EN BREF – Ce vendredi 18 mai, s’est déroulée à Grenoble une marche de solidarité envers les Palestiniens, et plus particulièrement les Gazaouis. Les 700 manifestants ont tenu à soutenir les « Marches du retour », au cours desquelles 109 Palestiniens ont été tués par des soldats israéliens.
« Nakba, on n’oublie pas. » Le slogan résonne dans les rues de Grenoble. La nakba, « catastrophe » en arabe, a été commémorée le 15 mai dernier dans les territoires palestiniens. Elle correspond à l’exode de la population palestinienne lors de la guerre israélo-arabe de 1948. La marche, qui a réuni environ 700 personnes, a démarré rue Félix-Poulat pour se terminer devant le Musée de Grenoble.
« La paix est devenue une notion utopique en ce moment », estime Michèle, pourtant membre du Mouvement de la paix. À son bras, un brassard noir « pour porter le deuil ». En effet, depuis que les « marches du retour » ont débuté, le 30 mars à Gaza, 109 Palestiniens ont été tués et plusieurs milliers ont été blessés.
Une manière de « dénoncer l’absurdité de ce conflit »
Les manifestants réclament aussi la fin du blocus exercé sur le territoire depuis 2008 par Israël et l’Égypte, et protestent contre l’inauguration à Jérusalem de l’ambassade américaine, auparavant implantée à Tel-Aviv.
Au cœur de la manifestation, de nombreuses banderoles affichant un soutien au peuple palestinien, ainsi qu’une affiche reprenant le tableau Guernica du peintre Pablo Picasso, avec l’inscription « Gaza » au centre. Une manière, d’après un manifestant, de « dénoncer l’absurdité de ce conflit ».
Chayma, 18 ans, a tenu à participer à cette marche. « Soit on essaye de cacher ce qu’il se passe, soit on s’exprime. De nombreux arguments utilisés par le gouvernement israélien ne sont pas valables. Non, les Palestiniens qui se soulèvent ne sont pas des terroristes. »
« Nous voulons simplement faire entendre nos voix »
Pour Michèle, les préjugés sur ce mouvement sont légion, et la propagande du gouvernement israélien se propage jusqu’en France. C’est l’habituel discours indiquant que « le Hamas (parti islamiste au pouvoir à Gaza) utiliserait les enfants palestiniens pour faire sa propagande et toucher les médias étrangers ».
Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po, résume dans un article, l’état d’esprit des Gazaouis. Il y cite un Palestinien de 20 ans : « La situation ici se détériore constamment et les gens savent que le combat violent n’a aucune chance. Nous voulons simplement faire entendre nos voix. Nous voulons faire savoir qu’il y a des êtres humains qui vivent ici, comme partout ailleurs, avec des rêves, comme partout ailleurs. »
Ainsi, pour le chercheur, « c’est cette impasse collective, tragiquement ressentie à Gaza, qui alimente la dynamique de la “marche du retour”, et non une obscure manipulation par le Hamas ».
Des drapeaux palestiniens… et une kippa
Jean-Marc, membre de la Campagne BDS (boycott-désinvestissement-sanctions), réclame que « les résolutions de l’Onu soient respectées » et « regrette la réponse timide du gouvernement français ». « On a eu droit à une condamnation verbale mais rien ne change », déplore-t-il.
Il rappelle au passage le droit international et l’interdiction pour les banques françaises d’investir dans les colonies israéliennes. Et accuse notamment Axa et la Caisse d’épargne de bafouer le droit international.
Dans cette manifestation, de nombreux drapeaux palestiniens, mais aussi une kippa, calotte des juifs pratiquants. C’est Édouard. Il a tenu à porter à cette occasion ce couvre-chef particulier, fabriqué à partir de tissu palestinien. « On peut être juif et soutenir les Palestiniens » martèle-t-il. « Je ne peux pas supporter que l’extrême droite israélienne agisse de la sorte, en toute impunité. »
Gilles partage cet avis, lui qui est militant depuis vingt ans à l’Union juive française pour la paix, association voulant « contrecarrer le Crif [Conseil représentatif des institutions juives de France, ndlr] qui s’aligne sur la politique israélienne ».
Pour lui, « de nombreuses personnes en Israël ne sont pas d’accord avec la politique actuelle ». « Il faut sortir de cette logique d’opposition entre Israéliens et Palestiniens. Des deux côtés, des personnes veulent la paix et s’unir. »
À l’occasion de la manifestation, la place du tribunal ainsi que d’autres lieux ont été rebaptisés « Place de la nakba ». Une manière d” « éviter de tomber dans l’indifférence », comme le répète Chayma.
Édouard Merlo