FIL INFO – Des chercheurs du laboratoire grenoblois TIMC-IMAG ont développé un gilet pour rongeur qui, par sa technologie embarquée, permet sans opération préalable de mesurer les paramètres cardiaques et respiratoires des animaux de laboratoire. Breveté et bientôt disponible grâce à la jeune société lyonnaise Etisense émanant du laboratoire, cet outil offre de nouvelles perspectives pour améliorer à la fois le bien-être animal et les résultats de la recherche scientifique.
Pression sociétale ? Les défenseurs de la cause animale se réjouiront sans doute du fait que les scientifiques s’intéressent au bien-être des cobayes utilisés à des fins de recherche. Ainsi, des chercheurs du laboratoire grenoblois TIMC-IMAG* ont-ils mis au point une méthode qui permet le suivi physiologique à la fois cardiaque et respiratoire d’animaux éveillés, tout en évitant une lourde opération chirurgicale préalable. Le procédé est développé par la start-up technologique lyonnaise Etisense, issue du laboratoire TIMC-IMAG.
Jusqu’ici, la collecte des données respiratoires et cardiaques nécessitait la pose de capteurs autour de l’aorte, une intervention source de stress et de risques post-opératoires pour les animaux ainsi équipés.
Un gilet pour souris de laboratoire, bardé de capteurs
Une page se tourne ? Une chose est sûre, en s’appuyant sur la débitmétrie virtuelle (mesure à distance du débit d’un fluide, liquide ou gazeux), la nouvelle méthode développée par les scientifiques grenoblois n’a plus rien d’invasive.
En effet, c’est au moyen d’un gilet bardé de capteurs qu’ils mesurent les variations de volume du thorax, avec une résolution telle qu’elle permet aux algorithmes de reconstituer les paramètres physiologiques standards. À savoir, le débit d’air circulant entre la cage thoracique et l’extérieur ainsi que le débit de sang circulant entre la cage thoracique et le reste de l’organisme.
Une prouesse technologique car, comme l’indiquent les chercheurs, « chez les petits animaux tels que le rat, le rythme cardiaque est beaucoup plus élevé que chez les êtres humains et l’amplitude des signaux est beaucoup plus faible, ce qui rend leur analyse encore plus difficile ».
À la clé, « bien-être » animal, fiabilité des expériences et économies
Validée chez le rat, cette méthode respecte la règle des 3 R** qui vise l’amélioration des conditions d’hébergement et de la gestion de la douleur chez les animaux de laboratoire. Mais au-delà d’œuvrer à l’amélioration – toute relative – du bien-être animal, cette méthode sans acte invasif présente deux autres intérêts majeurs pour les chercheurs.
D’abord, l’élimination du biais induit par l’anesthésie et la chirurgie augmente les possibilités expérimentales auprès d’animaux libres de leurs mouvements.
L’autre atout est économique, directement induit par la simplification des procédures expérimentales qui s’affranchissent de l’anesthésie et de la chirurgie.
Les perspectives de développement pour Etisense ? Au troisième trimestre 2019, la start-up commercialisera son premier gilet baptisé Decro destiné aux rongeurs. Même si pour l’heure ce premier produit est relié aux appareils de mesures par voie “filaire”, une version connectée est déjà en cours de validation. À plus long terme, les chercheurs ont pour ambition de décliner ce gilet pour d’autres espèces telles que le cochon d’Inde, le mini-porc, le chien ou le primate.
Véronique Magnin
* CNRS-UGA-VetAgro Sup-Grenoble INP
** En recherche, la règle des 3R consiste à remplacer les animaux par d’autres méthodes lorsque cela est possible, à réduire le nombre d’animaux utilisés et, comme ici, à améliorer les procédures.