FOCUS – Très joli moment que celui passé à déambuler dans les espaces du Château de la Veyrie à Bernin, qui accueillent, jusqu’au 28 octobre, l’exposition « Absence, Mémoire d’un lieu vacant, Collection d’art actuel ». L’altération marquée des intérieurs crée un contraste fort avec la modernité des œuvres exposées. D’où cette émotion indéfinissable qui semble prendre à la gorge le spectateur. Visite.
Si vous pensez que le Château de la Veyrie ne vaut que pour le restaurant qui le jouxte, c’est que vous n’avez pas pénétré dans ses intérieurs aussi délabrés qu’envoûtants. Voilà quatre ans que la commune de Bernin, qui a acquis l’édifice en 1995, l’ouvre au public pendant la saison estivale. L’occasion d’y visiter, outre l’édifice lui-même, une exposition artistique renouvelée chaque année.
Réjouissons-nous, l’exposition de cette année, « Absence, Mémoire d’un lieu vacant », est prolongée jusqu’au 28 octobre 2018. Tous les samedis et dimanches, de 14 heures à 19 heures, gratuitement, on pourra ainsi apprécier les œuvres d’art actuel issues de la collection du Berninois Gilles Fourneris, qui assure aussi le commissariat d’exposition.
Des « intérieurs mutilés » comme figés dans le temps
L’exposition qu’abrite le Château de la Veyrie depuis le 26 mai 2018 porte bien son nom : « Absence, Mémoire d’un lieu vacant ». « On a voulu raconter le siècle passé, l’histoire des Keller [la bâtisse appartenait à Charles Albert Keller, pionnier de l’électrométallurgie, ndlr] et donner l’impression que ce lieu avait été quitté récemment et laissé en l’état », explique le collectionneur Gilles Fourneris.
Pour ce faire, les pièces ont été meublées et des bouquets de fleurs en décrépitude semblent y jouer le rôle des vanités d’autrefois (ces natures mortes rappelant notre finitude avec force symboles). Ces « intérieurs mutilés », pour reprendre l’expression du commissaire d’exposition, paraissent figés dans le temps et créent ainsi un contraste tout à fait saisissant avec la contemporanéité des œuvres exposées, datées des années 1960 à nos jours.
L’inquiétante étrangeté suscitée par cette atmosphère anachronique égale largement l’intérêt que l’on voue aux pièces artistiques dispersées dans l’édifice.
Un montage difficile
Il se dégage parfois une forme d’évidence dans le choix des œuvres relativement aux pièces de la bâtisse. Le boudoir accueille des pièces renvoyant à l’intimité féminine, une photographie de latrines orne les… latrines (voir ci-contre), les pièces graphiques semblent faire écho aux faïenceries des salles d’eau…
« Il y a eu beaucoup d’hésitations. Ça a été presque douloureux. Pour les monteurs, ça a été compliqué parce que j’ai différé le placement d’un certain nombre de pièces très longtemps », confie Gilles Fourneris avec franchise et émotion.
L’accueil chaleureux que le public réserve à l’exposition, rétifs à l’art contemporain compris, ravit donc le commissaire d’exposition. Sa collection, qu’il dit modeste en raison du coût relativement bas de ses acquisitions, comporte des pièces réalisées par des artistes aux notoriétés variables. Niki De Saint Phalle ou Ernest Pignon Ernest côtoient de jeunes artistes chers au collectionneur, comme l’artiste plasticienne Mathilde Denize.
Un projet de restauration dans les cartons ?
L’autre finalité de ces expositions estivales, outre celle de donner à voir de l’art actuel au plus grand nombre, est bien sûr de montrer dans quel état de délabrement se trouve le Château de la Veyrie.
La rénovation des extérieurs ne permet pas d’imaginer la vétusté dans laquelle s’abîment les intérieurs. Si la scénographie de l’exposition « Absence » tire astucieusement avantage de cet état pour créer l’émotion, elle souligne aussi la nécessité d’agir pour les instances publiques.
« Une étude a été commanditée par la Ville de Bernin à un cabinet lyonnais en charge de faire des propositions concernant l’aménagement du patrimoine dans un but culturel. Cette année, la Ville va réfléchir aux conclusions en vue de faire émerger des décisions assez vite, avant le passage de flambeaux de 2020 en tout cas », explique, prudent, le collectionneur.
D’autres tutelles seraient-elles envisageables ? « Aujourd’hui, c’est tout à fait prématuré de parler de l’implication de telle ou telle collectivité locale ou de l’État. C’est la volonté évidemment du maire et des autres personnes qui s’occupent du dossier de partir en croisade pour solliciter le département et la région. » Affaire à suivre.
Adèle Duminy
Infos pratiques
Château de la Veyrie, à Bernin
Exposition « Absence, Mémoire d’un lieu vacant »
Jusqu’au 28 octobre 2018
Samedi et dimanche, de 14 à 19 heures
Entrée libre