EN BREF – Ce vendredi, le groupe politique Ensemble à Gauche a déposé un référé liberté auprès du tribunal administratif. Ces élus de l’opposition réagissent à la décision de la Ville de Grenoble de leur refuser une question orale lors du prochain conseil municipal, lundi 24 septembre. Une question hors des clous, plaide la Ville. À moins qu’elle ne dérange tout particulièrement le maire de Grenoble ?
Ce lundi 24 septembre, le menu du conseil municipal sera copieux, avec notamment la présentation du rapport de la chambre régionale des comptes portant sur la gestion de la Ville de Grenoble de 2011 à 2016. Il a été annoncé aux conseillers municipaux que les débats devraient au moins durer quatre bonnes heures, étant donné l’épaisseur du rapport et les diverses irrégularités qu’il pointe…
Le groupe Ensemble à Gauche annonce qu’il prendra toute sa part aux discussions. Mais il en faudra davantage à ces deux dissidents de la majorité pour satisfaire leur soif d’expression…
En guise de préambule à ce copieux dossier, les colistiers entendent en effet soumettre une question orale au maire de Grenoble. Pourront-ils seulement prendre la parole ?
Le suspense demeure entier… Pour la première fois, ils viennent en effet de se voir refuser une question orale. Cette dernière a été préalablement examinée, comme à l’accoutumé, par les services… et rejetée.
Prétexte invoqué par la Ville ? La question « ne [relèverait] pas de la compétence du conseil municipal, telle que formulée ». Argument qui ne tient pas la route, fustige Guy Tuscher, l’un des deux protagonistes d’Ensemble à gauche. Ces derniers saisissent donc la justice.
« Ils pensaient que nous n’allions pas réagir »
« La question orale que nous avons à poser est gênante ! », lance Guy Tuscher. Mais ils n’ont pas le droit de contrôler le contenu des questions orales. Et, en outre, celle-ci a parfaitement trait aux affaires de la Ville ! », pourfend le conseiller municipal d’opposition.
L’entrave à la liberté d’expression était suffisamment flagrante aux yeux des colistiers pour qu’ils saisissent ce vendredi après-midi le juge du tribunal administratif par la voie d’un « référé liberté ».
« Ils nous prennent pour des débutants et pensaient peut-être que nous n’allions par réagir. Nous sommes en effet débutants mais pas nés de la dernière pluie », ironise Guy Tuscher.
Dans quarante-huit heures, référé oblige, le juge rendra sa décision. La Ville et le groupe Ensemble à gauche seront alors fixés sur la conduite à tenir. La décision doit être exécutée immédiatement, à moins que la partie déboutée fasse appel dans un délai de quinze jours devant le Conseil d’État.
Pour les deux conseillers municipaux du groupe Ensemble à Gauche, il ne fait aucun doute que la Ville est en train de commettre une erreur en enfreignant leur liberté d’exercer leur mandat d’élus locaux, « conformément à l’article L 2121 – 19 du Code général des collectivités territoriales et au règlement intérieur (et notamment à l’article 24) de cette assemblée », indiquent-ils dans le référé liberté adressé au tribunal administratif.
Le maire travestit-il une réalité qui dérange… en « rumeur » ?
Bien qu’habitué aux questions dérangeantes d’Ensemble à gauche, Eric Piolle redouterait-il plus particulièrement l’intervention prévue par les opposants ce lundi ? C’est en effet sa parole qui est ici mise en doute. « Le maire de Grenoble a martelé à trois reprises, explicite Guy Tuscher, lors du conseil municipal du 14 mai dernier, que la démolition du 1 place des Saules n’était qu’une rumeur ». Mais il a menti, affirme l’opposant.
Les preuves réunies par Ensemble à gauche sont éloquentes. Il y a notamment ce document prouvant que la démolition de l’immeuble situé au 1 place des Saules n’était pas une rumeur mais bien une hypothèse de travail dans le cadre du projet de renouvellement urbain de la Villeneuve.
D’autre part, de nombreux témoins, habitants du quartier, sont aussi là pour attester que les élus et techniciens envisageaient bel et bien cette éventualité.
« Cette démolition a été présentée, indique ainsi Guy Tuscher, lors d’une réunion publique, par la Métropole et la Ville de Grenoble dans le cadre du projet de renouvellement urbain du quartier La Villeneuve de Grenoble, en 2016 à l’Espace 600 ».
Et preuve que l’hypothèse était sérieuse, les habitants dudit immeuble – des locataires pour une partie d’entre eux, et des propriétaires pour l’autre – ont immédiatement protesté avec force et obtenu une rencontre avec la Ville et la Métropole. Cette mobilisation suivie d’une réunion a suffi pour que les collectivités abandonnent définitivement l’idée de démolir leur immeuble. Enfin, dernière preuve, le maire leur a écrit en faisant référence à cette réunion de travail où avait pu être élaborée une alternative.
Un mensonge pour éviter la comparaison avec le 10 – 20 galerie de l’Arlequin ?
Selon Ensemble à gauche, cette grosse ficèle agitée par le maire serait destinée à faire diversion. Et Guy Tuscher de se faire plus explicite : « Par ce mensonge, le maire ne veut absolument pas qu’on puisse faire la comparaison avec la requête des habitants du 10 – 20 galerie de l’Arlequin qui, eux aussi, n’ont jamais voulu de la démolition de leur immeuble, mais qui ont été ignorés par la Ville et la Métro. »
Ces locataires de la Scic Habitat ont pourtant beaucoup bataillé pour obtenir une rencontre avec les élus et les techniciens, afin d’échanger sur les alternatives à la démolition. Car elles existent, rappelle Ensemble à gauche.
Mais ils n’ont jamais été reçus, contrairement à ceux de la place des Saules.
Hasard ou coïncidence, un conseiller municipal de la majorité habite au 1 place des Saules…
Deux poids, deux mesures face à une mobilisation de citoyens. Une différence de traitement que le maire de Grenoble préférait mettre sous le tapis, quitte à s’arranger avec la réalité ? Autant de questions qui appellent indéniablement des explications de sa part…
Séverine Cattiaux