TRIBUNE LIBRE – Deux semaines après l’annulation par le tribunal administratif du dispositif de votation citoyenne à Grenoble, les conseillers municipaux d’opposition Matthieu Chamussy (Les Républicains) et Jérôme Safar (en retrait du parti socialiste) dénoncent dans une tribune l’échec de cette expérimentation. Et appellent à réfléchir à de nouvelles initiatives pour la démocratie locale.
La décision du tribunal administratif d’annuler le dispositif de la votation citoyenne a provoqué de nombreuses réactions dont celles-là mêmes des auteurs de ce texte. Pour autant, nous n’en n’avons pas fini avec le sujet puisqu’au-delà du dispositif en lui-même, c’est la question de la démocratie locale qui est, une fois de plus, interrogée.
Nous y contribuons bien volontiers puisque l’un et l’autre nous portions en 2014 devant les Grenoblois des propositions fortes en la matière. Nous le faisons sciemment d’une même plume pour mieux affirmer que cette question doit dépasser toute approche partisane. Elle renvoie à un socle commun de valeurs et de principes et notamment la volonté d’associer au plus près nos concitoyens au processus de construction de la décision publique.
De ce point de vue, nous avons la conviction que, loin d’être une perte, le temps que l’on y consacre est un gain précieux puisqu’il favorise l’appropriation de la décision publique par le plus grand nombre et contribue donc à ce qu’elle soit mieux acceptée. Au moment où les populismes et les solutions simplistes et excessives reprennent vigueur en Europe et dans notre pays il s’agit donc bien de défendre notre bien commun le plus précieux, une démocratie saine et apaisée.
« Qui peut sincèrement se satisfaire d’un tel bilan ? »
Ceci posé, il nous faut revenir sur le bilan de la votation citoyenne. Son échec devant le tribunal administratif n’est pas suffisant pour analyser la situation. Cette votation n’a eu lieu qu’une seule fois, au sujet des nouveaux tarifs de stationnement. Les deux tiers des habitants qui s’étaient exprimés avaient demandé l’annulation de la délibération instaurant les nouveaux tarifs, sans pour autant obtenir gain de cause. Un autre vote aurait dû être organisé sur la réouverture des bibliothèques fermées sans concertation mais la majorité municipale a refusé de l’organiser.
C’est dire qu’au final ce prétendu « droit nouveau » n’a rien produit de concret, si ce n’est l’incompréhension et la colère de celles et ceux qui ont eu le sentiment de ne pas être écoutés et respectés.
Qui peut sincèrement se satisfaire d’un tel bilan ? Qui peut dire, sincèrement, qu’une telle expérience aura donné envie à davantage de nos concitoyens de s’impliquer dans la vie locale ?
Mais si la justice administrative a décidé de sanctionner ce dispositif c’est aussi parce qu’il ne respectait aucune règle de droit.
Nous sommes surpris de devoir rappeler les règles de base qui garantissent un scrutin sincère et loyal et notamment la nécessité de disposer de listes des électeurs et la présence d’isoloirs dans les bureaux de vote. Dans une démocratie, le vote est quelque chose de sérieux qu’il n’est pas souhaitable de galvauder. Instrumentaliser le vote et son périmètre, alors que nous avons la chance de bénéficier du suffrage universel, combat de nos aînés, est dangereux.
« Travailler à définir un nouveau cadre d’engagement citoyen »
Nos alertes, nombreuses depuis quatre ans, n’ont pas été entendues et il n’est pas possible d’en rester à ce fiasco. Il nous apparaît indispensable de travailler à définir un nouveau cadre d’engagement citoyen. Nous voulons le faire dans la transparence, la diversité des sensibilités et la robustesse d’un cadre juridique. Nous appelons à le faire avec méthode, esprit d’écoute et sérieux. Le contraire de ce qui a été entrepris. Nous regrettons le spectacle donné et pour tout dire démagogique du maire de Grenoble, qui renvoie son échec à l’État et à ses institutions. La ficelle est grosse mais elle peut faire impression.
Le tribunal administratif a sanctionné une absence de rigueur juridique, et même si cela n’est pas l’objet de son jugement, « un coup de comm” » et une méthode utilisés au détriment de la véritable expérimentation et innovation démocratique. Le débat sur la modernité ne se tranche pas devant la justice, il évolue par le travail et une réelle pédagogie.
« Sortir des schémas partisans »
Nous pensons qu’il aurait été intéressant, surtout quand on évoque les insuffisances de la loi, alors que les dispositions sur le non-cumul des mandats sont entrées en vigueur, que le pouvoir municipal mobilise l’ensemble des acteurs sur ce dossier dont l’intérêt dépasse le strict cadre municipal. Nous devons et nous pouvons trouver ensemble, dans un cadre ouvert aux acteurs de la vie démocratique locale, de nouvelles méthodes de travail tenant compte de l’intérêt commun et sortant des schémas partisans.
C’est pourquoi nous proposons aux deux députés de l’Isère dont la circonscription comprend des quartiers de Grenoble, Émilie Chalas et Olivier Véran, de réfléchir avec eux à des initiatives qui pourraient être portées localement et qu’ils pourraient souhaiter voir traduire dans la loi.
Cela passe par de nombreuses questions à traiter au-delà de l’arrêt du tribunal administratif et qui sont apparues à Grenoble : les moyens alloués à la campagne d’information, le calendrier de ces votations, le collège électoral, les incidences sur l’assemblée communale… L’appui et l’expertise de professionnels, universitaires, juristes et militants associatifs, serait une plus-value essentielle.
En conjuguant pouvoir d’initiative législative, expertise d’usage d’élus municipaux, de militants associatifs présents au sein des instances de notre ville et la diversité des sensibilités, nous proposons ainsi de renouer avec l’esprit pionnier de la démocratie locale à Grenoble.
Matthieu Chamussy, conseiller municipal (Groupe Les Républicains, UDI et société civile) de Grenoble, Jérôme Safar, conseiller municipal (Groupe de rassemblement, de gauche et de progrès) de Grenoble.
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