FOCUS – Après plus d’une semaine de protestations, le mouvement contre la loi d’Orientation et de réussite des étudiants se poursuit sur le domaine universitaire de Saint-Martin‑d’Hères. Alors que la présidence de l’Université Grenoble-Alpes fait procéder à des déblocages « de manière pacifique et raisonnée », les manifestants n’entendent pas renoncer à leurs revendications. Réunis en assemblée générale ce jeudi, ils ont voté pour étendre leur action dès ce vendredi au bâtiment de Sciences Po et au Département licence sciences et technologies.
« On continuera à se battre tant que la loi ne sera pas retirée. » Les étudiants de l’Université Grenoble-Alpes (UGA) mobilisés depuis près de dix jours contre la réforme des modalités d’accès à la fac, n’entendent pas lâcher prise. Et cela, malgré la décision de l’équipe politique et administrative de l’UGA de « poursuivre les déblocages sur tout le campus universitaire de manière pacifique et raisonnée ».
« Les services techniques, non accompagnés par les forces de l’ordre ou de sécurité » errent en effet sur le domaine universitaire afin d’ouvrir les portes des édifices barrés, a indiqué le président Patrick Lévy dans un courrier envoyé à l’ensemble du personnel, ce mercredi matin.
Une action qui, avec l’accord des manifestants, a permis à la direction des ressources humaines d’accéder aux locaux de l’ancienne université Stendhal afin de procéder à « son travail de saisie des payes ».
Un signal timide de reprise de dialogue ? Pas si sûr… Loin de vouloir faire marche arrière, les manifestants n’entendent pas céder le terrain « conquis ». En l’occurrence, au-delà des édifices de Stendhal, l’UFR Arsh, le bâtiment Simone Veil ou encore le centre de langues vivantes, occupé depuis mardi dernier.
Une assemblée démocratique ?
Suite à ces actions, les manifestants ont convoqué une nouvelle assemblée générale, ce jeudi 12 avril. À l’ordre du jour ? Une consultation collective visant à définir les prochaines étapes de la mobilisation, tout en en rappelant les objectifs. Rendez-vous était donc donné à midi devant les accès barrés du bâtiment Stendhal. Un appel auquel ont répondu plusieurs centaines de personnes (plus de mille, selon les organisateurs), étudiants grévistes et détracteurs de la contestation confondus.
Respect de la démocratie oblige, les porte-paroles des deux factions adversaires ont ainsi pu prendre la parole. Alors que les blocages se multiplient sur le domaine universitaire, un nombre croissant d’étudiants semblerait en effet s’opposer à « la forme violente » qu’a prise la protestation, relate Tom Denat, président de l’association Interasso et élu au conseil d’administration de l’UGA.
« Les personnes qui ont voté contre lors de la dernière assemblée générale n’ont finalement pas pu s’exprimer parce qu’elles ont été couvertes d’insultes et de menaces », dénonce-t-il. Et celui-ci d’interroger : « De plus en plus de bâtiments sont touchés par les blocus. Est-il légitime d’imposer cette décision à l’ensemble des étudiants ? »
D’où le choix de certains d’entre eux de lancer des missions nocturnes de déblocage. « Des initiatives spontanées » menées par « des étudiants qui souhaitent tout simplement libérer leur propre bâtiment », affirme Tom Denat, en écartant toute revendication politique. Par ailleurs, une pétition, en ligne depuis quelques semaines, demandant la fin des blocages dépasse les neuf cents signatures.
Les blocages se poursuivent… et se multiplient
« Depuis septembre, on demande au gouvernement de retirer son plan étudiant, sauf que celui-ci ne nous entend pas. C’est pour cela qu’on a choisi de se mobiliser massivement en adhérant au mouvement de contestation national » rappellent de leur côté les syndicats Unef et Solidaires étudiant-es Grenoble. Leur revendication : exiger plus de financements en direction des universités pour que ces dernières puissent accroître leur capacité d’accueil. Et cela, sans avoir à recourir à des « critères de sélection aléatoires ».
Dans une lettre ouverte à Patrick Lévy, les étudiants et le personnel de l’UGA mobilisés ont également demandé « d’augmenter la donnée d’appels sur l’interface ParcoursSup pour qu’elle égale le nombre de demandes déposées, permettant ainsi de répondre “oui” à tous les titulaires du baccalauréat qui en font la demande, comme cela s’est fait dans d’autres universités ».
Autant de causes qui, à juger des résultats des votes, ont reçu un large soutien de la part des participants à l’assemblée. À l’issue de plus de quatre heures de débats, une large majorité de manifestants a en effet voté pour prolonger les blocages des sites déjà “conquis”, tout en poursuivant l’occupation du centre de langues vivantes.
Autre délibération : l’élargissement des blocages au bâtiment de Sciences Po ainsi qu’au Département licence sciences et technologies (DLST), ce vendredi 13 avril au petit matin. Redoutant cette « intrusion », les directeurs des deux composantes ont vite fermé les édifices en question… quitte à interrompre les cours.
Le personnel enseignant monte au créneau
Parallèlement à la consultation étudiante, une autre assemblée générale avait lieu sur le campus. Environs quatre cents membres du personnel enseignant des UFR de Sciences humaines et sociales se sont réunis pour protester contre la loi ORE et la mise en place de la plateforme Parcours-sup.
L’occasion, pour ces derniers, de (ré)affirmer leur soutien au mouvement étudiant… mais aussi de dénoncer un manque de transparence de la part de la direction.
« Depuis le début des manifestations, l’administration nous incite à déplacer les cours sur d’autres bâtiments. C’est une procédure qui lui permet de contourner les blocages », explique Isabelle Krzykowski, professeur de littérature comparée à l’UGA et membre du syndicat Snesup-FSU. Les étudiants grévistes, poursuit-elle, sont ainsi « pénalisés car ils ne suivent pas les cours ». Et de conclure : « On nous oblige à devenir des briseurs des grèves ! »
Giovanna Crippa, correspondante à Saint-Martin-d’Hères