DÉCRYPTAGE – En cinq ans, de 2011 à 2016, la situation financière de la Ville de Grenoble ne s’est guère améliorée. C’est ce que pointe le rapport de la chambre régionale des comptes, dans lequel les magistrats financiers soulignent les limites du plan d’économies mis en place en 2016. Pour la majorité municipale, il est trop tôt pour dresser un bilan. Pour les oppositions, il s’agit de tirer les leçons de ce nouveau constat d’échec. Mais au vu des nombreuses critiques de l’opposition à l’égard du nouveau plan d’actions issu de cet audit, la concorde n’est pas pour demain…
Conseil municipal du 24 septembre 2018 consacré au rapport de la chambre régionale des comptes. © Joël Kermabon
La situation financière de la Ville de Grenoble n’est pas glorieuse. On s’en doutait mais le rapport de la chambre régionale des comptes, qui a examiné la gestion de la ville de 2011 à 2016, met cartes sur table. En 2011, Grenoble se distinguait déjà par un niveau d’endettement et une capacité de désendettement élevés. Cinq ans après, pas grand-chose n’a changé.
L’encours de la dette a augmenté d’un peu plus de 3 %. Par habitant, il représentait 1 691 euros en 2011 contre 1 080 euros pour les communes comparables, soit un montant supérieur de 57 %. En 2016, le stock d’emprunts et de dettes était encore de 1 708 euros par habitant contre 1 175 euros pour les villes de la même strate (+ 45 %). Bref, la situation financière de la commune, « déjà fragile avant la baisse des dotations de l’État en 2014, l’est toujours », fait remarquer la CRC.
Les mesures mises en place – conférence de déploiement en 2009 sous le mandat du socialiste Michel Destot* et plan de sobriété puis plan d’économies sous l’écologiste Eric Piolle – n’y ont rien fait. Du moins pour l’instant.
Trop tôt pour tirer le bilan du plan d’économies rétorque la majorité municipale
Trop tôt, répond en substance la municipalité, pour qui les effets de son plan d’austérité mis en place en 2016 – visant de 12,8 à 14 millions d’euros d’économies d’ici 2019 moyennant des coupes sombres dans la lecture publique, la santé scolaire ou le budget du CCAS – n’a pas encore eu les effets escomptés. Si ce n’est de se traduire – avec la fermeture de bibliothèques – par « le conflit le plus long des trois dernières mandatures », soulignait Guy Tuscher, ex-colistier d’Eric Piolle (Ensemble à gauche), lors de la séance du conseil municipal consacré lundi 24 septembre au rapport de la CRC.
Conseil municipal du 24 septembre 2018 consacré notamment au rapport de la chambre régionale des comptes sur la Ville de Grenoble. Ici, Maud Tavel. © Joël Kermabon
« La période auditée ne prend pas en compte les différentes actions entreprises en 2017 et 2018, par exemple la refonte du régime indemnitaire et du système d’astreintes qui a permis de mettre fin aux irrégularités soulevées par la chambre », soulignait l’adjointe à l’administration générale et au personnel Maud Tavel.
Une fragilité financière récurrente
Ça ira donc mieux demain ? Les élus veulent y croire mais à la lumière du seul plan d’économies, la chambre en doute. Pour les magistrats, une part non négligeable du redressement attendu du « plan de sauvegarde des services publics » est dû à une augmentation des recettes, notamment fiscales.
Qui plus est, « la transformation en métropole, au 1er janvier 2015, de la communauté d’agglomération à laquelle elle [la Ville de Grenoble, ndlr] appartenait, a engendré des transferts de charges de l’ordre de 13 millions d’euros, selon des modalités de calcul qui, à court terme, participent à l’amélioration apparente de la situation financière de la commune, dont la fragilité financière est récurrente », soulignent-ils.
Et, même si le pire semble derrière, la CRC ne voit aucun signaux de redressement net à l’horizon. « La capacité de désendettement de la commune se détériore en 2017 : 11,2 années contre 10,5 années en 2016 », épingle-t-elle. Comprendre qu’il faudra plus de onze ans à la Ville de Grenoble pour rembourser sa dette si l’intégralité de son auto-financement y est consacré.
Entre neuf et douze ans, les magistrats considèrent la situation comme alarmante. Au-delà de douze ans comme critique. C’est ce seuil qu’avait atteint la Ville de Grenoble en 2014, justifiant selon elle le plan d’économies. En 2015, elle l’avait même dépassé, atteignant 14,2 années. Avant de redescendre à 10,5 ans puis manifestement d’entamer une nouvelle remontée.
Les signaux restent donc à l’orange. Mais lors du conseil municipal, la majorité municipale se décernait presque un satisfecit à la lecture de sa synthèse, et donc sa version, du rapport des magistrats financiers. En y voyant d’abord une opportunité pour apprendre à mieux gérer l’argent public. Tout en votant dans la foulée son adhésion à… Transparency International.
Dans un an, comme lui impose la loi, elle devra d’ailleurs faire un premier bilan de ses actions, entre transformation de l’administration de la Ville de Grenoble et nouvelle étape dans la lente et tardive construction métropolitaine. « C’est du Tartuffe moderne ! fustigeait Guy Tuscher. La synthèse qui a été présentée, c’est pour moi, une jolie histoire, le rapport de la CRC est tout autre ! »
Retour en images sur les temps fort de ce conseil municipal animé.
Reportage : Joël Kermabon
Lundi soir, tout le monde ou presque avait sa grille de lecture du rapport de la CRC. Pour le chef de file de l’opposition de droite républicaine Matthieu Chamussy (Réussir Grenoble), elle était d’abord financière. Et guère reluisante.
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