EN BREF – L’instrument astronomique Gravity dont une pièce maîtresse a été conçue par des chercheurs grenoblois a permis de confirmer une prédiction de la relativité générale. Et ce grâce à l’observation, au centre de la Voie Lactée, du rougissement gravitationnel d’une étoile aux abords du trou noir super-massif Sagittarius A*. Les résultats obtenus par le consortium international éponyme, dont des chercheurs de l’Université Grenoble-Alpes, ont été publiés le 27 juillet 2018 dans Astronomy & Astrophysics.
Le rougissement gravitationnel ou décalage de longueur d’onde d’un astre vers le rouge ? Albert Einstein, le célèbre physicien allemand l’avait prédit dans sa théorie de la relativité générale. Cet effet qui, selon le génial chercheur, accompagne le mouvement d’une étoile propulsée à très grande vitesse a bien été observé pour la première fois, le 19 mai dernier, par le consortium scientifique international Gravity.
Ce dernier, dirigé par l’Institut allemand Max Planck pour la physique extraterrestre (MPE) et dont font partie des chercheurs de l’Université Grenoble-Alpes (UGA), a publié* ses résultats le 27 juillet 2018 dans Astronomy & Astrophysics. Un petit séisme dans la sphère astronomique.
Il a fallu la précision extraordinaire de l’instrument interférométrique Gravity, dont certaines des pièces maîtresses ont été fabriquées à Grenoble, pour permettre aux astronomes de suivre au plus près la trajectoire de l’étoile lointaine S2 située à 26 000 années lumières de la Terre !
C’est en revanche dans la proche banlieue du trou noir super-massif, Sagittarius A* (SgrA*), lui-même localisé au centre de notre galaxie, la Voie Lactée, que se niche l’astre visé, au nom bien peu romantique.
La prédiction du rougissement des astres véloces sous l’œil perçant de Gravity
La précision de Gravity ? Elle atteint 50 microsecondes d’angle grâce aux puces optiques adaptées à l’interférométrie astronomique réalisées par l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Ipag). Le tout en collaboration avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives et le Laboratoire d’électronique et de technologie de l’information (CEA-Leti). Pour vous faire une idée, c’est l’angle sous lequel une balle de tennis posée sur la Lune serait vue depuis la Terre.
Pour autant, Gravity n’opère pas seul. C’est depuis le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO) situé dans le désert d’Atacama au nord du Chili que les chercheurs sont parvenus à suivre le mouvement de cette étoile lointaine. Comment ? En pointant en direction de Sagittarius A* les quatre télescopes de la plateforme perchés sur le mont Cerro Paranal.
Et avec le concours des instruments Naco et Sinfoni et leurs mesures complémentaires obtenues, couplées à la précision de Gravity, les chercheurs ont pu calculer heure par heure la position exacte de l’étoile en déterminant ses caractéristiques.
Aux abords du trou noir SgrA*, les étoiles subissent les effets de la relativité générale
L’observation de S2 le 19 mai dernier a été judicieusement choisie. Et pour cause, l’étoile gravitait alors au plus près de SgrA*, soit à seulement 120 fois la distance Terre-Soleil de l’ogre de l’espace. Or, doté d’une masse équivalente à quatre millions de fois celle du Soleil, le trou noir SgrA* – qui génère le champ gravitationnel le plus intense de la Galaxie – a propulsé S2 à la vitesse vertigineuse de 8 000 km/s, soit 2,7 % de la vitesse de la lumière.
« Ces conditions sont suffisamment extrêmes pour que l’étoile S2 subisse les effets de la relativité générale », précisent les chercheurs, à l’affût de tels événements pour valider ou invalider l’explication actuelle de l’Univers proposée par Einstein.
Ces premiers résultats qui s’avèrent en parfait accord avec la théorie de la relativité générale « sont une avancée majeure pour mieux comprendre les effets des champs gravitationnels intenses », estiment les chercheurs. Ils représentent « le point d’orgue de 26 années d’observations menées avec les télescopes de l’Eso au Chili ».
Prochaine échéance attendue dans quelques mois ? « La détection des changements de la trajectoire de l’astre sous l’effet de la gravité pourrait apporter des informations sur la distribution de masse autour du trou noir », indiquent-ils.
Une chose est sûre, les astronomes pointeront encore longtemps leurs instruments vers Sagittarius A*, tant l’amas d’étoiles S qui gravitent autour constitue un « laboratoire idéal » pour tester sous toutes ses coutures la théorie de la relativité générale d’Einstein.
Véronique Magnin
- * « Detection of the Gravitational Redshift in the Orbit of the Star S2 near the Galactic Centre Massive Black Hole », Gravity Collaboration, Astronomy & Astrophysics, juillet 2018. Doi : 10.1051÷0004−6361÷201833718