FOCUS – Alors que le gouvernement vient de présenter aux associations son nouveau projet de loi sur l’immigration, le collectif Migrants en Isère et la Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers (Cisem), haussent le ton face à ce texte qu’ils jugent « liberticide ». Et annoncent l’ouverture d’États généraux des migrations.
« Le projet de loi va sans aucun doute condamner des centaines de personnes à vivre ici sans aucun droit et sans espoir. »
Pour Jo Briant, militant de la première heure aux côtés des sans-papiers et membre de la Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers (Cisem), le constat est amer.
Et la déception des associations réelle face au choix de l’État de privilégier les mesures coercitives. « Il s’agit de dissuader l’arrivée des migrants, loin des belles promesses de campagne d’Emmanuel Macron. »
« Des situations administratives insupportables »
Le parcours d’un demandeur d’asile est souvent jonché d’embûches, rapporte Jo Briant, qui cite le cas emblématique de Pedro, opposant au pouvoir en Angola. Arrivé en France en 2002, celui-ci obtient en 2013 son titre de séjour, qui ne sera finalement pas renouvelé en 2015. Une situation qui n’est pas isolée.
Un grand nombre de demandeurs d’asile se trouvent ainsi sur le territoire depuis des années mais, faute de titre de séjour, ne peuvent travailler. « Ils ont le sentiment qu’ils sont condamnés sans droits », déplore Jo Briant.

Membres du collectif Migrants en Isère et de la Cisem, qui rassemblent des associations d’accompagnement et de défense des droits des étrangers. © Juliette Oriot – Placegrenet.fr
Pour les militants, la situation ne risque pas de s’améliorer avec la nouvelle loi. Le texte prévoit certes de diminuer les délais de demandes d’asile mais « tout ce gain de temps se fait au dépend du dépôt de la demande d’asile » (cf.encadré), déplore Bernard Pouyet, coprésident de l’Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile et de protection (Apardap).
L’État renforce par ailleurs ses mesures de contrôle et de rétention, notamment avec la circulaire Collomb permettant aux préfectures de recenser les migrants dans les centres d’accueil. Au final, Denis Hatzfeld, porte-parole du collectif Migrants en Isère*, regrette « un manque de points positifs alors qu”[il] attendait des ouvertures ».
Des États généraux des migrations pour une « politique d’hospitalité »
Malgré une explosion de la solidarité citoyenne, « il ne faudrait pas que les citoyens fassent tout le travail de l’État, analyse de son côté Jo Briant. Il faut peser sur l’État pour qu’il assume ses responsabilités. » Ce constat, Migrants en Isère et la Cisem ne sont pas les seuls à le partager. Plusieurs recours ont ainsi été déposés par de “grandes” associations, comme le Secours populaire ou Emmaüs. Faute de réponse satisfaisante, elles ont décidé de lancer les États généraux des migrations, du 26 au 27 mai prochains.
Le collectif et la coordination iséroise comptent bien prendre part au mouvement et ouvrent, dès à présent, des États généraux menés par l’Apardap.
L’objectif ? Une véritable politique d’hospitalité autour de plusieurs priorités : le droit au travail lors d’un dépôt de dossier, à la formation professionnelle et, surtout, à l’hébergement. Sur les 1 500 personnes vivant dans la rue en Isère, 400 à 500 seraient en effet en demande d’asile.
Dans ce cadre, plusieurs événements sont envisagés, notamment en soutien aux jeunes migrants hébergés au Patio de Saint-Martin-d’Hères. L’association prévoit ainsi une mobilisation pour exiger la pérennisation du lieu, le 28 mars, peu avant la fin de la trêve hivernale.
Parallèlement, des actions et rencontres sont prévues. Dont une première initiative publique programmée le 27 mars à l’auditorium du Musée de Grenoble, autour de la question « Quelles hospitalités pour les migrants ? »
Juliette Oriot
* Le collectif Migrants en Isère regroupe seize associations d’accompagnement et de défense des droits des étrangers : Amicale du nid, Amnesty international, Appart, Apardap, Association Saint-Paul, La Cimade, Cuisine sans frontières, Diaconat protestant, Institut des Droits de l’Homme du barreau de Grenoble (IDH), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Médecins du Monde, la Pastorale des migrants, La Rencontre, Roms-action, le Secours catholique et Un toit pour tous.
Demande d’asile : une procédure longue et complexe
1re étape :
Passage à la Plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (Pada) avant 120 jours (passage à 90 jours avec le projet de loi).
2e étape :
Prise de rendez-vous au Guichet unique des demandeurs d’asile (Guda) : prise d’empreinte, entretien individuel. Dans le meilleur des cas, le migrant peut obtenir une proposition de logement en Centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada). Bien souvent, seuls 30 % d’entre eux trouvent un hébergement. Dans le cas inverse, la domiciliation postale reste celle de la Pada.
3e étape :
Par la suite, une demande doit être déposée dans les 21 jours après l’enregistrement à la Guda. Une convocation à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides est délivrée dans un délai moyen de 180 jours.
4e étape :
En cas de refus, le délai de recours à la (CNDA) est d’un mois après la notification de refus. La nouvelle loi sur l’asile prévoit un délai de recours raccourci à quinze jours.
Finalement, ce sont les délais de dépôts qui sont raccourcis et non les délais de traitement des demandes. Une réduction du temps de préparation pour les migrants, que dénoncent les associations, évoquant notamment l’absence de maîtrise de la langue qui les pénalise.