FIL INFO – Le président directeur général de l’Observatoire sur les discriminations et les territoires interculturels (ODTI) Claude Jacquier reprend la plume. Après s’être adressé au procureur de la République de Grenoble, c’est au préfet de l’Isère qu’il envoie cette année une nouvelle lettre ouverte pour demander une réunion sur les questions de sécurité au sein du quartier Très-Cloîtres de Grenoble.
Après avoir signé une lettre ouverte emplie d’ironie au procureur de la République de Grenoble en août 2017, le président et directeur de l’Observatoire sur les discriminations et les territoires interculturels (ODTI) Claude Jacquier reprend la plume. Cette fois pour interpeller le préfet de l’Isère Lionel Beffre, à travers une (longue) lettre où se retrouve le style, habituel, de l’ex-directeur de recherche du CNRS, soutien d’Éric Piolle en 2014, entre phrases semi-cathédrales et référence impromptues, de Brecht à Lord Mountbatten*, dont une copie a été adressée au président de la République.
L’objet de la missive ? Claude Jacquier demande aux services de la préfecture une réunion sur la sécurisation de l’ODTI et de la place où se trouve les locaux de l’Observatoire, au cœur du quartier Très-Cloîtres de Grenoble. Claude Jacquier avait déjà signalé l’omniprésence des dealeurs dans ce secteur, à deux pas pourtant de l’Hôtel de police. Et avait reçu des menaces de la part de ces revendeurs, ainsi qu’il l’affirmait dans un second courrier diffusé en 2017, quelques jours après le premier.
Intégrer l’ODTI dans les réunions sur la sécurité
« Le temps est venu de faire enfin la clarté sur la capacité des services de l’État […] d’assurer la sécurité des habitant-es du quartier Très-Cloîtres et particulièrement de nos résident-es de l’ODTI », écrit ainsi en préambule Claude Jacquier.
Ce dernier rappelle sa colère face à un rapport d’inspection datant de l’année dernière, dans lequel la préfecture s’interrogeait… sur la capacité de l’ODTI à assurer elle-même la sécurité des personnes qu’elle suit. « Un grand classique de l’action publique à la française et de son administration jacobine », persifle le directeur.
Estimant les membres de l’ODTI « fins connaisseurs » de la réalité du secteur, Claude Jacquier attend donc qu’ils soient associés aux stratégies élaborées par les autorités en matière de sécurité… tout en ajoutant douter que de telles stratégies existent. Ce qui ne l’a pas empêché de demander à plusieurs reprises de participer aux travaux du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Et d’estimer que sa participation au Comité de pilotage du QPV (Quartier prioritaire de la ville) est « à peine tolérée », sinon méprisée.
Très-Cloîtres exclu de CVCM
Ce mépris reflète-t-il celui porté à l’ensemble du quartier et à sa population ? Le directeur de l’ODTI n’en doute pas une seconde. « Ces personnes ne votent pas et personne ne vient faire son marché électoral auprès d’elles ! Les autorités n’en font jamais mention dans leurs bilans et dans leurs campagnes médiatiques, sauf à l’extrême droite et dans la droite extrême », écrit-il ainsi.
Un exemple, selon lui ? L’exclusion du secteur du plan de piétonnisation Cœurs de ville, cœurs de métropole (CVCM), diligenté par la Métro. « Aurait-on voulu stigmatiser ce territoire et le livrer encore plus aux malfaisants qu’on ne s’y serait pas pris autrement ! », peste Claude Jacquier. Qui se demande avec cynisme si le but n’est pas d’encourager la circulation automobile des nombreux clients venant s’approvisionner en stupéfiants.
Des « bricolages » en guise de solution ?
Le directeur de l’ODTI dénonce enfin des propositions préfectorales faisant figure à ses yeux de « bricolages ». « Votre dernière proposition d’embaucher des médiateurs de nuit […] est pour le moins étonnante », affirme-t-il en promettant le pire : « Soit ces médiateurs seront là pour le décor et la bonne conscience des autorités, soit ils essaieront d’être efficaces et la police peut d’ores et déjà pré-signer les constats de décès de ces vaillants combattants. »
Pessimisme toujours, quand Claude Jacquier juge que « la stratégie du “containment” ne peut être efficace qu’un temps » et prédit au préfet de l’Isère une prochaine “explosion du couvercle”. « Il est grand temps […] que les autorités publiques, étatiques et territoriales prennent enfin leurs responsabilités, au risque que tout cela déborde sur le reste du centre-ville, sur la Métropole voire dans vos bureaux érigés en forteresse-bunker place de Verdun », prévient-il.
La solution n’est pas dans les budgets ou les effectifs, juge enfin Claude Jacquier. « Ce qu’il faut ce n’est pas plus d’État […] mais mieux d’État, un État qui retrouverait à l’occasion un peu de la confiance des citoyen-nes », juge-t-il. Avant d’inviter le préfet à la dixième édition de la manifestation annuelle de l’ODTI, Equinox Métis, les 21 et 22 septembre 2018. Une réponse positive serait à ses yeux « l’esquisse d’un changement symbolique », aucun préfet de l’Isère n’ayant jamais fait le déplacement à cet événement.
FM
* Dernier vice-roi de l’Inde britannique, et premier gouverneur général de l’Inde indépendante.