Stéphane Gemmani, conseiller régional du groupe Cap21. Soirée électorale à la Préfecture de Grenoble. 23 avril 2017. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'net

Stéphane Gemmani : « Grenoble ne peut se réduire à être la prime aux ambi­tions ron­ron­nantes des héri­tiers désignés »

Stéphane Gemmani : « Grenoble ne peut se réduire à être la prime aux ambi­tions ron­ron­nantes des héri­tiers désignés »

TRIBUNE LIBRE – Dans une tri­bune au vitriol contre « l’o­li­gar­chie qui s’ac­ca­pare toutes les richesses », l’an­cien conseiller muni­ci­pal de Grenoble et actuel conseiller régio­nal Auvergne-Rhône-Alpes Stéphane Gemmani s’in­quiète du « fossé » gran­dis­sant entre élus et citoyens. En creux, il avance aussi l’i­dée de sa propre can­di­da­ture pour les élec­tions muni­ci­pales de 2020. « Nous avons à dis­po­si­tion tous les leviers pour faire de cette ville un ter­ri­toire pro­mis à des jours heu­reux », promet-il.

Stéphane Gemmani devant les locaux du Samu social à Grenoble. © Nils Louna

La pau­vreté est un mal qui se trans­met presque sys­té­ma­ti­que­ment de géné­ra­tion en géné­ra­tion… Si cer­tains ont en héri­tage fami­lial une condi­tion sociale qui les expose à la pré­ca­rité, on peut consta­ter un pro­ces­sus d’héritage simi­laire, bien que dia­mé­tra­le­ment opposé pour ceux qui sont « bien nés ». Il est d’ailleurs tou­jours éton­nant que l’on retrouve ces « pre­miers de cor­dée » à rendre compte de leurs obser­va­tions, sta­tis­tiques et constats sur les plus dému­nis de nos concitoyens.

Ces gens-là gran­dissent et vivent entre eux dans un entre-soi per­ma­nent. Il suf­fit de regar­der cer­taines assem­blées, cer­taines ins­ti­tu­tions, cer­tains cercles, cer­tains moments pri­vi­lé­giés : il y a très peu de repré­sen­tants des ouvriers et des employés et encore moins des chô­meurs… Ils sont tou­jours entre eux, dans une forme de consan­gui­nité sociale per­pé­tuelle qui leur confère une impu­nité et une toute-puis­sance provocantes.

« Impunité de classe »

Quais et pont Saint Laurent, Grenoble © Chloé Ponset - Place Gre'netC’est cette impu­nité de classe qui leur décerne le droit d’utiliser cette force inso­lente et cette auto­rité impudente.

Impressionnés cer­tai­ne­ment par cet aplomb, cer­tains plus modestes, plus dis­crets, plus effa­cés, cèdent et aban­donnent toute lutte et donc tout espoir de voir un jour leurs rêves et leurs idéaux se réaliser.

Paul Nizan dans Les chiens de garde disait : « La bour­geoi­sie tra­vaillant pour elle seule, exploi­tant pour elle seule, mas­sa­crant pour elle seule, il lui est néces­saire de faire croire qu’elle tra­vaille, qu’elle exploite, qu’elle mas­sacre pour le bien final de l’humanité. Elle doit faire croire qu’elle est juste. Et elle-même doit le croire… »

« De plus en plus insupportable »

Cette « classe » est tel­le­ment sûre d’elle, qu’elle se dis­so­cie, qu’elle se décon­necte du peuple, et que ses men­songes, à force d’être répé­tés inlas­sa­ble­ment en boucle, et relayés par­fois par cer­tains, en deviennent “la” vérité qu’ils imposent et qui leur donne cette capa­cité à gou­ver­ner. Ce pro­ces­sus de déshu­ma­ni­sa­tion, de mépris de l’autre dans sa dif­fé­rence leur donne le sen­ti­ment d’être forts. Il s’agit d’une ins­tru­men­ta­li­sa­tion pour le béné­fice de leur pré­da­tion, pour le béné­fice de leurs pri­vi­lèges, pour le béné­fice de leur pouvoir.

Ce fonc­tion­ne­ment de classe, d’une oli­gar­chie qui s’accapare toutes les richesses et tous les pou­voirs, en van­tant en boucle le bien-fondé d’un nou­veau monde, me devient, jour après jour, de plus en plus insupportable.

