière une pos­ture très into­lé­rante, afin de pas­ser pour des filles ver­tueuses. Alors que, par­fois, on apprend quelque temps plus tard qu’elles ont recours à des inter­rup­tions volon­taires de gros­sesse. »

Toujours selon cette ensei­gnante, ce phé­no­mène se serait accen­tué depuis la mise en place de ces séances en 2013. « Des dis­cours nour­ris par les reli­gions », nous pré­cise-t-elle. « Du fait du cadre laïque, les élèves n’af­fichent pas leur appar­te­nance reli­gieuse face à nous. Il y a donc une cer­taine hypo­cri­sie en jus­ti­fiant cette into­lé­rance par exemple par “une culture où l’ho­mo­sexua­lité n’existe pas”. »

Florian Espalieu

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