« Un Grenoblois parmi les Grenoblois »

Je suis né à Grenoble. Je suis un petit-fils d’immigrés ita­liens. Mes grands-parents, mes parents ont été suc­ces­si­ve­ment ouvriers, cou­tu­rières et com­mer­çants. J’ai grandi à Grenoble, sur les places des mar­chés Sainte-Claire et Saint-Bruno, mais aussi un peu dans son agglo­mé­ra­tion, entre Saint-Martin‑d’Hères et Seyssinet-Pariset, les pre­mières années de ma vie.

Je m’y suis construit. J’y ai connu ma femme et j’y ai élevé mes enfants. J’ai perdu des êtres chers et eu des moments de bon­heurs immenses. J’ai tou­jours vécu dans cette ville. J’y ai été élu. J’y ai tou­jours tra­vaillé. J’en connais chaque rue et presque chaque moment de son his­toire. Tous ces moments sont deve­nus aussi un peu de mon his­toire per­son­nelle. Chaque rue, chaque place est char­gée de sou­ve­nirs et de moments où le cœur de cette ville a battu en même temps que celui de ceux qui la font vivre.

Stéphane Gemmani. © Nils Louna - placegrenet.fr

Stéphane Gemmani. © Nils Louna – pla​ce​gre​net​.fr

C’est pour­quoi j’ai tou­jours tenu à être un Grenoblois parmi les Grenoblois. Parce que j’aime pro­fon­dé­ment, sin­cè­re­ment cette ville et mon atta­che­ment à ses habi­tants est fidèle et indé­fec­tible. Mais aujourd’hui, l’avenir de Grenoble est pour moi un motif d’inquiétude et d’espérance. Un motif d’inquiétude, car depuis plu­sieurs années, notre ville se frac­ture chaque jour un peu plus.

Son tissu social se délite sous l’effet de poli­tiques muni­ci­pales davan­tage gui­dées par l’idéologie que par le désir d’être utiles au bien public. Un fossé s’est creusé entre la ville et ceux qui la repré­sentent et l’administrent. Mais, soyons hon­nêtes, ce fossé ne date pas de l’actuelle majo­rité qui siège à l’Hôtel de Ville. Une forme d’aristocratie poli­tique a rem­placé la méri­to­cra­tie qui a fondé l’utopie grenobloise.

Mon autre inquié­tude réside aussi dans le fait que notre ville a cessé de jouer en pre­mière divi­sion. Les richesses pro­duites à Grenoble ont cessé d’alimenter son déve­lop­pe­ment social. Et je le vois jour après jour au sein de la Région Auvergne-Rhône-Alpes que ce qui a fait le suc­cès du modèle gre­no­blois a cessé d’opérer.

« Je suis dis­po­nible pour ma ville et pour l’au­dace qu’elle espère depuis si longtemps »

Mais c’est aussi un motif d’espérance car je sens, et j’en suis inti­me­ment convaincu, que la manu­fac­ture gre­no­bloise n’a pas fini de pro­duire les uto­pies ins­crites dans son ADN.

Nous avons à dis­po­si­tion tous les leviers pour faire de cette ville un ter­ri­toire pro­mis à des jours heu­reux, à la pros­pé­rité éco­no­mique mise au ser­vice de l’innovation sociale et envi­ron­ne­men­tale. À Grenoble, nous avons un mes­sage à por­ter pour défendre l’universalisme des valeurs de la République et pour dire à nos conci­toyens qu’il n’y a pas de fata­lité au popu­lisme, au repli iden­ti­taire et à l’asservissement à des idéo­lo­gies doctrinaires.

Et c’est ce que je m’efforce de faire depuis jan­vier 2016, en ras­sem­blant des femmes et des hommes de tout hori­zons, quels que soient leurs his­toires, leurs par­cours et leurs origines.

Aujourd’hui, je suis un Grenoblois parmi les Grenoblois, fruit d’une ville dont l’avenir est exaltant.

Aujourd’hui, je veux faire que l’ambition des cœurs pèse plus lourd que l’ambition tout court.

Aujourd’hui, je suis dis­po­nible pour ma ville et pour ser­vir l’audace qu’elle espère depuis si longtemps.

***

Rappel : Les tri­bunes publiées sur Place Gre’net ont pour voca­tion de nour­rir le débat et de contri­buer à un échange construc­tif entre citoyens d’opinions diverses. Les pro­pos tenus dans ce cadre ne reflètent en aucune mesure les opi­nions des jour­na­listes ou de la rédac­tion et n’engagent que leur auteur.

Vous sou­hai­tez nous sou­mettre une tri­bune ? Merci de prendre au préa­lable connais­sance de la charte les régis­sant.

Place Gre'net

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